Cheikh Oumar Diagne, l’homme qui n’aime pas le Sénégal (Par Adama Ndiaye)
Après ses déclarations incendiaires sur les tirailleurs sénégalais, qu’il a qualifiés de « traîtres » ayant combattu leurs frères pour de l’argent, Cheikh Oumar Diagne a été limogé par le président Bassirou Diomaye Faye, le 31 décembre dernier. Cette sortie, diffusée le 21 décembre sur Fafa TV, avait suscité une vive polémique, au point que le porte-parole du gouvernement, Moustapha Njekk Sarré, s’était dit « en total déphasage » avec ces propos. Le président Faye, lui, avait tenu à rendre hommage aux anciens soldats coloniaux lors d’une grande cérémonie, marquant ainsi une rupture nette avec son ex-ministre.
Mais cette affaire n’est qu’un épisode d’une longue série de controverses portées par cet habitué des déclarations fracassantes. Cheikh Oumar Diagne s’en est pris tout récemment à des pans entiers de l’histoire sénégalaise, remettant en cause des récits mémoriels solidement ancrés dans la conscience collective. Concernant la Maison des Esclaves de Gorée, il soutient que son rôle dans la traite négrière a été exagéré, affirmant qu’elle n’était qu’une simple demeure appartenant à une signare, Anne Colas, et que Saint-Louis aurait joué un rôle bien plus central dans le commerce triangulaire. Sur l’épisode tragique de Nder, en 1820, il ne nie pas la résistance des femmes du Walo face aux envahisseurs maures, mais conteste l’idée d’une immolation collective, préférant y voir un acte de bravoure au combat plutôt qu’un sacrifice volontaire.
« Il nous faut des assises véritables de notre histoire », clame-t-il, appelant à une relecture critique des faits, débarrassée de tout dogme. Une ambition qui pourrait sembler louable si elle ne s’inscrivait pas dans un projet plus large, dont Cheikh Oumar Diagne ne fait guère mystère. Car derrière cette entreprise de déconstruction de l’histoire sénégalaise se profile une tentative de régénération par l’islamisme, un objectif qu’il porte en tant que chef d’un parti islamiste. Il se proclame Maba et à l’occidentalisation qu’il honnit il veut remplacer l’arabisation.
Son modèle n’est pas à chercher dans les richesses culturelles du Sénégal – nos anciens rois, les thiossane, la voix de Youssou Ndour ou le “Dogo” de Kiné Lam ne l’ont jamais bercé – mais dans des sociétés comme l’Iran ou l’Afghanistan, où la rigidité idéologique prime sur la diversité et la liberté.
Ancien rappeur reconverti en prédicateur austère, Cheikh Oumar Diagne s’abreuve aux thèses complotistes et emprunte volontiers à la rhétorique des leaders de l’extrême droite européenne, qu’il recycle sous un vernis religieux. Fanatique « sourd comme un pot », pour reprendre une formule populaire, il incarne ce que Stefan Zweig décrivait si bien dans Le Monde d’hier : « Le fanatisme, cette maladie de l’esprit, est une force qui ne connaît ni frein ni mesure. » Un esprit chagrin, dangereux, dont l’intelligence et la culture, souvent vantées par ses partisans, semblent bien surestimées au regard de la pauvreté de sa vision.
En s’attaquant aux symboles de la mémoire sénégalaise, Cheikh Oumar Diagne ne cherche pas seulement à provoquer : il veut remplacer une histoire plurielle par une doctrine monolithique. Le Sénégal, terre de dialogue et de résilience, mérite mieux que ce prophète autoproclamé de la discorde.