Conflit au Soudan: l’émissaire de l’ONU démissionne
L’émissaire de l’ONU au
Soudan, l’Allemand Volker Perthes, devenu la bête noire de l’armée
soudanaise qui réclamait son limogeage, a annoncé mercredi avoir remis
sa démission, mettant en garde contre le risque de « guerre civile » dans
ce pays ravagé par un conflit armé.
« Je
remercie le secrétaire général (de l’ONU, Antonio Guterres) pour cette
opportunité et pour la confiance qu’il m’a accordée, mais je lui ai
demandé de me relever de cette fonction », a déclaré M. Perthes devant le
Conseil de sécurité, sans donner de raisons à son départ.
Interrogé
pour savoir s’il avait accepté cette démission, Antonio Guterres a
répondu devant des journalistes: « Oui. Il avait de bonnes raisons de
démissionner et je dois respecter sa volonté et accepter sa démission ».
M.
Perthes a livré un rapport accablant au Conseil, renvoyant dos à dos
les deux parties au conflit, l’armée soudanaise et les paramilitaires
des Forces de soutien rapide (FSR).
« Ce
qui a commencé comme un conflit entre deux formations militaires
pourrait se transformer en une véritable guerre civile », a-t-il affirmé,
en soulignant que « les combats ne montrent aucun signe d’apaisement et
aucune des deux parties ne semble proche d’une victoire militaire
décisive ».
Au
moins 40 personnes ont encore été tuées mercredi à Nyala, chef-lieu du
Darfour-Sud, dans des raids aériens de l’armée, ont indiqué à l’AFP une
source médicale et des témoins.
Regrets de WashingtonM.
Perthes était l’émissaire de l’ONU au Soudan depuis deux ans et demi et
à la tête de la mission de l’ONU, la Minuats, créée en juin 2020 pour
soutenir la transition démocratique au Soudan après la chute, l’année
précédente, d’Omar el-Béchir.
Le
général Abdel Fattah al-Burhane avait réclamé son limogeage en juin
dernier, lui faisant porter la responsabilité de la guerre qui a éclaté
mi-avril avec les paramilitaires du général Mohamed Hamdane Daglo.
Le
gouvernement soudanais avait menacé de demander le départ de la mission
politique de l’ONU au Soudan si M. Perthes restait à son poste, et le
considérait comme persona non grata au Soudan.
Le Conseil de sécurité de l’ONU a prolongé début juin de seulement six mois la mission politique des Nations unies au Soudan.
Intervenant
lors du débat, l’ambassadrice des Etats-Unis, Linda Thomas-Greenfield, a
dit « regretter » son départ et jugé les menaces du Soudan
« inacceptables ».
« Aucun
pays ne devrait être autorisé à menacer la capacité de ce Conseil à
poursuivre ses responsabilités en matière de paix et sécurité », a-t-elle
dit.
Dans
son rapport, M. Perthes appelle « à faire comprendre aux belligérants
qu’ils ne peuvent agir en toute impunité et qu’ils devront répondre des
crimes commis ».
« Les
responsabilités ne font guère de doute », a-t-il ajouté en dénonçant
« les bombardements aériens aveugles » menés par l’armée soudanaise.
« La
plupart des violences sexuelles, des pillages et des meurtres ont lieu
dans les zones contrôlées par les FSR », a-t-il encore constaté, tandis
que « les deux parties arrêtent, détiennent et même torturent
arbitrairement des civils, et des exécutions extrajudiciaires ont été
signalées ».
Selon
des chiffres qu’il a cité, quelque 5.000 personnes ont été tuées depuis
le début du conflit le 15 avril et plus de 12.000 blessés, des chiffres
selon lui bien en deçà de la réalité.
Les multiples tentatives internationales de médiation du conflit ont jusqu’ici échoué à établir une trêve durable.
Les
combats, qui ont fait près de cinq millions de déplacés et de réfugiés,
ont aggravé la crise humanitaire dans le pays, l’un des plus pauvres au
monde.