Pakistan: l’ex-Premier ministre arrêté au tribunal
L’ancien Premier
ministre pakistanais Imran Khan, qui venait d’être mis en garde par
l’armée pour avoir proféré des « allégations sans fondement », a été
arrêté mardi lors de sa comparution devant un tribunal d’Islamabad pour
répondre d’accusations de corruption.
Les
responsables du parti de M. Khan, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI),
ont exhorté leurs partisans à descendre dans la rue, mais la police a
prévenu qu’un arrêté interdisant les rassemblements de plus de quatre
personnes était en vigueur et qu’il serait strictement appliqué.
Les
chaînes de télévision locales ont montré des scènes de bousculades à
l’extérieur du tribunal, où des centaines de partisans du PTI se sont
heurtés aux agents de sécurité.
« Imran
Khan a été arrêté dans l’affaire Qadir Trust », a indiqué le compte
Twitter officiel de la police d’Islamabad, en référence à une affaire de
corruption.
M. Khan est visé par plusieurs dizaines d’affaires judiciaires depuis son éviction du pouvoir l’année dernière.
Son
arrestation intervient au lendemain de la mise en garde de l’armée
contre « les allégations sans fondement » prononcées selon elle par
l’ex-Premier ministre.
Lors
d’un rassemblement organisé ce week-end à Lahore (est), M. Khan a de
nouveau affirmé que le major-général Faisal Naseer, officier supérieur
des services de renseignement, était impliqué dans sa tentative
d’assassinat, début novembre 2022. L’ex-Premier ministre avait été
blessé d’une balle dans la jambe.
« Ces
allégations fabriquées de toutes pièces et malveillantes sont
extrêmement malheureuses, déplorables et inacceptables », a déclaré dans
un communiqué le service des relations publiques interservices (ISPR) de
l’armée.
« Il
s’agit d’une tendance constante depuis l’année dernière. Les
responsables de l’armée et des services de renseignement sont la cible
d’insinuations et d’une propagande tapageuse visant à promouvoir des
objectifs politiques », ajoute-t-il.
Le
Premier ministre Shehbaz Sharif, que M. Khan a également accusé d’être
impliqué dans le projet d’assassinat, a de son côté affirmé: « Ses
allégations sans aucune preuve contre le général Faisal Naseer et les
officiers de notre agence de renseignement ne peuvent pas être
autorisées et ne seront pas tolérées », a-t-il souligné sur Twitter.
Les
critiques à l’encontre de l’institution militaire sont rares au
Pakistan, où les chefs de l’armée exercent une influence considérable
sur la politique intérieure et la politique étrangère. Ils sont depuis
longtemps accusés d’interférer dans l’ascension et la chute des
gouvernements.
La mise en garde de l’armée illustre à quel point les relations entre M. Khan et la puissante armée du pays se sont détériorées.
Elle
l’avait d’abord soutenu dans son accession au pouvoir en 2018 avant de
lui retirer son soutien, puis Imran Khan avait été évincé de ses
fonctions par un vote de défiance du parlement en avril 2022.
Depuis,
l’homme politique fait pression sur le fragile gouvernement de
coalition pour qu’il organise des élections anticipées avant octobre.
– Conclusions de l’enquête rejetées –
Officiellement,
l’agression de M. Khan est l’œuvre d’un tireur solitaire, qui dans une
vidéo diffusée par la police avoue en être l’auteur et se trouve
désormais en détention.
Ces
conclusions ont été rejetées par M. Khan qui souligne que les autorités
ont refusé ses tentatives de déposer un rapport de première information
(RPI) auprès de la police pour désigner les « vrais coupables ».
« Il n’y a aucune raison pour que j’invente des faits », a déclaré l’ex-Premier ministre dans une vidéo publiée mardi.
L’ISPR
a déclaré qu’il se réservait le droit « d’entreprendre des actions en
justice contre les déclarations et la propagande manifestement fausses
et malveillantes ».
M.
Khan est visé par plusieurs dizaines d’affaires judiciaires depuis son
éviction, une tactique utilisée par les différents gouvernements
pakistanais pour réduire au silence leurs opposants, estiment des
analystes.
La
puissante armée pakistanaise exerce une immense influence dans le pays
et a organisé au moins trois coups d’État depuis l’indépendance en 1947,
régnant pendant plus de trente ans.
À
l’approche des élections nationales d’octobre, une myriade d’actions
pour d’obtenir des votes anticipés dans les assemblées provinciales, qui
se tiennent généralement en même temps, sont en cours d’examen devant
les tribunaux.
Des
années de mauvaise gestion financière et d’instabilité politique ont
poussé l’économie pakistanaise au bord de l’effondrement, une situation
exacerbée par une crise énergétique mondiale et des inondations
dévastatrices qui ont laissé un tiers du pays sous l’eau l’année
dernière.