Réveillon en prison : le vague à l’âme de détenus
Des détenus fêteront l’arrivée du Nouvel An, derrière les barreaux et loin de leurs familles. C’est le cas de Bintou Ndiaye (nom d’emprunt) trouvée assise sur une chaise en plastique dans le poste d’accueil transformé en parloir de la Maison d’arrêt et de correction (MAC) de Rufisque.
De confession chrétienne, Bintou Ndiaye, la cinquantaine révolue, est mère de 4 enfants. Condamnée à 15 ans de travaux forcés, elle a confié à L’Obs que sa peine s’accroit surtout à l’approche de la Saint-Sylvestre. Ses enfants qui se trouvent à Tambacounda lui manquent cruellement.
« Nous étions calfeutrés dans notre salon après
avoir pris un copieux dîner. J’avais ma fille cadette bien serrée contre
moi, sa tête reposant sur mes cuisses. Aujourd’hui, elle a 17 ans. »
Depuis son incarcération, elle passe le réveillon, enfermée entre quatre
murs. « La liberté n’a pas de prix. J’ai privé mes enfants de leur
mère. J’aimerai tellement les voir. Je regrette d’avoir commis
l’irréparable en m’adonnant au trafic de stupéfiants », lâche-t-elle,
amère.
Au
camp pénal de Liberté 6 réservé aux femmes en difficulté judiciaire,
Joséphine Ndour se met devant la télévision, pour éviter de sombrer dans
la mélancolie surtout en cette période de fête. « Cela fait plus de
trois ans que je passe mon réveillon devant le petit écran. Je refuse
d’être triste. Raison pour laquelle je suis scotchée au petit écran pour
suivre les concerts et les présentations des artistes », sert-elle, la
mine abattue.
Contrairement
à Joséphine Ndour, certaines prisonnières ont trouvé une autre parade :
dormir tôt pour éviter d’être nostalgiques. D’autres, très tristes,
passent toute la nuit, à pleurer. « Ici, à chaque réveillon, les gens
sont gagnés par la tristesse. On se rend compte que les années passent
et on reste clouées entre ces quatre murs. Les nuits de réveillon sont
très ennuyeuses », enchaine Joséphine.
Eva
Diouf, elle, choisit de passer en revue toutes les lettres que ses amis
lui ont envoyées durant l’année. Une manière pour elle « d’évacuer le
stress. » Mais, la jeune détenue de teint hâlé jure de changer de
fréquentation à sa sortie de prison. « Ma maman est en âge avancé. Ma
situation carcérale l’a beaucoup fragilisée. Je suis à l’origine de cela
», regrette-t-elle.
Emmanuel
D., un ancien détenu, a purgé 8 ans de prison à la Mac de Rebeuss. Pour
le réveillon, ce qui l’a le plus marqué, c’est la générosité des
détenus sénégalais. « J’étais dans la chambre 24, du secteur 4, près du
terrain de basket-ball. Le dernier réveillon que j’ai passé là-bas, nous
avions partagé tous nos repas. Cette méthode nous a permis de savoir
que nous partageons le même statut », a-t-il expliqué.
Il
ajoute que le chef de la chambre 24 avait demandé aux détenus musulmans
et chrétiens de prier ensemble. C’est ainsi qu’a-t-il soufflé : « Nous
avons allumé des bougies et prié ensemble. Je crois que le Seigneur aime
les Sénégalais car ils sont naturellement bons ».