[Portrait] « Fito », le criminel qui met l’Équateur à feu et à sang
Fine barbe, bouche
serrée et sombre regard, tel apparaît sur son avis de recherche Adolfo
Macias, alias « Fito », désormais le criminel le plus recherché d’Equateur
après son évasion de la prison d’où il commandait l’un des principaux
gangs criminels du pays.
Les
autorités n’ont pas encore établi le montant qui sera versé à ceux qui
fourniront des informations sur le chef de Los Choneros, gang de
narcotrafiquants apparu dans les années 1990 dans la province côtière de
Manabi (sud-ouest), stratégique pour l’exportation de la cocaïne vers
les Etats-Unis et l’Europe.
Le
narco de 44 ans, photographié également avec de longs cheveux hirsutes
et barbe proéminente lors d’un récent transfert de prison, purgeait
depuis 2011 une peine de 34 ans de privation de liberté pour crime
organisé, trafic de drogue et meurtre.
Mais
dimanche, à la veille d’une opération de police dont il a visiblement
été préalablement informé, il s’est volatilisé de la prison de haute
sécurité de Guayaquil (sud).
Le
parquet a ouvert une enquête contre deux fonctionnaires pénitentiaires
« qui auraient participé à l’évasion » de « Fito », qui s’était déjà évadé
en 2013 d’une prison de haute sécurité mais avait été repris au bout de
trois mois.
On
sait peu de choses sur l’actuel chef de Los Choneros, si ce n’est son
humble passé de chauffeur de taxi et sa capacité de nuisance poussant le
gouvernement équatorien à le décrire comme un « criminel aux
caractéristiques extrêmement dangereuses ».
Dans
le quartier du centre pénitentiaire de Guayaquil, aux peintures murales
à sa gloire, et dessins d’armes, de dollars et de lions, c’était lui
aussi le chef.
Des vidéos le montrent en train de faire la fête à l’intérieur de la prison avec des musiciens et des engins pyrotechniques.
Derrière
les hauts murs où l’administration pénitentiaire ne fait pas toujours
la loi, il a même enregistré un clip vidéo sur un « narcorroccido »
(chanson populaire en l’honneur des narcotrafiquants) à sa gloire: « El
corrido del Leon ».
Il
apparaît large chapeau sur la tête saluant et riant avec quatre détenus
dans la cour de la prison, caressant un coq de combat, sur un air
chanté notamment par sa fille, connue sous le nom de Queen Michelle.
« Fito »
exerçait « un contrôle interne important sur la prison », a souligné la
Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) dans un rapport
en 2022.
Elle
soulignait qu’Adolfo Macias, ainsi que Junior Roldan, un autre
dirigeant de Los Choneros tué l’année dernière en Colombie,
bénéficiaient en prison d’un « traitement différencié et préférentiel de
la part des autorités ».
Réputé très charismatique, « Fito » a suivi derrière les barreaux des études de droit jusqu’à obtenir son diplôme d’avocat.
Ascension et fragmentation
Le
nom de « Fito » a fait la Une de la presse ces derniers mois après
l’assassinat début août de l’un des principaux candidats à l’élection
présidentielle. Fernando Villavicencio, ancien journaliste et
parlementaire abattu par un tueur à gages colombien, avait fait état peu
avant son exécution de menaces de mort de la part du chef des Choneros.
Dans
le monde de « Fito », s’applique le dicton: « Le roi est mort, vive le
roi ». Son ascension à la tête du gang, composé selon les experts de
quelque 8.000 membres, est due aux décès successifs des chefs
précédents.
Elle s’est accompagnée de la fragmentation du gang qui, jusqu’à récemment, était composé d’une myriade de petits gangs réunis.
Les
récents changements à la tête de Los Choneros « ont entraîné des luttes
intestines au sein du groupe et de ses sous-groupes », selon le centre de
recherches Insight Crime. Les Tiguerones et les Chone Killers se sont
ainsi désolidarisés et sont devenus de puissants rivaux.
Insight
crime affirme même que Los Choneros « ont progressivement perdu le
pouvoir au profit d’une alliance menée par Los Lobos », dont le chef à
Quito, Fabricio Colon Pico, s’est également échappé mardi d’une prison
de la province de Chimborazo (centre) où il avait été transféré en
raison d’accusations de complot visant à assassiner un procureur.
Los
Choneros ont établi des liens avec les puissantes organisations
criminelles colombiennes (Clan del Golfo) et mexicaines (Cartel de
Sinaloa) et des réseaux des Balkans, selon l’Observatoire équatorien du
crime organisé.
Mais
sur les réseaux sociaux, Los Choneros se présentent comme des
bienfaiteurs, des sortes de Robin des Bois, avec des clips vidéo vantant
le trafic de drogue.
En
ligne, ils menacent les journalistes et, sur des rythmes de musique
urbaine, lancent des avertissements aux autres gangs rivaux.
« Choneros,
nous sommes des lions. Avec l’oncle Fito contrôlant le quartier, nous
sommes les patrons », dit l’une des nombreuses chansons sur leur chaîne
YouTube JF Music Entertainment.