Tenues scolaires : Revoilà les uniformes à 30 milliards
Après un retard de deux
ans dans la confection, les tenues scolaires vont être distribuées,
lundi 20 février, à 4 mois de la fermeture des classes. Ce qui confirme
les incohérences de ce programme, relevées depuis sa première annonce,
par les acteurs de l’école.
Dans
une note adressée aux partenaires, le ministre de l’Education nationale
les invite à la cérémonie de lancement de la distribution des
uniformes. Il s’agit de ces fameuses tenues scolaires décidées par le
chef de l’Etat Macky Sall pour faire face aux impacts de la Covid, il y a
deux ans, et qui, selon le ministre, entre « dans le cadre de la
promotion de l’équité en milieu scolaire ».
Revoilà
donc les tenues prévues pour un montant de 10 milliards par an sur la
période 2021-2024, soit 30 milliards au total. Il a fallu attendre deux
ans. Ce qui confirme la prophétie du secrétaire général de l’Uden
Abdourahmane Guèye.
«
Combien de fois l’Etat a donné des garanties sur des projets et au
finish, on voit un décalage par rapport aux projections. On va perdre de
l’argent et après 3 ans, on va se rendre compte que ce n’est pas
porteur », prédisait-il dans un article de Seneweb au milieu de la
polémique sur cette affaire.
Médecin après les funérailles
L’objectif
du chef de l’Etat était de soutenir le secteur de l’artisanat. Mais
cette cérémonie à elle seule symbolise les contradictions et
incohérences de cette décision présidentielle. En effet, le démarrage de
la distribution aura lieu le lundi 20 février. Or, la fermeture des
écoles aura lieu en fin juin. Autrement dit, les élèves disposeront de
ces tenues à 4 mois de la fin de l’année pour corriger des inégalités.
Et
c’est fort probable que les uniformes arrivent encore plus tard dans
les mains de l’élève. Combien de temps sera nécessaire pour la
distribution complète des tenues. Connaissant les lenteurs
administratives et opérationnelles, ce sera sûrement d’ici un à deux
mois.
On
dirait un médecin après les funérailles. En effet, pour cette année
2022-2023, tous les élèves qui devaient acquérir des uniformes l’ont
déjà fait. Quelle est donc la pertinence de ces tenues à pareil moment.
«
Les parents d’élèves et les collectivités locales se sont organisés, la
majeure partie des établissements ont des tenues. (…) L’Etat n’avait
pas besoin de se substituer à ces acteurs de l’école », se désolait
Gougna Niang, dans l’article ci-devant cité. La Cosydep estimait à
l’époque que le gouvernement devrait plutôt soutenir les initiatives de
locales.
Par
ailleurs, au-delà même du timing de distribution, c’est la pertinence
du programme qui interroge. Du côté de son objectif principal, il était
censé aider l’artisanat dans un contexte de Covid. Il a fallu deux ans
pour sortir les premières tenues. Entretemps, le débat sur le rapport de
la Cour des comptes s’est posé au vu des détournements des deniers
publics et de la mauvaise gestion.
« Cour des comptes, on attend le rapport… »
D’ailleurs,
ce retard sur la confection implique d’autres questions. Combien a été
décaissé jusque-là ? La livraison concerne une ou deux année(s) et pour
quel montant ? Est-ce que la somme initiale de 10 milliards par an a
été respectée ? Autant de questions qui méritent réponses et qui
interrogent davantage l’utilité de cette mesure.
C’est
pourquoi d’ailleurs certains mettent en avant la transparence sur ce
point. « Cour des comptes, on attend le rapport. C’était 30 milliards…
», s’exclame cet internaute.
Pour
justifier cette décision, le gouvernement soutient que l’école n’est
que bénéficiaire d’un programme qu’elle n’a pas initié. Mais les acteurs
se demandent si le système éducatif sénégalais manque de priorité pour
se pencher sur des tenues que les parents et les établissements ont fini
d’intégrer dans leur politique. La priorité est ailleurs !!!
Recrutement des enseignants, les non-dits
Il
s’y ajoute qu’en dépit de tout ce qu’on peut dire, les uniformes ne
gomment pas nécessairement les inégalités. Lorsque deux élèves portent
la même tenue, les différences sociales apparaissent à travers la
propreté de l’uniforme, la fraicheur des couleurs, le caractère lisse ou
froissé du tissu… Il existe toute une palette d’indicateurs qui va du
matériel scolaire aux chaussures en passant la mise, le moyen de
transport, l’alimentation, etc.
Des
questions régaliennes comme les outils pédagogiques, les murs de
clôture, l’eau, l’électricité et surtout les toilettes à l’école sont
sur la table de l’Etat. Sans compter les effectifs pléthoriques qui
impactent le système et qu’il faut régler par la construction de salle
de classe, mais surtout un recrutement massif d’enseignants pour combler
ce gap. Or, sur ce point, l’Etat semble s’appuyer sur une communication
abondante, suite au recrutement de 5 000 enseignants pour masquer la
réalité.
Dans
un communiqué, la Cosydep révèle qu’en 2021-2022, seuls 350 enseignants
ont été recrutés contre une moyenne annuelle environ de 2 500 par an.
Et qu’en 2022-2023, il y a environ 1 200 postes ouverts en janvier !!!
Ce qui va impacter la durée de la formation, la disponibilité à temps de
ces futurs enseignants. Quid des classes pléthoriques ou à double flux ?
Au finish, en un mot comme en mille, l’Etat a opté pour du superflus au détriment de l’essentiel et du sens des priorités.