Le dernier des Mohicans en piste pour l’ultime défi
Leader du parti
Rewmi, Idrissa Seck fait office de vétéran en termes de compétition
électorale dans cette présidentielle. Il est le seul rescapé de la
dernière élection. Fort de son expérience politique incontestable, il
brigue la présidence sénégalaise pour la quatrième fois après ses échecs
de 2007, 2012 et 2019. Mais pour ce scrutin du 24 mars 2024, l’ancien
maire de Thiès compte jouer ses dernières cartes.
A
première vue, l’homme peut ne pas payer de mine. Mais, détrompez-vous !
Car, on ne le surnomme pas « Ndamal Kajoor » pour rien. Haut comme trois
pommes, trapu, il hausse rarement la voix. Sa pensée fascine. Ses
paroles excitent les foules. Ses faits et gestes suscitent moult
réactions. « Il nous faut un homme compétent avec un vécu pour qu’une
fois à la tête de la magistrature suprême, il déroule directement son
programme au lieu de quelqu’un qui viendrait en position de stage »,
a-t-il déclaré, ce dimanche 17 mars, lors d‘une caravane à Tivaouane
Peulh.
Au
bout de ses 65 ans, il est né le 9 août 195), Idy se voit en « doyen »
et en homme politique « expérimenté », se distinguant ainsi des «
stagiaires » qui veulent briguer le suffrage des Sénégalais. En tout
cas, l’ancien Premier ministre de Wade est réputé être un fin stratège.
Son vécu et son expérience font de lui un successeur « légitime » de
Macky Sall à la tête du pays. Connu, en effet, pour sa verve et sa
communication médiatique au compte-gouttes, le « Rewmiste en chef » est,
aujourd’hui, à sa quatrième participation à une élection présidentielle
après les épisodes de 2007, 2012 et 2019. Il est sorti deuxième lors de
la dernière présidentielle, sous la bannière d’une coalition XXl, dont
beaucoup de membres sont, aujourd’hui, candidats, Idrissa Seck envisage,
tout de même, d’abattre sa dernière carte.
Si
pour certains de ses détracteurs, l’ancien maire de Thiès, qui se
proclamait « 5e président » en 2019, avant de déchanter, serait en perte
de vitesse pour avoir posé, contre toute attente, ses baluchons dans le
« Macky », du côté de ses partisans, l’on parle d’une tactique
politique qui commencerait à faire peur à ses adversaires.
Interrogé
sur cette séquence de sa carrière politique, Idrissa Seck a rappelé
qu’il avait, à l’époque, décidé en tant que chef de l’opposition,
d’accepter, face à une situation donnée, à savoir la pandémie de
Covid-19, la main tendue du président Macky Sall « pour sauver le
Sénégal», alors que, se défend-t-il, dans d’autres pays, des chefs de
l’opposition ont profité de la crise sanitaire, pour faire tomber les
régimes en place, le résultat a été la prise du pouvoir des militaires.
Il a indiqué avoir fait ce choix, plutôt que le privilège qui lui
confère le statut de chef de l’opposition, qui donne droit à un budget
de 4 milliards de F Cfa.
«
Tant que les Sénégalais n’ont pas voté le 25 février 2024, je suis le
chef de l’opposition », avait-il persisté, le 22 avril 2023, lors d’une
déclaration qu’il faisait au cybercampus de Thiès. « Pourquoi
reconnaît-on à Macky Sall, en raison des 65% de suffrages obtenus, qu’il
est le président de la République du Sénégal jusqu’au 25 février 2024 ?
», avait-il questionné, laissant entendre que ce sont les mêmes
suffrages à la présidentielle de 2019 où il est arrivé deuxième, qui lui
confèrent le statut de leader de l’opposition.
Directeur de campagne de Wade à la Présidentielle de…1988
Son
cursus scolaire démarre à l’école primaire de Randoulène Sud 2 de
Thiès. Ce, après avoir appris le Coran chez son homonyme Idrissa Gaye.
Il poursuit ses études au collège Saint-Gabriel de la cité du rail, puis
au lycée Van Vollenhoven (actuel Lamine Guèye) de Dakar. Le
baccalauréat en poche en 1981, il est lauréat du concours général.
Ce
qui lui permet d’être admis en classe préparatoire à l’Ecole des Hautes
études commerciales (Hec) de Paris (France). En 1983, Idrissa Seck fait
des études en sciences politiques, en section économie et finance.
A
14 ans déjà, il prend goût à la politique. Par le biais de son cousin
Alioune Badara Niang, ami d’Abdoulaye Wade, secrétaire général du Parti
démocratique sénégalais (Pds) et membre fondateur de ce parti, il fait
la connaissance de l’opposant historique.
Né
en 1959, il est directeur de campagne du candidat Abdoulaye Wade à la
Présidentielle de 1988 puis ministre du Commerce dans le gouvernement
d’union nationale en 1995. Cinq ans après, il est de nouveau directeur
de campagne du candidat Abdoulaye Wade. En 2000, il initie la « Marche
bleue » qui mène son candidat, le 19 mars, au palais pour un mandat de 7
ans.
Idrissa
Seck est alors au cœur du régime libéral. Ministre d’État, directeur de
cabinet du président puis Premier ministre en novembre 2002. Il se fait
l’avocat de la bonne gouvernance. Les résultats sont au rendez-vous
avec des taux de croissance record de 6,68% en 2003 et 5,87% en 2004.
Fidèle élève de « Niomboor », dont il se définissait alors comme le
jardinier des rêves, il migra, pour le paraphraser, vers la station
primatoriale, en 2002. « Il connaît ma pensée. Je n’ai pas besoin de
fournir de grandes explications pour qu’il comprenne ce que je veux
dire. Je lui fais confiance, c’est mon fils », disait de lui l’ancien
chef de l’État.
Mais,
les relations entre Idy et son mentor finissent par se dégrader. Le «
fils d’emprunt » est accusé, au nom d’une dualité réelle ou supposée, de
vouloir écarter « le père ». Il est limogé le 21 avril 2004 et remplacé
par un certain Macky Sall.
« Ils m’ont sali, ils ont raconté n’importe quoi sur moi. Ils ont fait une propagande mensongère contre moi », avait-il déclaré.
C’est
alors la disgrâce, qui ne s’arrête pas là. Idrissa Seck est accusé
d’avoir détourné des sommes importantes dans l’affaire dite « des
chantiers de Thiès ». Il est arrêté le 23 juillet 2005. La majorité
parlementaire vote sa mise en accusation devant la haute cour de justice
pour détournement de fonds, corruption, faux et usage de faux, atteinte
à la défense nationale et à la sûreté de l’Etat. Après plus de 6 mois à
la prison de Rebeuss, il bénéficie d’un non-lieu. Il est libéré. Selon
lui, ce sont les moments les plus douloureux de sa carrière politique.
«
J’ai encore le souvenir frais de ma fille qui n’avait pas encore 5-6
ans, qui est venue s’enlacer contre moi en me disant: qu’est-ce qui se
passe Papa? J’en ai encore le souvenir », a-t-il confié.
Alors
que certains analystes persistaient à croire qu’il est victime de « son
caractère orgueilleux », son « élève » Yankhoba Diattara, botte en
touche : « C’est son niveau d’instruction, son éducation, son parcours
et les enseignements religieux qui sont à l’origine de tout cela. Il a
un parcours qui pourrait, en principe, lui permettre d’asseoir un projet
politique pas difficile à comprendre ».
Aujourd’hui,
après un long mutisme, Idrissa Seck est sorti de sa carapace en
annonçant vouloir signer avec les Sénégalais un nouveau ‘’Pacte’’
(Paix-autorité-compassion-travail et espoir », du nom de son programme
politique. Une vision qu’il veut mettre en œuvre dans tout le pays,
après l’avoir expérimentée à Thiès, sa ville natale, quand il était aux
affaires.