Plus loin avec…Alioune Tine : « Nous assistons à une criminalisation de l’opposition au Sénégal »
En marge de la
cérémonie de clôture, ce vendredi 10 mars 2023, du colloque régional sur
les transitions démocratiques en Afrique de l’ouest, organisé par le
Think tank AfrikaJom Center, Alioune Tine en long et en large sur
l’impasse politico-judiciaire qui menace la stabilité du Sénégal. La
figure de proue de la société civile sénégalaise engagé dans une
entreprise de décrispation de la tension politique, invite les acteurs à
plat l’adversité politique et mettre fin à ce qu’il appelle « la
criminalisation de l’opposition » à travers une instrumentalisation de
la justice à des fins politiques.
Criminalisation de l’opposition
«
Nous assistons de plus en plus à ce qu’on appelle une criminalisation
de l’opposition. Cela veut dire que vous avez des questions politiques
que vous transférez au palais de justice. Cela crée des problèmes. Les
problèmes politiques doivent avoir une solution politique mais pas une
solution judiciaire. Il me semble que l’appel qu’on doit lancer à la
fois au pouvoir et à l’opposition c’est de garder le sang-froid, le
calme et d’apaiser. Nous voulons un débat substantiel et cela doit venir
des acteurs politiques, des médias et de la société civile. Il faut
qu’en tant que citoyens qu’on exige un débat qui nous permette demain de
faire des choix sur des offres politiques ».
Mettre fin au présidentialisme
«
Moi-même je ne suis pas d’accord sur la notion d’offre politique. En
réalité, on doit aller aux élections sur la base de demandes sociales.
Qu’est-ce que les gens veulent ? Mais ce que nous voyons c’est : ‘je
vous offre quelque chose, qui m’aime me suive’. Voilà ce qu’il faut
d’abord remettre en question pour mettre fin à ce qu’on appelle
présidentialisme avec des présidents de la République qui fonctionnent
comme des monarques. Telles les choses sont en l’état quelqu’un d’autre
qui arrive au pouvoir, demain il va être un monarque. C’est sur cela
qu’on a réfléchi d’abord ».
Libertés sous pression
«
L’autre point c’est que dans la sous-région aujourd’hui nous avons de
plus en plus un rétrécissement, comme peau de chagrin, de l’espace
civique. Ici (au Sénégal, Ndlr) on arrête et on met en prison des hommes
politiques, des gens de la société civile, des journalistes. Vous allez
en Guinée, au Mali, au Burkina Faso ou au Togo c’est ce qu’ils font.
C’est-à-dire qu’on est dans une véritable régression démocratique par
rapport aux acquis de la transition des années 2000. C’est pour ça que
nous demandons aux chefs d’Etat de libérer tous les détenus politiques
et les détenus d’opinion ».
3e mandat
«
La troisième exigence c’est la question de la limitation des mandats
présidentielles pour consolider la démocratie. Parce qu’en réalité la
définition minimale de la démocratie c’est la capacité pour les peuple
de changer leur gouvernement de façon pacifique. C’est ce que fait le
Cap-Vert tout le temps sans tambour ni trompette. Il faut revenir à ces
fondamentaux pour permettre à notre démocratie de respirer et de mettre
un terme aux tensions, aux violences et aux menaces sur la cohésion
sociale.
Le
président c’est quelqu’un qui a quand-même fait un serment. Le serment
c’est comme une profession de foi. Pour moi c’est beaucoup plus fort que
la constitution elle-même. Si nous avons une remise en question de ce
serment, cela veut dire que nous avons un problème avec le contrat
social. Il faut donc dans ce cas essayer de trouver par le débat
démocratique des solutions démocratiques et apaisées. On a été chez
l’archevêque, il dit qu’il faut dialoguer. On a été chez les khalifes,
ils disent qu’il faut dialoguer. La solution c’est le dialogue. Il ne
faut pas transférer ces dossiers aux juges. Maintenant c’est aux juges
aussi de prendre leurs responsabilités ».