Les premiers reniements de Pastef
Les premières
nominations de Directeurs généraux des sociétés publiques sous l’ère
Diomaye-Sonko sont tombées hier mercredi 24 avril à l’issue du conseil
des ministres. Chez beaucoup de Sénégalais se dégage un sentiment de
surprise voire déjà de déception. En effet, dans son programme dénommé
‘’Projet’’, Pastef avait promis de passer par « l’appel à candidatures
pour certains emplois de la haute fonction publique et du secteur
parapublic ». Mais hier, les nouvelles autorités ont nommé leurs hommes à
la direction des sociétés telles que le Port autonome de Dakar, la Rts,
la Caisse des dépôts et consignation, l’Apix, l’Aéroport international
Blaise Diagne, La Poste, la Sicap, la Sn-Hlm…
Pour
certains, il ne sert à rien d’aller vite en besogne parce qu’il y a
encore des postes à pourvoir. Pourtant, avec ces nominations, Bassirou
Diomaye Faye et Ousmane Sonko viennent d’indiquer clairement la marche à
suivre. Autant un effort considérable a été fait pour mettre en avant
la compétence lors de la composition du gouvernement, autant
l’appartenance politique a nettement pris le dessus lorsqu’il s’est agi
de choisir les DG des sociétés publiques et agences d’exécution. Avec ce
qui s’est passé hier, le doute n’est plus permis, l’appel à
candidatures est aux oubliettes. Il n’est pas question ici de juger la
compétence ou la légitimité de ceux qui ont été choisis, mais de faire
le deuil sur l’appel à candidatures pour déterminer le choix.
En
effet, les postes qui ont été pourvus hier constituent un échantillon
assez représentatif de ce que le Sénégal compte comme sociétés publiques
ou agences nationales. Peu importe qu’il reste encore 100 sièges à
pourvoir. Le fait est qu’avec ses nominations, on ne pourra pas passer
par un appel à candidatures pour les autres. Par exemple, à quoi bon de
nommer directement le DG de la Rts pour ensuite lancer un appel à
candidatures pour celui du Soleil ou l’Aps ?
A
ce jour, le Sénégal ne compte pas de société plus stratégique que le
port autonome de Dakar, l’une des principales mamelles nourricières de
l’économie du pays. Le budget de l’Etat dépend en grande partie de ce
lopin de terre ouvert sur la mer. L’Apix constitue une autre société
stratégique. D’autres entités intermédiaires comme La Poste ou la Sicap
ont été pourvues. A partir de ce moment, il devient inutile de passer
par un appel à candidatures pour la DGID, la Douane, la Senelec, la
Sonacos, Dakar dem dikk ou le Coud. Il n’y a pas d’arguments valables
pour justifier une nomination directe à la Sn-hlm et un appel à
candidatures à la Sonacos.
En
fait, l’idée qu’une bonne partie de l’opinion avait de ces appels à
candidatures, c’était que ça permettait de rompre avec un certain nombre
de pratiques. L’information étant une denrée sensible et visible, la
Rts était le symbole de ces pratiques. Les directeurs généraux,
militants ou pas, ont toujours mis la télé aux services non pas de
l’action publique, mais des tenants du pouvoir ; y compris lorsqu’ils
sont dans une posture partisane, comme le direct de la conférence de
presse de BBY, lors des élections législatives de juillet 2022.
Il
fallait donc choisir un DG qui ne doit son poste qu’à sa compétence
pour que la télévision publique ne soit plus un outil de propagande pour
les vainqueurs. L’attente était très forte à ce niveau. Les médias
publics étaient le lieu parfait pour donner le signal de la rupture. Car
le journalisme a ceci de particulier : c’ est la profession qui
s’apprécie au jour le jour, mais aussi la profession jugée par tous et
en même temps. Lorsqu’un médecin commet une faute, il fait du tort à son
patient. Lorsqu’un journaliste commet une faute, il fait du tort à
toute l’opinion, au-delà même des personnes directement concernées par
son action. Le choix du DG de la Rts était donc le prétexte parfait
pour marquer le coup. Hélas ! Cet idéal a été trahi.
Désormais,
on s’attend à ce que Serigne Saliou Guèye soit nommé directeur général
du Soleil et pourquoi pas Sadikh Top à la tête de l’Aps. Bara Ndiaye
pourra espérer sauver son poste à la maison de la presse pour avoir
transhumé à la dernière minute, à défaut de céder la place à Maty Sarr
Niang. Quant à Babacar Diagne, il peut dormir et déjà faire ses valises.
Pourtant,
au-delà même de l’orientation et des choix stratégiques, cet appel à
candidatures devrait aider à supprimer, sinon limiter les recrutements
clientélistes abusifs qui impactent négativement la trésorerie des
entreprises publiques et, partant, leur capacité à investir dans l’outil
de travail et les ressources humaines. Tous ces espoirs viennent d’être
emportés en une soirée, suite à la publication des nominations.
L’histoire
était peut-être trop belle pour ne pas être un conte. Le moment est
venu de se réveiller. Et comme on le dit à la fin de chaque conte :
c’est ainsi que prend fin l’histoire, le premier nez à renifler ira au
Pastef, pardon au ‘’projet’’, non au paradis !