Sur les réseaux sociaux, l’inquiétant essor de fausses chirurgiennes esthétiques

Sur les réseaux sociaux, l’inquiétant essor de fausses chirurgiennes esthétiques

 Après le scandale des injections illégales, les professionnels de santé s’inquiètent de la recrudescence de fausses chirurgiennes esthétiques qui proposent leurs services sur les réseaux sociaux, au risque d’entraîner de graves complications chez leurs patientes.
Lipoaspiration du cou, du ventre ou des fesses: en deux, trois clics sur Instagram ou TikTok, des comptes apparaissent proposant des actes de chirurgie en toute illégalité.
« C’est terrifiant », s’indigne Jean-Baptiste Andreoletti, secrétaire général adjoint du syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique (SNCPRE).
Ces opérations esthétiques – qui doivent être réalisées par des professionnels – sont promues principalement par des femmes se faisant passer pour des « médecins » ou des « esthéticiennes ».
« Sur les vidéos, on les voir ouvrir, aspirer de la graisse via une canule et refermer, en prenant énormément de risques », alerte Jean-Baptiste Andreoletti.
Infections dues à l’absence de stérilisation du matériel, transmission de virus, nécroses des tissus « et des complications encore plus graves comme des hémorragies voire des décès », précise-t-il.
Selon lui, les professionnels auto-proclamés qui réalisent ces actes chirurgicaux sont les mêmes que ceux qui proposent des injections clandestines d’acide hyaluronique ou de botox depuis plusieurs années.
« Il y a un vrai mode opératoire: elles rabattent leur clientèle sur les réseaux sociaux, prennent les rendez-vous via Instagram, exigent un paiement à l’avance et ne communiquent le lieu qu’au dernier moment », détaille-t-il.
-Des vidéos manipulées-
Elles seraient une petite dizaine à pratiquer illégalement la chirurgie, attirant leur clientèle avec des prix cassés et des vidéos avant/après assez impressionnantes.
« La plupart des vidéos sont manipulées, proviennent de différents patients, ou utilisent un produit pour marquer davantage la différence. Ça nous décrédibilise totalement », s’indigne Alexandre Mertens, chirurgien esthétique et fondateur de la clinique Maison Yoko à Lyon.
D’après l’Ordre des médecins, les actes médicaux et chirurgicaux illégaux à visée esthétique connaissent une croissance inquiétante en France. En 2024, le nombre de signalements atteint un record de 128, contre 123 en 2023 et 62 en 2022.
« La progression est inquiétante, ça représente aujourd’hui un signalement tous les trois jours », souligne Claire Siret, présidente de la section santé publique du conseil national de l’Ordre des médecins.
Pour tenter d’endiguer le phénomène des injections clandestines, les pouvoirs publics ont réglementé la vente par les pharmaciens des dispositifs à base d’acide hyaluronique injectable, en exigeant la présentation d’une prescription médicale.
« Cela a mis un petit coup de frein au business, mais c’est malheureusement très facile de s’en procurer sur Internet », regrette Jean-Baptiste Andreoletti.
-Produit star mais interdit-
Surtout, un autre produit semble avoir pris la relève: le « Lemon Bottle ».
Cette petite bouteille jaune citron est présentée comme une solution injectable de lipolyse, promettant de faire fondre les graisses des fesses, du ventre ou des cuisses. Problème: ce produit est interdit en France.
« Le plus inquiétant, c’est que l’on ne sait pas du tout ce qu’il y a dedans », s’insurge Éric Plot, président de la société française des chirurgiens esthétiques plasticiens (Sofcep).
L’institut suisse des produits thérapeutiques Swissmedic a mis en garde contre ce produit l’année dernière, révélant que sa composition différait d’un échantillon à un autre.
« Je suis alarmé de voir que des personnes jouent avec leur vie et peuvent avoir des complications qui vont leur laisser des mutilations esthétiques », renchérit Éric Plot.
En effet, les chirurgiens interrogés assurent voir régulièrement des patientes souffrant de complications liées à un exercice illégal de la médecine.
« J’en vois toutes les semaines ! Des œdèmes au niveau des paupières, des lèvres complétements déformées, des nécroses au niveau de la joue… Et quand on conseille aux patientes de porter plainte, elles nous répondent qu’elles ont peur des représailles », relate Alexandre Mertens.
Plusieurs affaires d’injections illégales sont tout de même allés en justice. Rien qu’en janvier 2025, l’Ordre des médecins est en préparation de huit saisines du procureur pour exercice illégal de la médecine.
« Il faut être conscient qu’on a affaire à des arnaqueurs professionnels. Ils ne pensent pas aux victimes, leur seul but est de faire de l’argent », martèle Jean-Baptiste Andreoletti.

Souare Mansour

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