Oussouye: Dans l’antichambre d’une royauté sacrée ancrée dans les valeurs ancestrales
Roi d’Oussouye, est
par essence l’incarnation de plusieurs aptitudes. Sibiloumbaye Diédhiou
interprète les esprits. Il est le garant de l’unité et la cohésion
sociale, du respect des traditions. Combattant farouche des inégalités,
il règle les conflits dans la commune et œuvre pour la préservation de
la paix. Dans l’antichambre du roi nous avons découvert ses facettes.
Oussouye,
l’un des 3 départements de la région de Ziguinchor (Casamance-zone sud
du Sénégal) est attaché à ses us et coutumes. Oussouy est l’un des
derniers bastions au Sénégal, où certains de legs de nos ancêtres sont
jalousement conservés. La ville d’Oussouye avec son Roi et d’autres
royautés sont les marques de l’ancrage dans le passé et l’ouverture dans
le présent et une projection dans le futur. A juste titre, le Roi
d’Oussouy reste une boussole pour toutes les communautés. C’est un
passage obligé pour les autorités en visite et pour les touristes. Il
est une figure incontournable de la basse-Casamance. Au total, douze
rois règnent dans différentes localités en Casamance mais, celui
d’Oussouye est, de loin, le plus célèbre. Sibiloumbaye Diédhiou s’impose
tout de rouge vêtu, couleur qui symbolise le pouvoir. Son accoutrement
est toujours assorti d’un balai en paille qu’il tient entre les mains. «
C’est son arme, symbole de sa puissance ». Cet homme de taille moyenne
qui reçoit la délégation du programme Minority Rights Group (MRG) qui
s’intéresse aux liens entre les problèmes des minorités ou autochtones
et les conflits au Ghana, au Sénégal et en Sierra Leone. Mercredi 20
septembre en Casamance, il a plu toute la journée, la veille aussi. Pour
une distance de 31 kilomètres à partir de Ziguinchor, lieu de départ,
il a fallu au moins 45 minutes pour arriver à destination sous une pluie
battante. Quelques minutes dans cette paillote qui n’a de toit que les
arbres et les lianes qui réussissent cependant à retenir l’eau de pluie.
Les visiteurs déjà installés ne le ressentent qu’à compte-gouttes. Le «
mane » pour dire sa majesté en langue locale vit dans la forêt royale.
Son local, qui fait office de palais, est garni d’arbres de grande
taille, touffus, mais surtout sombres dans les forêts classées. C’est
son « bois sacré ». Il est loti de sorte qu’il ait une antichambre ou il
peut recevoir tout le monde. « Il ne reçoit pas dans ses
‘’appartements’’ Personne n’entre dans les lieux à part un membre de la
famille royale de sexe masculin totalement initié. Pour les dames,
seules les reines du roi y ont accès ».
L’attente
tire en longueur. « Il s’entretient avec ses assistants. Il faut aller
rencontrer les reines en attendant »,propose-t-on. Dans la maison
familiale, des femmes s’affairent autour de grosses marmites. Le jour
est spécial. On est mercredi et tous les mercredis pendant la saison des
pluies, les hommes du village vont travailler dans les rizières du roi.
Et ces repas doivent servir de déjeuner », explique Caroline Manga,
l’une des femmes du village venue aider les reines à cuisiner.
De
retour à l’antichambre du roi, le chambrelan invite à s’asseoir mais à
se lever à son arrivée. Sibiloumbaye, ne parle pas. C’est Lionel
Diédhiou, membre de la Cour royale et porte-parole qui commence par le
présenter. Il a été intronisé le 17 janvier 2000. Son nom est
typiquement Joola avec plein de significations. Sibiloumbaye veut dire
d’où vient-il ? En effet, lors son intronisation, les vieux sages
n’avaient pas les moyens de se payer les taureaux nécessaires pour
festoyer. Aussi ils se posaient tous la question: « d’où proviendront
ces taureaux pour l’intronisation? L’actuel roi est donc apparu comme
la solution.
Le Trône n’est pas héréditaire
La
succession au trône se fait selon la tradition. A la suite du décès
d’un roi, les sages choisissent la famille royale. Ils consultent les
fétiches pour ça. D’ailleurs, c’est de cette manière que la personne qui
doit régner est désignée. Une fois un membre des familles royales
désigné, où qu’il puisse être, quoi qu’il puisse faire ailleurs, il
comprendra et reviendra de son propre chef. D’ailleurs le roi était
mécanicien et travaillait au district sanitaire. A Oussouye, quatre
familles sont éligibles. La royauté n’est pas héréditaire. Ici un prince
n’est jamais roi. Le roi une fois intronisé, dispose de ses reines et
de ses princes et princesses. L’actuel dispose de trois reines et de 17
princes et princesses. » Il ne suffit pas d’être une belle femme pour
être reine, il faut être de la noblesse. On ne choisit pas dans
n’importe quelle famille.
Toujours au chevet des familles démunis
Les
champs du roi s’étendent sur plusieurs hectares et la communauté
s’organise pour ce travail. Chaque mercredi, les hommes cultivent les
rizières royales. La récolte sera stockée dans les greniers du roi.
Elle n’est pas destinée à la vente. Le riz étant l’aliment de base chez
les diolas, la rétribution tient compte des disparités sociales. Les
familles démunies sont assistées de la plus discrète des manières. Son
porte-parole raconte que les chefs de famille viennent nuitamment voir
le roi pour lui faire part d’un besoin en nourriture. Ce dernier leur
demande de rentrer chez eux et leur indique un jour où ils devront venir
en pleine nuit prendre le riz. Auparavant il charge ses princes où
reines de sortir une certaine quantité à déposer dans un endroit précis
sans leur donner des informations sur le destinataire. Ce dernier
récupérera son butin tard la nuit à l’abri des indiscrétions. » Tout
cela pour éviter la discrimination et maintenir la vie dans une parfaite
harmonie au sein de son royaume. Cette solidarité fait qu’à Oussouye,
la mendicité des enfants est interdite. Le roi veille sur la question »
explique le porte-parole.