Présidentielle fixée au 2 juin : Les « Sages » vont-ils se dédire ?
Le
dialogue national s’est terminé hier avec des décisions fortes qui
risquent d’impacter de manière considérable le fonctionnement des
institutions. S’agissant de la date de la Présidentielle, le Conseil
constitutionnel avait demandé au président de la République de prendre
une décision dans les meilleurs délais. Mais au vu de la date retenue
après les concertations, les sept sages risquent de se retrouver dans
une situation inédite.
Il
n’aura pas fallu de longues discussions pour arriver aux conclusions du
dialogue national initié par le chef de l’État Macky Sall, le lundi 26
et le mardi 27 février. Les deux commissions mises en place étaient
chargées, l’une du choix de la date de la Présidentielle, l’autre devant
statuer sur ce qui va se passer au-delà du 2 avril. À ce stade, il a
été retenu la date du 2 juin pour le scrutin présidentiel. Le mandat du
président prenant fin le 2 avril, la commission qui a travaillé sur le
sujet a proposé que Macky Sall assure l’intérim jusqu’à l’installation
du nouveau président. Ladite commission s’est notamment fondée sur
l’article 36-2 de la Constitution.
Une fausse interprétation de l’article 36-2
L’interprétation
donnée à ce texte est, selon le juriste-constitutionnaliste Mawa
Ndiaye, fausse. Il explique que « pour une meilleure compréhension des
dispositions des articles 35 et 36, il faut faire une lecture croisée
avec les dispositions de l’article 31 ». Lequel article ne comportant «
que deux alinéas », donc « deux situations juridiques ». « Une situation
qui prévaut en temps normal et une autre en circonstance de vacance
avec l’empêchement, le décès ou la démission de l’autorité », poursuit
le juriste.
Le
premier alinéa de l’article 31 stipule : « Le scrutin pour l’élection
du président de la République a lieu 45 jours francs au plus et 30 jours
francs au moins avant l’expiration du mandat du président de la
République en fonction. ».
«
Les délais ne constituant que des bornes fixent l’intervalle, la
fourchette (la période) à l’intérieur de laquelle doit se tenir le
scrutin », Mawa Ndiaye explique que l’on peut alors retenir deux choses.
« Premièrement, la date d’expiration du mandat du président de la
République en fonction est connue. Ce qui est indiscutable. Alors que,
deuxièmement, la date du scrutin n’est pas fixe, mais est définie dans
une fourchette, en fonction de la date d’expiration du mandat du
président en fonction ».
En
clair, le « nouveau président doit forcément être élu avant
l’expiration du mandat du président en fonction », c’est-à-dire le 2
avril.
Selon
le juriste, c’est dans une logique d’éviter « tout dysfonctionnement
durant cette période où nous aurons deux présidents ; un président en
fonction, dont le mandat n’est pas encore arrivé à expiration et un
président fraîchement élu qui n’a pas encore été installé dans les
conditions fixées par l’article 37 de la Constitution que l’article 36
trouve son importance ».
L’alinéa
2 de l’article 36 dispose : « Le président de la République en exercice
reste en fonction jusqu’à l’installation de son successeur. » « Une
autre interprétation de l’écriture de cette disposition la rendrait
‘légistiquement’ reprochable, car elle confirme la non-expiration du
mandat de l’un, c’est-à-dire le président toujours en fonction et
l’élection de l’autre qu’il appelle successeur. Le successeur est celui
qui est élu. L’article 36 régit une situation précise : la seule
situation de l’élection d’un président et la période avant son
installation. Point et final », tranche le constitutionnaliste.
« Le Conseil peut fixer une date »
Le
président Macky Sall avait, de son côté, annoncé qu’après les
conclusions du dialogue national, il saisirait le Conseil
constitutionnel pour avis. Rappelons que ces mêmes sages avaient, dans
leur décision du 15 février dernier au considérant 14, précisaient « que
la juridiction constitutionnelle a déjà décidé, d’une part, que la
durée du mandat du président de la République ne peut être réduite ou
allongée au gré des circonstances politiques, quel que soit l’objectif
poursuivi ; que le mandat du président de la République ne peut être
prorogé en vertu des dispositions de l’article 103 précité ; que la date
de l’élection ne peut être reportée au-delà de la durée du mandat ;
que, d’autre part, la loi attaquée introduit dans la Constitution des
dispositions dont le caractère temporaire et personnel est incompatible
avec le caractère permanent et général d’une disposition
constitutionnelle ».
Par
ailleurs, le 26 février dernier, 16 candidats avaient déposé des
requêtes « aux fins de constater et de remédier à la carence du président
de la République qui s’abstient de fixer la date de l’élection
présidentielle en refusant ainsi de donner plein effet à la décision du
Conseil constitutionnel nº1/C/2024 du 15 février 2024 ». Réunis au sein
du FC25, ces candidats ont simplement demandé à l’institution dirigée
par Mamadou Badio Camara de fixer une date pour la Présidentielle. Une
situation possible, d’après toujours le Constitutionnaliste.
«
En parlant de meilleurs délais, on peut comprendre que le Conseil
constitutionnel voulait donner la primeur à l’autorité de choisir une
date, d’autant plus qu’on était toujours dans les délais raisonnables
évoqués par la Constitution. L’article 31 donne une fourchette de 30
jours minimum et 45 jours maximum pour fixer la date. Tant qu’on est
dans cette fourchette, le Conseil peut s’abstenir de prendre une date,
mais au-delà du 2 mars, le Conseil peut prendre sur lui la
responsabilité de choisir une date », conclut le constitutionnaliste qui
ne manque pas de préciser que les textes ne prennent pas en charge la
situation dans laquelle risque d’être le pays au cas où la date de la
Présidentielle est maintenue pour le 2 juin, soit trois mois après la
fin du mandat de Macky Sall.