Me Saïd Larifou, avocat de Ousmane Sonko : ‘’ L’engagement et les actes posés par notre client attirent de l’adhésion au niveau international”
Me Saïd Larifou, est
attendu ce mercredi à Dakar. Il a rejoint le pool des avocats de
l’opposant Ousmane Sonko dans le cadre de l’affaire qui l’oppose au
Ministre du Tourisme Mame Mbaye Niang. En prélude à son procès prévu
pour ce 30 mars, le leader du parti Pastef a renforcé sa défense en
faisant appel à Me Saïd Larifou, avocat à Paris, connu pour sa prise de
position dans l’affaire Bob Denard qui était poursuivi pour assassinat
du chef de l’État comorien, Ahmed Abdallah. Depuis Paris, Saïd Larifou a
accordé un entretien exclusif à Seneweb. Il revient sur son choix de
soutenir l’opposant Ousmane Sonko et son point de vue sur la justice
sénégalaise, entre autres sujets.
Qui est Me Larifou ?
Je
suis un africain humaniste, un homme libre et profondément dévoué et
engagé pour l’Afrique. Je crois profondément en la capacité de la
nouvelle génération de dirigeants africains à faire émerger et incarner
une nouvelle vision du panafricanisme basée sur la responsabilité de
l’homme Africain.
Vous
faites partie des avocats choisis pour défendre l’opposant Ousmane
Sonko, le leader du Pastef. Comment s’est faite la mise en relation?
En
ma qualité d’avocat engagé dans la défense des Droits humains
principalement pour mes frères et sœurs africains partout où ils se
trouvent dans le monde, il a semblé à Monsieur le Président Ousmane
Sonko que mon profil lui convient et que ma présence aux côtés de mes
brillants confrères sénégalais serait un atout supplémentaire pour sa
défense et pour la vérité judiciaire.
“Le combat incarné par Ousmane Sonko a une résonance qui dépasse le cadre du Sénégal et sa personne, il est en phase avec les aspirations des peuples d’Afrique”
Avez-vous des relations particulières avec Ousmane Sonko ?
Les
relations particulières que Monsieur Ousmane Sonko entretient avec la
jeunesse sénégalaise sont connues. Cette fois-ci, l’opinion publique
s’identifie à ce qui se passe au Sénégal qui, une nouvelle fois,
pourrait inspirer d’autres peuples d’Afrique qui aspirent à se prendre
en charge, à prendre leur destin en main et à devenir responsables et
non des assistés. Ces relations avec Sonko reposent sur l’espoir émis
par son combat pour la dignité de son peuple et sa précieuse
contribution pour la libéralisation et la démocratie en Afrique. On n’a
pas besoin d’avoir une relation particulière avec lui pour s’inscrire,
contribuer et adhérer à cette dynamique démocratique et respectueuse de
l’État de droit. Le combat incarné par Ousmane Sonko a une résonance qui
dépasse le cadre du Sénégal et sa personne, il est en phase avec les
aspirations des peuples d’Afrique qui sans entretenir des relations
particulières avec lui, mettent en place dans de nombreux pays des
comités de soutien pour le défendre et soutenir le combat des forces
vives du Sénégal qui est aussi le nôtre.
Pourquoi avez-vous accepté de rejoindre le pool des avocats du leader du parti Pastef ?
Tout
naturellement, avant tout, en ma qualité d’avocat, je suis honoré
d’avoir été choisi de porter ma contribution à la défense de Monsieur le
Président Sonko, principal opposant au Président Macky Sall et candidat
déclaré, pour mettre fin à ce harcèlement judiciaire dont il fait
l’objet à moins d’un an de la prochaine élection présidentielle.
Est-ce que c’est logique de considérer le procès opposant Ousmane Sonko et le Ministre Mbaye Niang a des relents politiques ?
Ce
procès en diffamation engagé contre notre client Ousmane Sonko est un
alibi. Il est de notoriété publique et même un enfant de 6 ans dirait
spontanément qu’une action pénale ouverte contre un principal opposant
et favori de tous les sondages, à moins d’un an de la présidentielle,
est un traquenard judiciaire pour l’empêcher de se porter candidat. Je
n’ai jamais vu un candidat subir autant d’acharnement judiciaire à
quelques mois d’une élection présidentielle. Ce sentiment est partagé
par les peuples d’Afrique qui ont tous les regards tournés sur le
Sénégal.
“L’engagement et les actes posés par notre client Sonko attirent de l’adhésion au niveau international. Il est devenu un acteur utile pour la nouvelle génération d’Africains qui ont en charge de bâtir une nouvelle décennie de démocratie et de paix de l’Afrique”
Le Sénégal est une vitrine. Il est pris comme modèle d’alternance démocratique qui inspire d’autres pays et d’autres peuples d’Afrique qui sont très préoccupés par le climat de tension et d’incertitudes politiques qui prévaut chez vous. De ce fait, le dossier Sonko s’est internationalisé. Le harcèlement judiciaire et les violences dont est victime Ousmane Sonko le rapprochent des peuples d’Afrique et le rendent sympathique.
Sur le continent, nous sommes arrivés un moment où protester ne suffit plus, l’engagement et les actes posés par notre client Sonko attirent de l’adhésion au niveau international. Il est devenu un acteur utile pour la nouvelle génération d’africains qui ont en charge de bâtir une nouvelle décennie de démocratie et de paix de l’Afrique.
Les manifestations de protestation sont un phénomène courant dans une démocratie et au Sénégal en particulier. Mais aujourd’hui, la colère incarnée par Ousmane Sonko a une connotation particulière en ce qu’elle aspire au changement du système qui maintient l’Afrique dans le sous-développement et la pauvreté qui en est la conséquence.
Jamais
depuis les indépendances africaines, l’expression politique assumée et
incarnée, n’a eu autant d’écho et d’adhésion sur l’étendue du continent
au point de voir apparaître déjà des Sonko Ousmane dans certains pays
africains.
Quel est votre point de vue sur la justice sénégalaise ?
Le
Sénégal a une identité démocratique qui inspire de nombreux pays
africains. Le Sénégal est connu comme étant un vivier de grands
juristes connus et reconnus pour leur rigueur et intégrité
intellectuelle. A l’instar de quelques pays africains, il a donc les
moyens humains et un environnement favorable d’inscrire la justice
sénégalaise dans une dynamique respectueuse des aspirations légitimes du
peuple sénégalais pour un Etat de droit et contre l’arbitraire. Je
compte sur le pouvoir judiciaire sénégalais pour arrêter le pouvoir
exécutif. J’avais assisté comme observateur des ONG Waraba d’Afrique et
Avocats pour l’Afrique (APA) au procès de Sankara et j’ai éprouvé une
grande fierté de voir un pays africain tenir un tel procès avec autant
de professionnalisme, de dignité et d’indépendance. D’autres exemples
donnés par des hautes juridictions des pays africains sont des preuves
objectives que le système judiciaire africain évolue positivement.
Vous
êtes le Président du parti politique le Ridja. Après une première
expérience à l’élection présidentielle aux Comores, avez-vous toujours
des ambitions présidentielles ?
Vous
rappelez ici mon parcours politique aux Comores et je vous en remercie.
Effectivement, comme candidat du Rassemblement pour une initiative de
développement avec une jeunesse avertie (Ridja), je suis arrivé 2 fois
au second tour de la présidentielle aux Comores. Je connais donc les
difficultés à se porter candidat à une telle élection. Pour l’heure, les
conditions pour la tenue de la présidentielle à la date voulue par
l’actuel chef d’État, candidat à cette élection et Président de l’Union
Africaine, ne sont pas réunies. La présence du colonel Azali Assoumani à
la tête de l’Union Africaine fait perdre à notre organisation
panafricaine sa neutralité car il instrumentalise ses fonctions pour
mener sa campagne présidentielle aux Comores. J’espère que des candidats
seront autorisés à se présenter pour faire valoir leurs opinions et
leurs ambitions pour notre pays.
J’ose espérer que le chef d’État comme à son habitude ne soit pas tenté de museler les oppositions à son régime autoritaire par des manœuvres dignes d’une République bananière et que l’Union africaine ne soit pas une antichambre pour valider un énième coup d’état électoral commis par Monsieur Azali Assoumani qui est récidiviste en la matière.
“La paix et l’avenir démocratique d’un pays et d’un peuple n’ont pas de prix et ne doivent être remis en cause pour assouvir l’ambition d’un individu ou d’un groupe”
Quel est votre position sur le troisième mandat en Afrique ?
La
Constitution est une colonne vertébrale des institutions d’un Etat de
droit. Les pays ont chacun une constitution et de mon point de vue il
faut la respecter. Changer celle-ci au gré des gouvernances n’est pas
responsable au regard des citoyens épris de liberté de conscience. Les
changements constitutionnels doivent être pensés sur le long terme dans
l’intérêt du pays et non pas dans l’immédiateté convenue pour assouvir
l’ambition d’un homme. La paix et l’avenir démocratique d’un pays et
d’un peuple n’ont pas de prix et ne doivent être remis en cause pour
assouvir l’ambition d’un individu ou d’un groupe.
Vous êtes avocat défenseur des droits humains. Quelle analyse faites-vous sur le non-respect des droits humains en Afrique ?
Globalement,
il faut souligner un net progrès de l’Afrique qui semble très engagée
concrètement dans la démocratisation des actes politiques. L’exemple
récent est l’acte exceptionnel posé par Madame Samia Suluhu Hassan,
Présidente de la République Unie de la Tanzanie qui a assisté au congrès
du principal parti de l’opposition. Au cours de son discours prononcé à
cette occasion, elle a fait appel à l’unité des forces vives de la
Tanzanie pour bâtir un nouveau pays. Elle a aussi pris l’engagement
d’organiser des élections libres et transparentes. Il s’agit pour moi
d’une contribution exceptionnelle pour la paix et la tolérance. À ma
sollicitation, des organisations africaines ont accepté de demander au
comité de Nobel de lui attribuer le Prix Nobel de la Paix. Nous sommes
en campagne pour que le prochain prix Nobel de la Paix lui revienne.
D’autres pays africains se sont aussi très bien distingués. Je citerai
les Seychelles, le Kenya, le Nigeria, le Libéria. Notre Ong Waraba
d’Afrique a pris l’engagement d’attribuer des prix de démocratie à ces
pays. Cependant, il y a des exceptions dues à des paramètres
particuliers et singuliers de gouvernance qui sont sources de
préoccupations. Je n’en dirai pas plus.