Le Sénégal est-il prêt pour une compagnie aérienne ?

Le Sénégal est-il prêt pour une compagnie aérienne ?

Sommes-nous incapables de gérer une compagnie aérienne ? Au vu de l’actualité et avec un œil sur le rétroviseur, il y a de quoi répondre par l’affirmative. Il y a de quoi également avoir envie d’en finir avec une compagnie aérienne nationale. Le pavillon aérien sénégalais connaît d’énormes difficultés depuis des années maintenant. Depuis sa création, tout simplement. Retards de vol, départs annulés, problèmes techniques après décollage, atterrissage en catastrophe, dette astronomique, risque de confiscation de ses appareils. Bref, Air Sénégal connaît actuellement presque tous les problèmes d’une compagnie aérienne. Cette société est devenue un véritable gouffre  financier.

Selon la direction générale de la dette publique, elle est la 4ème société publique la plus endettée avec 104 milliards de créance en 2023. Et pourtant, les autorités restent déterminées à la sauver. « Il est hors de question de déclarer faillite et de créer une autre compagnie. Donc, nous allons tout faire pour sauver Air Sénégal et redynamiser la compagnie afin de développer ce qu’on appelle la stratégie du holding », a déclaré mardi 27 août le ministre des transports, El Malick Ndiaye. Dans une autre déclaration, El Malick se faisait un peu plus précis. «Nous avons besoin d’une nouvelle stratégie et d’un nouveau plan d’affaires pour la remettre sur pied. »
Pour le moment, le gouvernement du Sénégal est en train de payer les dettes intérieures et extérieures de la compagnie, si l’on en croit la tutelle. Mais lorsqu’on regarde dans le rétroviseur, on se demande à quoi bon. Certes, disposer d’un pavillon national est avant tout une question de fierté et de souveraineté. Mais à quel prix ?
Dans un pays où les ressources sont aussi rares, la dette publique aussi élevée, va-t-on continuer à injecter de l’argent dans un puits sans fond ?
Air Sénégal semble souffrir de ses choix stratégiques depuis le début. D’ailleurs, avec le temps, on comprend mieux pourquoi les acteurs privés tant annoncés au lancement pour prendre une part dans l’actionnariat ne sont jamais venus. L’Etat, à travers nos politiciens, peut se permettre de jeter des liasses dans les hublots. Les acteurs privés qui gagnent difficilement leur argent ne peuvent pas se permettre ce luxe. Il leur faut du solide pour s’engager, comme cette centrale à gaz du Cap des biches.
S’agissant de la compagnie, par intervalle, un nouveau DG est venu corriger les erreurs d’un autre, sans résultat. D’abord le courtier Philippe Bohn, ensuite le financier Ibrahima Kane, puis le pilote El Hadj Badara Fall et toujours le même résultat : des manquements à la pelle. Avec ce nouveau régime, la compagnie passe d’une expertise technique (Fall) à une expertise commerciale avec le tout nouveau DG, Tidiane Ndiaye. Comme ses prédécesseurs, ce dernier veut aussi imprimer sa marque plus proche de celle de son prédécesseur qui consiste à réduire les lignes, contrairement à Ibrahima Kane qui les multipliait. Après la suppression de la ligne Dakar-New York suite à une menace d’immobilisation de ses appareils pour une dette de 6 milliards, Air Sénégal va suspendre des destinations comme le Gabon et le Cameroun à partir du 19 septembre.
Après cela, de la liquidité sera ensuite injectée dans cette compagnie pour lui permettre de décoller enfin. Tout ceci est bien beau, mais comme le dit l’adage, chat échaudé craint l’eau froide. Le Sénégal a déjà connu la faillite de deux compagnies nationales, sans compter Air Afrique.
Air Sénégal international d’abord, mais surtout Sénégal Airlines. Rien qu’entre septembre et octobre 2013, 4 manquements ont été notés chez cette société, entre annulation et atterrissage forcé. La compagnie a multiplié les couacs pendant des années, perdant du coup toute la confiance des usagers. Dès sa première année, rappelle Sud Quotidien, Sénégal Airlines a perdu 18 milliards pour une compagnie dont le capital social est de 17 milliards. Karim Wade s’était entêté à maintenir à vie Sénégal Airlines à coût de milliards. On connaît la suite. Sans compter les conditions dans lesquelles la compagnie a été montée. Karim Wade disait que le privé détenait 64% des actions. L’article de Sud susnommé révéla par la suite que ce ne sont que des prête-noms. 
Tout cela pour dire que le très sérieux secteur aérien ne souffre pas d’acrobatie, de magouille, de tâtonnement voire de caprices. Il ne connaît pas la souveraineté, mais la pertinence et la rigueur. 
Si donc aujourd’hui les autorités affichent une détermination à sauver Air Sénégal, elles doivent être sûres que c’est possible, c’est faisable. Et toutes les dispositions doivent être prises pour que ce ne soit pas encore des milliards dans le vent.

Souare Mansour

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