La Poste au coeur du Projet: Leurres et lueurs
La journée mondiale de la poste célébrée ce 09 octobre est une occasion pour rebondir sur les propos du ministre de la communication, des télécommunications et du numérique (MCTN).
La communauté postale (travailleurs, clients, fournisseurs, sous-traitants, etc.) guettait avec impatience les prémices de l’orientation que les autorités de la nouvelle alternance allaient donner à la résolution des problèmes de La Poste.
Les sorties médiatiques, dans un passé récent, du ministre de la communication, des télécommunications et du numérique (MCTN) (en notant au passage que le secteur postal n’apparait pas dans la dénomination) ont ravivé l’espoir. Cette lueur d’espoir était déjà apparue avec la nomination en interne d’un cadre méritant et légitime, comme directeur général.
Le
ministre a fait un tour d’horizon des administrations postales à
travers le monde, pour magnifier le rôle qu’elles jouent et la place de
leader qu’elles occupent au niveau de leurs marchés respectifs.
En revanche, la situation qu’il dépeint concernant la SN La Poste est
loin d’être reluisante et regrette l’état déliquescent où elle se
trouve, héritage du régime précédent. On ne le répètera jamais assez que
la situation de La Poste ne résulte guère de l’évolution technologique,
mais plutôt, de la mal gouvernance caractérisée sous toutes ses formes.
Heureusement, le ministre nous rassure : le gouvernement n’a pas
démissionné et qu’il y a des solutions déposées sur la table du
Président de la République et du Premier ministre.
Quelles sont ces solutions et quand les mettra-t-on en œuvre ?
Toujours est-il que dans son diagnostic, on a relevé l’accent mis sur
l’effectif de La Poste, sa modernisation et aussi sur la transformation
de Postefinances en banque. Des points que nous avons déjà abordés dans
nos précédentes contributions (‘’Un postier, fils de postiers, écrit au
Président de la République’’ (juillet 2022), ‘’L’Etat veut-il
réellement sauver La Poste’’ (novembre 2022) et ‘’Requiem pour une Poste
assassinée’’ (janvier 2024)) dont le but était de prévenir des erreurs
et orienter.
D’après le ministre, l’effectif de La Poste est estimé à 3 500 agents
pour un besoin de 2 000 d’où un surplus de 1 500 unités. Avec une masse
salariale qui est de loin supérieure au chiffre d’affaires, il est
évident qu’il y a un sérieux problème, que faire, alors ? Il est prévu
de dérouler un plan social de départs négociés ; une vraie fausse
solution. En effet, le nombre d’agents excédentaires a été déterminé sur
la base du ratio entre la masse salariale et le chiffre d’affaires que
l’on veut ramener de 150% à 50% et que le différentiel de masse
salariale qui en résulte soit traduit en effectif. C’est trop trivial,
pour ne pas dire simpliste. Rien qu’en considérant la taille du réseau,
une allocation de ressources nous amènerait à avoisiner ce nombre,
puisqu’il n’est pas prévu de fermeture d’établissements. Par ailleurs,
en instituant un départ négocié, généralement intéressant pour l’agent,
le risque est énorme de voir de bons profils quitter l’entreprise et les
moins productifs y demeurer. Cependant, personne ne peut nier qu’il y a
un problème de gestion des ressources humaines. Le plus patent, c’est
un problème d’allocation du personnel. L’autre tare de la gestion des
ressources humaines c’est le nombre pléthorique de directeurs et
assimilés et aussi la création de lignes hiérarchiques intermédiaires ne
correspondant à aucune fonction, issues de l’imagination fertile de
certains pour promouvoir des affidés ou gérer des égos.
La mutation de Postefinances en banque semble faire l’unanimité. Le
processus a déjà été entrepris sous deux magistères, mais n’a jamais
connu d’issue. Les expériences d’autres administrations montrent que
c’est une opération de longue durée : France (10 ans), Maroc (5ans),
Burkina (30 ans), etc. Ces expériences abouties ont nécessité une forte
implication de l’Etat et parfois de la Banque Centrale (Maroc) et
surtout basées sur un positionnement clairement établi.
En évoquant le VSAT, le ministre prouve si besoin en était que La
Poste n’avait aucune aversion face à la modernité. Bien au contraire,
son appétence à la technologie se reflète à travers le niveau important
des dépenses d’investissement en matériel informatique et de
télécommunication qui s’estiment entre 100 et 300 millions par commande.
Le patrimoine de La Poste n’était pas en reste dans les propos du
ministre. La régularisation de la partie non encore immatriculée en son
nom permettra d’accroître sa valeur.
On aurait pu y ajouter le volet télécom avec le projet MVNO dont les
modalités d’accès ont été assouplies. Et aussi, le développement du
commerce électronique qui constitue une opportunité incommensurable pour
La Poste.
Cette pléthore d’opportunités diversifiées et porteuses montre si
besoin en était encore, que La Poste devrait avoir des lendemains
florissants.
Pour l’heure, les activités de l’entreprise sont à l’arrêt. Cette
situation milite à apporter rapidement des solutions pérennes. Quelles
sont les solutions préconisées par le ministre ? Le contexte actuel
appelle à la gestion des opérations urgentes et importantes. Le temps
est la contrainte majeure pour La Poste. Le marché n’attend point, il ne
s’offre qu’aux acteurs présents et aptes à satisfaire les besoins des
consommateurs.
Il ne faut pas se leurrer, fondamentalement ce dont a besoin La Poste
c’est de la liquidité. Les principales sources de financement ne
peuvent provenir que de l’Etat et/ou de la direction générale de La
Poste. C’est une mission qui leur incombe. L’Etat, actionnaire unique,
après avoir autorisé la poursuite de l’activité, est en devoir de
recapitaliser La Poste. La politique de transparence prônée par les
nouvelles autorités, qui est un signal positif fort à l’endroit du
marché, doit se concrétiser par un engagement clair sur sa capacité de
financement et sur les modalités de mise à disposition. Ce qui permettra
à la direction générale de planifier ses actions futures. Il revient
aussi à la direction générale, face à une éventuelle défaillance de
l’Etat, de trouver les voies et moyens pour obtenir un financement pour
La Poste qui est une grande institution. Cependant, il faudra éviter de
s’engager dans des financements à court terme peu productifs et, aussi
de mimer les styles de management antérieurs caractérisés par des
partenariats de façade sans lendemains ou sans réelle valeur ajoutée.
En somme, il s’agit de mettre en avant une certaine conscience
politique, de faire étalage de compétence et s’armer de courage pour
faire face à ses responsabilités, pour que vive La Poste.
YORO BA
Inspecteur des Postes et Services Financiers
Expert financier (certifié HEC Paris)
DESS Marketing et gestion commerciale
DESS Audit financier, comptable et fiscal
Contrôleur de gestion