Cedeao : Le Togo, si proche et si loin des putschistes
La vague de putschs qui
a troublé la tranquillité de la Cedeao ces dernières années, ne laisse
pas indifférent le Togo. Seulement, le pays de Faure Gnassingbé évite
d’avoir des réactions épidermiques comme la plupart des dirigeants de
l’organisation sous-régionale.
Lomé
se garde d’aller au clash avec ces militaires qui ont pris le pouvoir
par les armes, bien qu’il n’approuve pas leurs coups de force. Sa
position modérée fait de lui un possible médiateur crédible pour la
résolution des crises dans la sous-région. Les putschistes ne perçoivent
plus Lomé comme un adversaire, mais plutôt comme une capitale
fréquentable.
Cette
posture du Togo vis-à-vis des militaires au pouvoir dans l’espace
Cedeao, a permis au pays de remporter des succès diplomatiques. On se
rappelle encore de l’efficacité de la médiation togolaise dans
l’affaire des 49 soldats ivoiriens arrêtés au Mali. Conduite par M.
Gnassingbé en étroite collaboration avec son ministre des Affaires
étrangères Robert Dussey, cette médiation a permis de libérer ces
soldats retenus dans les geôles de Bamako.
Inutile
de rappeler que ces militaires étaient déjà condamnés à 20 ans de
prison pour « crimes d’attentat et de complot contre le gouvernement,
atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat, détention, port et transport
d’armes et de munitions de guerre ». Il a donc fallu que le colonel
Assimi Goita leur accorde la grâce présidentielle sous l’impulsion de la
diplomatie togolaise.
« Le Togo n’a jamais agressé ses voisins »
Outre
le Mali, Lomé a également gardé des relations correctes avec la junte
nigérienne. S’il a, au départ, soutenu l’intervention armée dans le pays
pour rétablir l’ordre constitutionnel, le gouvernement togolais a pris
ses distances avec cette décision de la Cedeao en septembre dernier.
En
effet, alors qu’il s’exprimait devant la 78e Assemblée générale des
Nations Unies, Robert Dussey a clairement indiqué que le Togo s’opposait
à « la guerre, quelles que soient les raisons ».
«
Depuis notre indépendance, le 27 avril 1960, jamais le Togo n’a fait la
guerre à ses voisins, jamais le Togo n’a agressé ses voisins ou un
quelconque pays, jamais le Togo n’a servi de base arrière pour une
quelconque agression contre un pays frère », déclarait le ministre
togolais des Affaires étrangères.
Il
a ensuite rappelé que le Togo a « toujours été un pays de médiation qui
favorise le dialogue, la négociation et l’entente entre les peuples et
les gouvernements ».
« Nous sommes fatigués par votre condescendance »
A
la même occasion, le chef de la diplomatie togolaise a fait des
déclarations qui ont actuellement un certain succès à Conakry,
Ouagadougou, Bamako et Niamey. En effet, M Dussey s’est plaint du
paternalisme et de l’arrogance des Occidentaux sans les nommer. « Nous
sommes fatigués par votre paternalisme. Nous sommes fatigués par votre
mépris de nos opinions publiques ; votre mépris de nos populations et de
nos dirigeants. Nous sommes fatigués par votre condescendance », avait
martelé le diplomate applaudi par l’auditoire africain.
En
somme, Lomé évite de tourner le dos aux putschistes. Il semble même
soutenir leur aspiration à l’autodétermination totale. « Éloignez-vous
de ceux qui veulent vous diviser. Méfiez-vous de ceux qui veulent vous
manipuler… Ne trahissez pas le peuple burkinabé, ne trahissez pas Thomas
Sankara », disait récemment Robert Dussey aux élèves diplomates de
l’Institut des hautes études internationales de Ouagadougou.
Malgré
ses relations cordiales avec ces juntes de la Cedeao, le Togo se garde
tout de même d’applaudir leurs dérives, conscients de leur illégitimité.