Gabon: le général Oligui ouvre un dialogue national en promettant à nouveau des « élections libres »
Sept mois après son
coup d’Etat au Gabon qui a mis fin à 55 ans de « dynastie Bongo », le
général Brice Oligui Nguema a lancé mardi un Dialogue national inclusif
(DNI) en promettant à nouveau qu’il est censé préparer des élections
« libres et transparentes » en 2025.
Enserré
dans un imposant dispositif de sécurité, devant quelque 600
participants à ces assises qu’il a nommés lui-même, et des milliers de
personnes dans le public, le Président de transition a aussi assuré que
ce dialogue rassemblant « toutes les forces vives de la Nation »
permettrait de « conduire le pays vers une démocratie et un véritable
Etat de droit », « dans la justice sociale ».
C’est
ce que les militaires avaient déjà promis le 30 août 2023 quand ils ont
renversé le régime d’Ali Bongo Ondimba en accusant son entourage
d’avoir ouvertement fraudé à la présidentielle quatre jours plus tôt et
pillé le pays en détournant massivement l’argent public.
Organisation « unilatérale »Jusqu’ici,
le respect d’un calendrier de deux ans pour rendre le pouvoir aux
civils est salué par la communauté internationale et une grande majorité
de Gabonais, pour qui le général Oligui, l’ancien chef de la toute
puissante Garde républicaine, la garde prétorienne des Bongo père et
fils, est un « héros » qui les a sauvés d’un régime « corrompu ».
Mais
des voix s’élèvent, dans la petite frange de l’ex-opposition qui n’a
pas rallié le pouvoir militaire, pour fustiger un dialogue « entre soi »
qui ouvrira une voie royale au général vers la présidentielle.
En
cause, d’abord, une organisation « unilatérale » et la part belle, parmi
les 580 participants prévus initialement, faite aux militaires et aux
cadres des institutions de transition nommées par le chef de l’Etat.
Mardi dans son discours, le général Oligui a annoncé qu’il avait augmenté à environ 600 le nombre de participants.
l’armée surreprésentée
Si
l’on inclut 104 militaires, plus de 300 sont de facto issus
d’administrations et institutions nommées par ou favorables aux
autorités de transition. Dans lesquelles ont été maintenus de très
nombreux caciques des régimes d’Omar Bongo, président pendant 41 ans, et
de son fils Ali (plus de 14 ans).
Le
chef de l’Etat a également choisi une parmi quatre personnes proposées
par chacun des 104 partis légalement reconnus, dont une immense majorité
lui a fait allégeance.
Restent
donc 217 représentants de la société civile (patronat, syndicats,
retraités, jeunes, handicapés, ONG, cultes…), tous également nommés
par décret du président mais pas forcément tous dans son camp.
Cette
procédure de désignation « n’est pas respectueuse de la démocratie »,
s’insurge Anges Kevin Nzigou, un virulent opposant aux régimes Bongo et
Oligui, secrétaire exécutif du Parti pour le changement (PLC), pour qui
le pouvoir militaire « démontre sa volonté de contrôler de bout en bout
le débat ».
« Organiser
un dialogue et choisir qui vient, c’est un peu comme avoir défini ce
qui va être dit », renchérit Guy Pambo Mihindou, chercheur en sciences
politiques à l’université de Libreville.
38.000 contributions
Le
pouvoir avait sollicité la participation de « tous les Gabonais » en
ouvrant des guichets de doléances dans les villages les plus reculés et
une plateforme digitale dédiée. Plus de 38.000 contributions ont été
recueillies parmi les quelque 2 millions d’habitants, a affirmé le
gouvernement.
Moricka
Baghouli, une étudiante de 26 ans, a manqué une journée de cours pour
embarquer à l’aube dans un bus affrété par les organisateurs pour la
cérémonie d’ouverture au Palais omnisports du centre de Libreville afin
d' »entendre de la bouche du président ce qu’il prépare pour l’avenir du
pays », explique-t-elle à l’AFP en engloutissant un sandwich distribué a
l’entrée par des volontaires.
« J’ose
espérer que tout le monde pourra s’exprimer sur les réalités du pays,
sur le chômage il faut faire plus », lâche, un peu plus circonspecte,
Edwige Agoumba, qui travaille dans une petite boutique de restauration
dans un lycée.
Une
autre critique se faisait lancinante depuis 15 jours: le dialogue
national n’étant pas « souverain », ses résolutions ne seront pas
contraignantes, estiment ses détracteurs, notamment pour la nouvelle
Constitution qui sera élaborée par les députés et sénateurs nommés par
le général Oligui et censée être soumise à référendum fin 2024.
Enfin,
les griefs se concentrent sur l’avenir du chef de l’Etat: la charte de
transition édictée après le putsch interdit la présidentielle de 2025 à
tous les cadres des institutions de transition, à l’exception… du
président Oligui.
Un
DNI « phagocyté » par les thuriféraires du régime militaire ne remettra
pas en cause cette disposition, estiment l’opposition et les médias non
gouvernementaux.