La presse et les adieux du président Sall
Macky Sall a amorcé le dernier tournant de sa vie de président de la République du Sénégal. Pour beaucoup d’évènements, il est à sa dernière participation en tant que chef de l’Etat. De ce fait, il profite de l’occasion pour faire ses adieux aux différentes institutions sociales et étatiques d’ici et d’ailleurs. Seulement, dans des pays africains où le passage de témoin à son successeur est une chose rare, ce qui devait être une simple formalité devient un évènement. A la tribune des Nations Unies, d’une année à l’autre, les présidents se succèdent les uns après les autres. C’est une banalité !
Au Sénégal par contre, le dernier passage de Macky Sall à New York, le 20 septembre 2023, a été présenté par la presse nationale comme un moment d’exception. ‘’Macky à l’Assemblée générale de l’Onu : La dernière tribune’’, titre Le Quotidien. Les journaux L’As et Les Echos se sont presque passés le mot : ‘’Macky Sall fait ses adieux à l’Onu’’ (L’As). ‘’Macky Cite Senghor et fait ses adieux à l’Onu’’ (Les Echos). Dans les puces, ces journaux insistent sur les propos de Macky Sall rappelant que l’année prochaine, c’est son successeur qui devra monter sur cette tribune. Une lapalissade !
Pourtant, le contenu du
discours de Macky Sall ne manquait pas de points importants sur
lesquels, les médias pouvaient insister, notamment l’accès à l’eau, la
politique de financement et la gouvernance mondiale. Heureusement que
certains titres (EnQuête, Vox Pop, L’info…) l’ont bien fait.
Toutefois,
au-delà même du discours de Macky Sall, cette dernière tribune était
surtout l’occasion de s’interroger sur le bilan de Macky Sall à l’Onu
mais surtout dans les instances internationales. Quels sont les dossiers
qu’il a eu à porter en tant que président de l’UA, mais aussi
simplement comme président du Sénégal. Quels ont été ses succès et ses
échecs, et quelle explication ? Quels doivent être les dossiers sur
lesquels son successeur doit se pencher en urgence au concert des
Nations-Unies ?
Au
niveau régional, Macky Sall a-t-il aidé la Cédéao à prendre les bonnes
décisions, à gagner plus de crédibilité et de légitimité auprès de
l’opinion ? A-t-il essayé d’imposer sa vision ou est-ce qu’il a suivi
les ténors comme le Nigéria et la Côte d’Ivoire ? Quelle est sa
responsabilité dans l’échec de la mise en place d’une monnaie unique
(Eco) par la Cédéao ? Bref, quelle a été la place du Sénégal de Macky
Sall dans l’organisme régional ? Mêmes questions dans l’Uemoa.
En somme, c’était le moment d’évaluer la politique internationale du régime de Macky Sall.
En
lieu et place de ce travail critique attendu des médias à l’heure du
départ, la presse a préféré célébrer un moment qu’elle veut historique.
Le journal gouvernemental, Le Soleil, et certains ‘’journaux’’ ont même
opté de s’arrêter sur un moment ‘’émouvant’’. Et c’est justement l’une
des critiques fondamentales faites à la presse : mettre en avant les
émotions au détriment de la raison pour que le citoyen ne s’intéresse
pas aux vraies questions, aux véritables enjeux.
La
Tribune des Nations Unies n’est qu’un exemple de cette attitude
complaisante de la presse privée sénégalaise. Macky Sall a aussi fait
ses adieux aux foyers religieux. A Touba, Macky Sall souligné que c’est
son dernier magal en tant que président. De quoi susciter l’émotion
auprès des médias. ‘’Sall d’émotions à Touba’’, titre L’Observateur.
‘’Macky Sall à Touba : Thiant d’adieu’’, ajoute Le Quotidien. ‘’Les
émouvants adieux de Macky au Khalife’’, renchérit le journal Les Echos.
Même
Le Témoin, pourtant assez critique contre le régime ces derniers temps,
n’a pas eu plus de recul. ‘’Macky fait ses adieux à Touba’’, affiche à
sa Une le quotidien de Mamadou Oumar Ndiaye. Que dire alors de
Yoor-Yoor, le journal du Pastef qui titre : « Triste ambiance de fin de
règne : Le pdt Macky Sall fait son ‘’taggatoo ».
A Tivaouane également, c’était pareil. La vente du candidat Amadou Bâ était à la Une de la quasi-totalité des journaux.
Ainsi,
c’est presque toute la presse qui retient les émotions à la place des
évaluations. Pourtant, au moment même où Macky était à Touba, la ville
était sous les eaux. A Médina Baye, le problème d’eau s’est posé durant
le gamou. Ces visites d’adieu étaient donc le moment idéal pour
questionner le bilan religieux du président Sall.
L’enseignement
de la religion a-t-il eu plus de place dans le système éducatif sous
Macky Sall ? Quid des 64 daaras modernes promis ? La prise en charge de
la question des enfants-talibés. Quelles sont ses réalisations dans les
foyers confrériques, les promesses non-tenues, les questions passées
sous silence… Et pourtant, il suffisait d’interroger les habitants pour
évaluer l’insatisfaction. « A quelques mois de la fin de son deuxième
mandat, il est clair que ces engagements n’ont jamais été tenus. La
seule réalisation notable est la construction de la maison des hôtes qui
s’est avérée être davantage une résidence pour Macky Sall qu’un réel
bénéfice pour la population de Tivaouane », déclare sur Seneweb, Alioune
Badara Mboup, conseiller municipal à Tivaouane.
Macky
Sall a-t-il réussi à limiter les accidents de circulation pendant les
grandes fêtes religieuses ? A-t-il tenté de fédérer davantage les
communautés musulmanes, notamment pendant la korité et la tabaski ?
Voilà autant de questions qui aideraient plus le Sénégal que les
émotions, fussent-elles celles d’un président sortant ayant renoncé à
briguer un troisième mandat lourd de dangers !