Fils d’un sénégalais : Qui est Guillaume Diop, premier danseur étoile noir de l’opéra de Paris ?
La nomination du premier danseur étoile noir de
l’Opéra de Paris est historique mais, en accédant au titre suprême,
Guillaume Diop, qui a enchaîné les prises de rôle au pied levé, a
surtout récolté les fruits d’un talent et d’un travail acharné.
A
23 ans, il atteint le firmament après avoir sauté la case « premier
danseur » (grade précédant le titre d’étoile), fait rare dans une
compagnie de ballet très hiérarchique.
« J’ai
l’impression que c’est un rêve », confie à l’AFP Guillaume Diop nommé le
11 mars à Séoul lors d’une tournée, sur proposition du directeur de la
danse José Martinez.
Son
père sénégalais, employé d’une compagnie aérienne, et sa mère
auvergnate, fonctionnaire à la mairie de Gennevilliers, n’en croient pas
leurs oreilles quand il les appelle.
« Avec
le décalage horaire, ils venaient de se réveiller… Ils ont encore un
peu de mal à réaliser, mon père est hyper fier », affirme le danseur au
sourire solaire.
La
consécration est très médiatisée: il est parmi les rares danseurs noirs
ou métis de la compagnie et avait co-écrit en 2020 un manifeste sur « la
question raciale à l’Opéra » pour « la faire sortir du silence ».
« Être à la hauteur »
Est-il gêné d’être qualifié de « première étoile noire de l’Opéra »?
« Ca
ne me dérange pas parce que c’est un fait », assure-t-il. « S’il y avait
eu une personne comme moi à l’époque où j’ai commencé la danse, ça
aurait été beaucoup plus simple pour moi et mes parents; ça les aurait
rassurés ».
Il
voit l’étoilat avant tout comme une « belle responsabilité », car il
s’agit de « représenter la danse française », mais il est aussi « fier » du
symbole.
« Je
suis conscient que cela va aider des enfants à se lancer dans la
danse », indique l’artiste, qui a grandi dans le XVIIIe arrondissement de
Paris, où il a pris ses premiers cours de danse, au Centre Binet,
emboîtant le pas à sa soeur.
Il trouve injustes en revanche les commentaires attribuant sa nomination à de « la discrimination positive ».
Repéré
par l’ex-directrice Aurélie Dupont alors qu’il est à l’échelon le plus
bas de la troupe, il est sous le choc quand elle le distribue en 2021
dans le rôle principal de « Roméo et Juliette » pour remplacer une étoile
blessée.
« A
21 ans, je devais (répéter) un ballet en trois actes en une semaine. Ce
n’est pas évident. J’avais des journées de malade, j’ai travaillé de
10H00 à 19H00. Il fallait prouver que j’étais à la hauteur et que, si
j’étais distribué sur ces rôles, c’était aussi parce que je le
méritais », souligne-t-il.
En
moins de deux ans, il danse plusieurs grands rôles du répertoire, dont
« Le Lac des Cygnes » ou « La Bayadère », un ballet pour lequel il a eu
juste trois jours pour se préparer, avec comme partenaire la « reine » de
la compagnie, Dorothée Gilbert.
A
chaque fois, il étonne par son charisme, ses lignes élégantes et ses
sauts. Au récent gala dédié à Patrick Dupond, sa virtuosité explose,
malgré le trac. « Il y avait toutes les anciennes étoiles dont j’avais vu
les vidéos 12.000 fois sur YouTube! », rit-il. Parmi elles, ses modèles,
Nicolas Le Riche et Laurent Hilaire.
Ayant commencé le classique à 8 ans, il intègre l’Ecole de danse de l’Opéra, malgré les réserves de ses parents.
En
plus, « on me disait: +Il n’y a pas de Noirs à l’Opéra+, +tu ne seras
pas pris parce que t’es Noir+ ou encore que j’avais de grosses fesses et
les pieds plats, les clichés sur les personnes noires, quoi ».
Une
fois dans le cocon de l’Ecole, ces commentaires ne l’atteignent plus. A
l’adolescence, le jeune homme, qui veut être médecin, se pose des
questions.
A
l’Opéra, il y a eu Jean-Marie Didière et Raphaëlle Delaunay mais il ne
les avait jamais vu danser. Il part faire un stage à New York dans
l’école d’Alvin Ailey, composée notamment d’Afro-Américains.
Admis
à l’Opéra à 18 ans, il accède en cinq ans au titre suprême. « Etre nommé
jeune est une chance car je vais pouvoir grandir dans ces rôles et
travailler plus sereinement ».