PM, puis dauphin : Comment Amadou Ba a gagné la confiance de Macky Sall
Depuis sa désignation, samedi dernier, comme candidat de la majorité présidentielle à l’élection de février 2024, des voix se sont élevées pour contester le choix porté sur Amadou Ba. Mais, par sa discrétion et sa « loyauté », il est parvenu à gagner la confiance du chef de l’État Macky Sall au détriment des « apéristes authentiques ».
Après avoir annoncé, en début juillet dernier, qu’il ne serait pas candidat à sa propre succession en février 2024, mettant fin à un débat empoisonné sur la perspective d’un troisième mandat dont lui-même ne s’était pas privé, par touches successives, d’alimenter de façon subliminale, le président Macky Sall a pris deux mois pour livrer enfin le nom de l’heureux élu désigné pour reprendre le flambeau au sein de la majorité présidentielle. Il s’agit d’Amadou Ba.
Ce dernier, qui n’a adhéré à l’APR qu’en 2016, a été nommé, le 17 septembre 2022, à la tête du gouvernement.
«
La première fois que le président m’a parlé de son intention de
désigner Amadou Ba pour lui succéder, nous étions en 2018. Il comptait
briguer un second et dernier mandat un an plus tard, tout en préparant
celui qui était alors son ministre de l’Économie et des Finances à
prendre la relève. Il m’en a ensuite reparlé en 2019, après sa victoire à
la Présidentielle. Et Amadou Ba, de son côté, m’a confié que Macky Sall
l’avait effectivement sondé quant à ses ambitions », a confié à « Jeune
Afrique » Madiambal Diagne.
Justifiant
son choix sur l’actuel Premier ministre en perspective de la grande
bataille de février 2024, le président Macky Sall a évoqué des critères
de « compétences professionnelles, une carrière diversifiée, des
fonctions déterminantes et transversales dans l’État ».
Mais
est-ce vraiment tout ? Comment Amadou Ba est-il parvenu à gagner la
confiance du chef de l’État qui a, encore une fois, porté son choix sur
lui ? Ce dernier a sans doute été également « charmé » par la discrétion
de M. Ba.
Loyauté
En
effet, écarté du gouvernement à la suite du remaniement du mois
d’octobre 2020, en même temps qu’Aly Ngouille Ndiaye (Intérieur),
Mouhamadou Makhtar Cissé (Pétrole et Énergies), entre autres, Amadou Ba a
su garder le silence, restant fidèle à la ligne directrice de la
coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY).
«
Après mon départ du gouvernement, beaucoup de personnes m’avaient
incité à créer un mouvement autonome et à me présenter à la
Présidentielle sous mes propres couleurs, disait-il à ‘JA’, le 11
juillet, deux mois avant d’être officiellement désigné. C’est sans doute
parce qu’ils voyaient bien que j’avais l’étoffe et l’expérience
politique requises, et que je disposais d’un vrai potentiel pour
prétendre à cette fonction ».
Selon
l’éditorialiste et auteur du livre « Macky Sall : derrière le masque »,
cette brève traversée du désert s’explique notamment par les rumeurs
insistantes qui parvenaient au président, mais aussi à la première dame
Marième Faye Sall, à propos du ministre des Affaires étrangères. De
nombreuses peaux de banane avaient alors été glissées sous les pieds de
ce dernier, à qui l’on prêtait notamment une connivence inavouable avec
Ousmane Sonko, son ancien subordonné aux Impôts, où Amadou Ba avait fait
carrière.
«
Il a effectivement établi des passerelles avec le parti d’Ousmane
Sonko, confirme, « off the record », le chef d’un parti de l’opposition.
D’ailleurs, vous remarquerez que l’état-major de Pastef s’est abstenu de
toute attaque virulente à son encontre depuis qu’il a été désigné
candidat », écrit le journal panafricain dans un article consacré à la «
discrète ascension d’Amadou Ba ».
Ce
dernier « a privilégié la loyauté envers Macky Sall, analyse l’opposant
cité plus haut. C’est un homme affable, qui délaisse les attaques
frontales. Sachant qu’il avait un temps d’avance sur les autres
prétendants, il a estimé que la loyauté serait le meilleur calcul : ‘Si
Macky Sall se représente, je l’accompagnerai ; dans le cas contraire, il
n’aura d’autre choix que de me désigner et de me confier les rênes du
parti’, s’est-il dit ».
«
L’un de mes atouts, c’est que je parle à tout le monde. Je suis en
mesure de mobiliser aussi bien dans les milieux d’affaires que dans la
société civile et je cultive de bonnes relations avec les partenaires
techniques et financiers internationaux du Sénégal », rappelle Amadou
Ba.
Quoi
qu’il en soit, entre Macky Sall et Amadou Ba, la période de soudure ne
durera pas. « Peu à peu, ils se sont rabibochés », témoigne
l’administrateur du groupe Avenir Communication, qui a continué à
rencontrer l’un et l’autre régulièrement. « Et quand le président fait
adopter la réforme ressuscitant le poste de Premier ministre, fin 2021,
c’est déjà à Amadou Bâ qu’il pense pour en être le prochain titulaire »,
ajoute-t-il. La mise en œuvre de ce projet a pris plusieurs mois. Le
président de la République a attendu les Locales de janvier 2022, déjà
plusieurs fois reportées, pour officialiser le nom du prochain chef du
gouvernement. Un exercice à haut risque pour Amadou Ba, désigné
coordinateur national de la coalition Benno Bokk Yaakaar.
Selon
Madiambal Diagne, un cocktail pragmatique aurait conduit Macky Sall à
fermer les yeux sur l’adhésion tardive d’Amadou Ba à l’APR, quitte à
sacrifier – et mécontenter – ses rivaux, à l’engagement plus ancien. «
Le président considère qu’il est le mieux à même de conduire l’appareil
d’État, analyse-t-il. Il y a aussi ‘l’électabilité’ : il estime qu’il
est plus en mesure que les autres d’être élu en 2024. Enfin, il était
celui des candidats déclarés qui passait le mieux auprès des partenaires
internationaux du Sénégal, en particulier en France et aux États-Unis
».