Aïd-el-Kébir à Nice : les autorités musulmanes rappelées à l’ordre par le préfet sur l’abattage des moutons
Hugues Moutouh a pris mercredi une série d’interdictions sur la
détention et le transport des ovins. Il souhaite éviter que de nouveaux
abattoirs clandestins ne se constituent dans le département, comme ce
fut le cas l’année dernière, avec la menace sanitaire que cela fait
planer .
À quelques semaines de
l’Aïd-el-Kébir, la tension est palpable entre les autorités musulmanes
et le préfet des Alpes-Maritimes, Hugues Moutouh. Lundi, s’est tenue en
préfecture la troisième et dernière réunion préparatoire de cette grande
fête traditionnelle musulmane. Un rendez-vous boudé par les autorités
du culte, mécontents de ne pas avoir été entendus lors des précédentes
réunions. «Il n’y avait rien à attendre, rien de nouveau et surtout
aucune solution à discuter, voilà pourquoi nous ne sommes pas venus»,
justifie Otmane Aissaoui, président de l’Union des musulmans des
Alpes-Maritimes.
Par solution, ce dernier
évoque l’ouverture sur le territoire d’abattoirs permettant de procéder
au sacrifice rituel des ovins telle que la tradition l’exige. «Avant,
nous avions trois abattoirs dans le département. Depuis le Covid, nous
n’en avions plus qu’un seul, ce qui était déjà bien insuffisant pour les
milliers de musulmans des Alpes-Maritimes. Et finalement, les services
de la préfecture nous ont fait savoir il y a six mois que ce dernier
abattoir situé à Contes avait perdu son agrément. Depuis, plus rien!»,
poursuit Otmane Aissaoui.
Les abattoirs clandestins dans le viseurLes
services de l’État reconnaissent bien «un déficit chronique de sites
d’abattage dans le département», mais soutiennent que le cycle de
réunions entamé dès octobre 2023 avait pour objectif «d’accompagner les
responsables du culte musulman dans leurs démarches en vue de trouver
des solutions satisfaisantes pour les fidèles musulmans». C’est pourquoi
l’absence des responsables du culte lors de la dernière assemblée lundi
n’a pas été bien reçue par le préfet. Hugues Moutouh tient en ce sens à
remettre les pendules à l’heure : «C’est à ces derniers seuls qu’il
revient d’organiser le culte, y compris le rite sacrificiel accompagnant
l’Aïd-el-Kébir. À cet égard, force est de constater qu’ils n’ont
présenté aucun projet», exprime-t-il.
Si le
préfet se dit encore ouvert pour ce qui est de l’accompagnement de tout
projet qui pourrait lui être présenté, en particulier pour appréhender
la législation sanitaire, il prévient que les services de l’État
maintiendront leur vigilance «pour que les abattages rituels soient
pratiqués dans le respect des règles sanitaires et de protection animale
et pour lutter contre les abattages clandestins présentant, pour les
consommateurs, des risques sanitaires avérés».
Une série d’interdictionsMercredi,
Hugues Moutouh a pris officiellement plusieurs mesures d’interdiction.
Celle d’abord de l’abattage rituel en dehors des abattoirs agréés. Celle
ensuite de la détention d’ovins ou de caprins vivants à toute personne
ne pouvant justifier d’une déclaration à l’établissement de l’élevage
rural régional (EDER) jusqu’au 23 juin. La cession est par ailleurs
uniquement autorisée «si elle est assortie d’une prestation de transport
assurée par un transporteur autorisé vers un abattoir agréé ou tout
site de détention déclarée», a-t-il encore décidé. Le transport d’ovins
vivants est lui aussi proscrit dans le département jusqu’au 23 juin, à
l’exception des cas suivants : le transport à destination des abattoirs
agréés et des abattoirs autorisés temporairement pour la fête de l’Aïd
el-Kébir ; le transport à destination des cabinets ou cliniques
vétérinaires ; le transport entre deux exploitations pour lesquelles les
détenteurs des animaux ont, chacun en ce qui le concerne, préalablement
déclaré leur activité d’élevage.
«Ces
interdictions sont motivées par le fait que de nombreux animaux sont
abattus dans des conditions clandestines en contradiction avec les
règles d’hygiène et de protection animale selon la loi. Par ailleurs,
ces mesures visent à prévenir la diffusion de maladies contagieuses dans
une période de forte activité des insectes vecteurs, notamment de la
fièvre catarrhale ovine», a fait savoir le représentant de l’État.
L’année dernière à Nice, plusieurs boucheries et abattoirs clandestins
avaient ainsi été démantelés par les autorités locales autour de la
période de l’Aïd el-Kébir.
Le 25 juin, 40
moutons entassés dans un appartement de 12 mètres carrés avaient été
retrouvés dans la cité des Liserons. L’une des bêtes venait juste d’être
égorgée lorsque la police avait investi les lieux. Deux hommes avaient
été interpellés et mis en examen. Ils seront jugés au tribunal
correctionnel de Nice ce jeudi après-midi. «La plupart des familles vont
prendre cette année leur mouton dans le Var, à Fréjus notamment. C’est
bien malheureux car on ne fait pas tourner l’économie locale de notre
territoire ! En revanche, on est contre toute clandestinité, nous la
condamnons. On ne peut pas sortir de la loi», assure Otmane Aissaoui.