Niger: l’ex-président, Mahamadou Issoufou, sort de son silence
L’ancien président du Niger, Mahamadou Issoufou (2011-2021), est sorti de son silence dans les médias, près de trois semaines après le coup d’État du 26 juillet qui a renversé son successeur. Dans un entretien avec le magazine Jeune Afrique, il explique « très mal » réagir aux accusations selon lesquelles il aurait joué un rôle dans ce putsch. Et il affirme : « Mon exigence n’a jamais varié. Je demande la libération du président Mohamed Bazoum et sa restauration dans ses fonctions. »
« Je
garde l’espoir d’une sortie de crise pacifique et négociée », dit
Mahamadou Issoufou dans un entretien accordé à Jeune Afrique. C’est la
première fois que celui qui a dirigé le Niger de 2011 à 2021 prend la
parole dans les médias depuis le coup d’État du 26 juillet qui a
renversé son successeur. L’ancien président dit avoir accueilli avec une
grande surprise le putsch et continue d’appeler à la libération de
Mohamed Bazoum. Pour y parvenir, Mahamadou Issoufou dit rester dans une
démarche de médiation. Même si, selon lui, cela s’avère « très
difficile ».
Il rappelle dans Jeune Afrique que son exigence n’a
pas varié depuis plus de trois semaines. À savoir : la libération du
président Bazoum et sa restauration dans ses fonctions. L’ancien
président nigérien explique être sur la même longueur d’ondes que la
Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) – «
Comme elle, je privilégie la voie de la négociation », affirme-t-il –
dans ce dossier et que l’usage de la force doit être « l’ultime recours
».
Il réfute aussi avoir demandé ou imposé le maintien
d’Abdourahamane Tiani, aujourd’hui chef du Conseil national pour la
sauvegarde de la patrie (CNSP) et instigateur du coup d’État, dans ses
fonctions de chef de la garde présidentielle. « Je me suis toujours
interdit d’intervenir en faveur ou en défaveur de qui que ce soit »,
soutient-il.
« Je me sens insulté, meurtri dans mon intelligence. Tout cela est archi-faux »
Mahamadou
Issoufou indique avoir « très mal » vécu les accusations d’être
derrière le coup d’État : « Je me sens insulté, meurtri dans mon
intelligence. Tout cela est archi-faux. » Il affirme : « Ceux qui
propagent ce type de rumeurs sont ceux qui, dès le premier jour, ont
cherché à nous diviser, Bazoum et moi. Mais notre amitié a toujours été
plus forte que cela. » Il précise d’ailleurs échanger chaque jour avec
le président renversé et invite à en tirer les conclusions.
(Le poids de Mahamadou Issoufou dans la crise au Niger fait débat)
Depuis
le coup d’État du 26 juillet à Niamey, il se fait discret, mais on le
dit au centre du jeu : Mahamadou Issoufou n’a pas quitté la capitale
nigérienne depuis. Que fait-il ? Qui rencontre-t-il et que pense-t-il de
la situation ?
À tort ou à raison, de nombreuses personnalités
le considèrent comme un homme toujours influent à Niamey, explique notre
correspondant régional, Serge Daniel. Peu après le coup d’État, par
exemple, un chef d’État de la sous-région l’appelle pour lui demander de
mettre tout son poids dans la balance afin de rétablir le président
Mohamed Bazoum dans ses fonctions. Il s’y est engagé. D’après nos
informations, le prédécesseur de Mohamed Bazoum à la tête du Niger parle
quasiment tous les jours au général Tiani, chef des putschistes, qui
fut le chef de sa garde.
Même s’il a publiquement demandé le
retour à l’ordre constitutionnel, certains ont des doutes sur sa
sincérité, ce qui l’afflige. Un élu nigérien proche de lui, actuellement
à l’extérieur du Niger, bat campagne pour qu’on tourne la page
Bazoum… Le député Sani Boukari, que RFI a eu au téléphone, affirme
agir selon sa propre conscience.
Le malaise s’installe quand
même. Des proches du régime Bazoum s’interrogent. L’un d’eux va plus
loin et affirme que si le président Issoufou voulait ramener le général
Tiani à la raison, il pourrait y arriver et rapidement, à moins qu’il
ait quelque chose d’autre de caché. Réponse d’un fidèle de
l’ex-président : « On donne trop de pouvoir à Mahamadou Issoufou, il fait
ce qu’il peut. »