Mort de l’étudiant Matar Diagne : L’enquête n’a pas encore confirmé l’authenticité de la lettre d’adieu
La
lettre d’adieu bouleversante publiée ce mardi sur la page Facebook du
défunt étudiant de l’UGB Matar Diagne a suscité une vive émotion sur les
réseaux sociaux. Mais l’enquête en cours n’a pas encore permis de
confirmer l’authenticité du texte, jusqu’à ce jour à 21 h, a appris
Seneweb d’une source autorisée. La brigade de recherches de Saint-Louis a
même sollicité le concours d’une unité spécialisée dans le domaine. Les
résultats ne sont pas encore parvenus aux enquêteurs. Les
investigations se poursuivent sous la supervision du procureur de la
République de la capitale du Nord.
Voici la lettre d’adieu publiée
« Lettre de MATAR DIAGNE
Je ne serai plus vivant quand vous lirez ce texte. J’ai décidé de mourir dans la dignité plutôt que de vivre dans le déshonneur.
En
2020, j’ai obtenu mon baccalauréat en étant premier du centre, mais
quelques mois plus tôt, une grave maladie m’a atteint et elle persiste
jusqu’à maintenant. J’ai toujours été une personne réservée dont
l’intégration était quelque peu pénible. Pendant cette période, j’avais
commencé à m’intégrer socialement, mais à cause de la maladie, j’ai
recommencé à m’isoler. Malgré tout, j’ai décidé d’aller à l’université
et de poursuivre mes études, et là, je vis entre l’UFR et ma chambre.
Mais certaines personnes ne voient pas cela d’un bon œil. « Ki dafa
bonn, dou dem thi nitt yi. Beugoul nitt yi », disent-ils. Cela m’a
davantage isolé. Pourtant, il aurait été facile pour eux de comprendre
que c’est ma situation qui me pousse à m’isoler. Certaines personnes
sont très intelligentes, mais elles peuvent se révéler être des cons
quand il s’agit de comprendre la situation de leurs semblables.
L’isolement,
additionné à la souffrance de la maladie, a eu des conséquences
néfastes sur moi. Je ressens une tristesse intense. Il y a une tempête
dans mon cœur. La fois où j’ai eu à me confesser, mes confessions ont
été exposées en public. La conséquence en est que je me méfie, je n’ose
même pas en parler avec des amis. Face à cette situation, je me muets
dans mon silence, comme je sais si bien le faire depuis que je fus
enfant. Et ce qui est triste, c’est qu’il y a des personnes qui
s’adonnent aux moqueries avec joie, sans mesurer les conséquences de
leurs actes.
Peut-être
que ma mort ouvrira les yeux à certains étudiants et certaines
familles. N’isolez personne, n’ignorez personne, ne vous moquez de
personne et ne fuyez personne. Rapprochez-vous des gens qui s’isolent,
parlez-leur et essayez de les comprendre, sans les juger. Boulene bayi
ken mouy wét ak ay problemame. Boulène khébale kéne problémame. Cet
acte, je l’ai fait en quelque sorte en guise de sacrifice pour que géne
bayi xell les autres qui ont des soucis. Ne jugez jamais avant de
connaître toute l’histoire.
Par
ailleurs, ce qui m’a le plus déchiré, ce sont les conjectures sur ma
maladie, les calomnies et les accusations non fondées. Je ne vais pas
les énoncer ici, car je pense que je suis plus grand que cela. C’est une
situation qui m’a profondément détruit. Je ne vais citer personne, car
je ne veux que personne soit pris pour cible.
Finalement,
je me sens oppressé. Cette pression s’est entrelacée à celle de ma
maladie, et elles me sont insupportables et m’affligent le cœur. La
maladie seule aurait été très douce pour moi, mais les mauvaises choses
qui circulent sur moi, et que je nie jusqu’à la dernière énergie, me
sont létifère. Ces bobards ont fait de moi une autre personne. Quand des
gens qui ne vous connaissent pas vous haïssent, alors sachez que ce
sont certainement vos détracteurs qui sont passés par là pour vous
salir. J’espère que ceux qui ont fait cela auront la conscience
tranquille. Le plus triste, c’est que ce seront ces mêmes personnes qui
seront les premières à faire de bons témoignages sur moi.
La
douleur physique, ce n’est rien. Mais celle du cœur est infernale. Goor
momoul yénn yi. Je suis une personne très digne, et j’ai un très grand
sens de l’honneur. Il m’est préférable de mourir dans l’honneur que de
vivre dans le déshonneur.
Je
demande pardon à mon père et à ma mère. Je vous aime tous les deux. Je
vous aime de tout mon cœur, de toute mon âme. Ne m’oubliez jamais dans
vos prières.
Papa
khamnani dinala bétt ndakh je t’ai toujours montré mon côté guerrier,
je ne t’ai jamais montré mes faiblesses. Je t’aime beaucoup, et ne m’en
veux pas pour ça. Balma ak.
Si
j’ai tenu jusqu’ici, c’est pour ma mère. Sama yaye rek la khamoul nouma
kay def. Depuis 2011, elle est paralysée par un AVC. Mais à quoi lui
servirais-je étant ainsi malade, délabré et rompu ? Je refuse d’être une
charge supplémentaire. Yaye khamnani dina tass sa yakar, wayé dénke
nala Yallah. Dénke nala Yallah.
Je
demande pardon à ma grand-mère. Elle a toujours cru en moi, et je suis
désolé d’avoir brisé sa confiance et ses espérances. Elle a toujours
voulu que je devienne « Président de la République ». Toutes ses prières
pour moi allaient dans ce sens, et c’est elle qui a financé mes études
jusqu’à la terminale. J’ai toujours étudié avec hargne pour réaliser son
souhait, car c’était aussi ce que je voulais devenir. Mame balma.
Je
demande pardon à mes amis dont je vais abréger les noms : PMN, ABF, NMD
et MDD. Neubeu nalène samay problèmes ba dém. Balelène ma ak. Vous avez
toujours été là pour moi. Votre gentillesse m’a profondément marqué.
Vous êtes de bonnes personnes et de bons amis. Ne pleurez pas ma mort.
Nianal lénema.
Je
demande pardon à mes frères et sœurs. Je sais que vous m’aimez
beaucoup, mais sachez que je vous aime autant. Grandissez en âge et en
sagesse, et profitez de la vie, et respectez les parents. Ma sœur, mon
amie, BB Khady, je te confie ma mère.
Je demande pardon à toute la communauté estudiantine, aux Sénégalais et aux gens de ma religion.
J’ai
terminé mon roman intitulé « LA FUITE DES INDÉSIRABLES », il parle de
l’émigration clandestine. Je l’ai envoyé à la maison d’édition
Harmattan-Sénégal avec mon adresse mail papmatar8@gmail.com.
Aidez-moi à le publier, c’est sans doute la seule trace que je
laisserai sur terre. Je souhaite que les retombées de ce livre, même si
c’est un seul exemplaire vendu, soient dédiées à la prise en charge de
l’AVC de ma mère.
J’ai
écrit ce texte pour anticiper les propos de ceux qui tenteront de salir
ma mémoire. Je ne suis pas une personne parfaite, et je commets des
erreurs comme tout le monde. Mais toute ma vie durant, j’ai fait de
telle sorte à ne pas nuire mes semblables, et s’il arrive que je le
fasse, certainement, je le jure, ce n’est pas intentionnel. Je me suis
toujours gardé de dire du mal des autres. J’ai fait de telle sorte à
respecter les préceptes de ma religion, et à réserver une bonne partie
de ma vie à l’adoration d’Allah. Toutefois, les personnes comme moi, je
le pense bien, qui sont incapables de faire du mal aux autres, qui
aiment le juste et qui sont véridiques, n’ont pas leur place dans ce
monde, car ce sont toujours ces mêmes personnes qui, aux yeux des
autres, sont les monstres.
Je
veux mourir en paix, sans haine. Donc, je pardonne à tout le monde,
ceux qui m’ont blessé, consciemment ou inconsciemment. Et je demande
pardon à toutes les personnes que j’ai eu à causer du tort.
La
meilleure manière de m’aider maintenant, c’est de prier pour moi. Ne
faites pas de deuil, juste priez pour moi. J’aimerais être enterré à
Médinatoul Dieylani, s’il y a des cimetières là-bas. Si ce n’est pas le
cas, alors je laisse mon père choisir le lieu de mon enterrement.
Creusez, pour moi, une tombe profonde. Qu’Allah me pardonne !
Ne jugez pas mon acte. Laissez Allah en disposer, car Allah est miséricordieux ! »