Expulsion de migrants vers le Rwanda: Kigali s’estime satisfait, mais le Conseil de l’Europe fulmine
Le Parlement britannique a approuvé dans la nuit de lundi à mardi le projet de loi permettant l’expulsion vers le Rwanda de demandeurs d’asile entrés illégalement au Royaume-Uni. En échange, Kigali recevra de l’argent pour chaque migrant “accueilli” à la place de Londres. Un accord qui satisfait le pays africain, mais qui ne respecte pas la Convention européenne des droits de l’Homme.
Un vote final après une longue bataille politique en Grande-Bretagne qui “satisfait” le gouvernement de Kigali, a réagi ce mardi sa porte-parole.
Les autorités rwandaises sont “impatientes d’accueillir les personnes relocalisées au Rwanda”, a déclaré Yolande Makolo dans un communiqué transmis à l’AFP
Des migrants “délocalisés”
Annoncé il y a deux ans par le gouvernement conservateur au pouvoir et présenté comme une mesure-phare de sa politique de lutte contre l’immigration clandestine, ce projet vise à envoyer au Rwanda les demandeurs d’asile – d’où qu’ils viennent – entrés illégalement au Royaume-Uni. Notamment en traversant la Manche sur des canots pneumatiques.
Ce nouveau traité entre Londres et Kigali prévoit le versement de sommes substantielles au Rwanda en échange de l’accueil des migrants.
Le texte voté dans la nuit de lundi à mardi visait à répondre aux conclusions de la Cour suprême, qui avait jugé le projet initial illégal en novembre dernier. Il définit notamment le Rwanda comme un pays tiers sûr. Or, si le Rwanda se présente comme l’un des pays les plus stables du continent africain, son président Paul Kagame, au pouvoir depuis 1994, est accusé de gouverner en étouffant la dissidence et la liberté d’expression.
Un nombre record de traversées de la Manche
Après avoir atteint un record en 2022 (45.000), puis baissé en 2023 (près de 30.000), le nombre de personnes ayant traversé clandestinement la Manche à bord de canots de fortune a augmenté de plus de 20% depuis le début de l’année, par rapport à l’an dernier.
Le texte est fortement critiqué par l’ONU, des ONG et des institutions de protection des droits humains. De même que par le Conseil de l’Europe, qui a appelé mardi le gouvernement britannique à revenir sur son projet.
“Le gouvernement du Royaume-Uni doit s’abstenir d’expulser des gens aux termes de son plan Rwanda et revenir sur l’atteinte à l’indépendance de la justice que constitue ce projet de loi”, a déclaré dans un communiqué le commissaire du Conseil de l’Europe pour les droits humains, Michael O’Flaherty.
Un accroc aux droits de l’Homme
Londres fait partie de cette institution qui réunit 46 États membres et est dépositaire de la Convention européenne des droits de l’Homme.
L’Irlandais Michael O’Flaherty, se dit “inquiet que le projet de loi sur le Rwanda autorise à expulser des gens vers ce pays sans que leur demande d’asile ait été étudiée par les autorités britanniques dans la plupart des cas”.
M. O’Flaherty a aussi rappelé qu’aux termes de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, le Royaume-Uni n’a pas le droit de refouler des demandeurs d’asile vers leur pays d’origine, même indirectement via un pays tiers.
Or, le texte approuvé mardi à la Chambre des communes “empêche les individus de recourir aux tribunaux britanniques sur cette question-clé du refoulement”, écrit le haut responsable du Conseil de l’Europe. “Il interdit explicitement aux tribunaux britanniques d’évaluer le risque que le Rwanda expulse des gens vers d’autres pays et de se pencher sur l’équité et le fonctionnement des procédures d’asile au Rwanda.”