Thierno Alassane Sall : le trouble-fête de l’ère Faye-Sonko
Dans
un paysage politique où l’opposition traditionnelle peine à
s’organiser, Thierno Alassane Sall (TAS), leader de la République des
Valeurs (RV), s’impose comme un électron libre. Loin de se contenter
d’un rôle discret, il n’hésite pas à défier un pouvoir solidement ancré à
l’Assemblée nationale, dominée par le parti Pastef. Alors que des
figures comme Amadou Ba, arrivé deuxième à la présidentielle de mars
2024, Khalifa Sall, Barthélémy Dias ou encore Idrissa Seck brillent par
leur silence, TAS se distingue par son activisme et sa détermination.
Parfois, il dame même le pion au groupe parlementaire « Takku Wallu
Sénégal », dirigé par Me Aïssata Tall Sall.
Député
non inscrit, agissant souvent en solitaire, Thierno Alassane Sall
occupe le devant de la scène avec des positions tranchées sur les
décisions du gouvernement de Bassirou Diomaye Faye. Le 26 février 2025,
le bureau de l’Assemblée nationale a rejeté sa proposition de loi
déposée le 18 février, visant à abroger la loi d’amnistie du 13 mars
2024. Ce texte, qui couvrait les infractions liées aux manifestations ou
à des motifs politiques entre février 2021 et février 2024, a été
retoqué pour des raisons techniques. Selon le premier vice-président,
Ibrahima Diallo, son abrogation « aggraverait la charge publique ».
Ce
rejet a suscité une polémique. Pastef, le parti au pouvoir, y voit une
manœuvre opportuniste, accusant TAS de chercher à embarrasser
l’exécutif. L’ironie est palpable : Pastef avait promis, durant sa
campagne, d’abroger cette même loi d’amnistie, mais se retrouve
aujourd’hui dans l’embarras, forcé de justifier son inaction. En
frappant là où ça fait mal, TAS a mis le gouvernement face à ses
contradictions.
L’opposant
ne s’est pas limité à cette initiative. Lors d’une séance de questions
d’actualité le 21 février, il a fustigé la « déconnexion » du budget
2025 avec les réalités économiques du pays, interpellant directement le
Premier ministre Ousmane Sonko sur la légalité des fonds politiques. Son
intervention, largement relayée sur les réseaux sociaux, a provoqué une
réplique cinglante de Sonko, qui a dénoncé une « critique gratuite ».
Dans un entretien accordé fin février au magazine Jeune Afrique,
l’ancien ministre de l’Énergie sous Macky Sall a dressé un bilan sévère
des premiers mois de Pastef au pouvoir. Il accuse l’exécutif « d’avancer
sans cap clair et d’aggraver la situation économique », pointant du
doigt la réduction des subventions et des dépenses sociales, qu’il
qualifie de « politique d’austérité » – un terme que Sonko rejette
catégoriquement.
Pour
TAS, la loi d’amnistie reste une « épine dans le pied » du
gouvernement. Conscient des attentes populaires, l’exécutif hésiterait à
l’abroger par crainte de répercussions personnelles, notamment pour ses
propres cadres. Il rappelle l’ambivalence de Pastef lors de son
adoption : abstention en commission, vote contre en plénière, après une
tentative avortée d’exclure les crimes des forces de défense et de
sécurité (FDS). « Aujourd’hui, ils sont au pouvoir, et ces mêmes FDS
sont sous leur responsabilité. Ils sont piégés par leurs contradictions
», assène-t-il.
TAS
va plus loin, critiquant l’inaction du gouvernement face à une
situation économique qu’il juge préoccupante. « En tardant à trancher,
ils entretiennent l’illusion que tout est sous contrôle, alors que les
indicateurs sont alarmants, comme l’a souligné un récent rapport de la
Cour des comptes », affirme-t-il.
Avec seulement 0,58 % des voix à la présidentielle de mars 2024, TAS a néanmoins conservé son siège de député lors des législatives de novembre. Peut-il aujourd’hui prétendre au titre de chef de file de l’opposition sénégalaise ? La question demeure ouverte, mais son dynamisme tranche avec l’apathie de ses concurrents.