Macky en 2022 : Entre splendeurs diplomatiques et misères intérieures
Alors qu’il s’apprête à clôturer l’année par son
traditionnel discours à la Nation, Seneweb revient sur l’année du
Président de la République, qui fort de son statut de chef de l’Union
africaine, a multiplié les initiatives diplomatiques, non sans succès.
Sur le plan intérieur, en revanche, l’année fut rude, malgré le
volontarisme affiché sur le terrain social.
Le
Président américain, Richard Nixon, avait déclaré que la politique
intérieure l’intéressait “autant que la construction d’un abri de jardin
dans la ville de Peoria”. En 2022, le Président de la République du
Sénégal, Macky Sall, aurait pu faire sienne cette boutade. Intronisé le
samedi 5 février 2022 à la tête de l’Union africaine, le chef de l’État a
multiplié les rendez-vous diplomatiques partout dans le monde, donnant
parfois l’impression à certains de ses concitoyens d’être un Président
déconnecté voire hors-sol. À sa décharge, Macky Sall avait d’emblée
annoncé la couleur sur ses réelles intentions. « L’Afrique est plus que
jamais décidée à prendre son destin en mains », a déclaré le dirigeant
lors de son discours inaugural à la tête de l’UA, promettant d’œuvrer à
la mise en place de « partenariats rénovés, plus justes et plus
équitables » avec les partenaires internationaux. “Je suis venu dire que
nous n’ignorons pas l’Afrique des problèmes, qu’il faut pacifier et
stabiliser, mais il existe aussi une Afrique des solutions, forte de ses
ressources naturelles, humaines et agricoles, dotée de gouvernements à
la tâche, d’une jeunesse vibrante et créative, qui innove, entreprends
et réussit, rappelait-il quelques mois plus tard à la tribune de l’ONU.
Cette Afrique des solutions souhaite engager avec tous ses partenaires
des rapports réinventés “.
Tout
au long de ses différents périples, il a notamment réitéré son appel à
une réforme de la gouvernance mondiale dont il a déploré les
« incohérences », lors de la la 8ème édition du Forum international de
Dakar. Le chef de l’Etat sénégalais a critiqué les insuffisances
d’organisations comme le Conseil de sécurité de l’ONU ou le G20 en
énumérant les sombres réalités auxquelles est confrontée l’Afrique:
propagation jihadiste, conséquences des crises climatique et sanitaire
et de la guerre en Ukraine, recrudescence des coups d’Etat. « Pour
inspirer confiance et adhésion, le multilatéralisme doit servir les
intérêts de tous », sous peine de « perdre la légitimité et l’autorité
attachées à son autorité », a-t-il prévenu. Pour rectifier le tir, le
Président de l’UA a martelé un leitmotiv : l’intégration de l’Afrique au
G20 et au Conseil de sécurité de l’ONU. “L’Afrique reste un partenaire
incontournable sur la scène internationale. Elle est la 8ème puissance
économique par son PIB, possède plus de 60 % des terres arables avec une
population estimée à près de 2,5 milliards d’ici 2050, a-t-il souligné,
à l’occasion du sommet du G20 (15 au 16 novembre) qui s’est tenu à
Bali, en Indonésie. Elle peut par conséquent nourrir une juste ambition
d’être intégrée comme un membre permanent au Forum du G20 et j’aimerai
inviter mes pairs à y procéder ».
Succès diplomatiques
Ces
appels répétés, s’ils ne se sont pas encore concrétisés dans les faits,
ont reçu des soutiens de poids. Celui de Joe Biden, notamment,
Président des États-Unis. « Les États-Unis sont à fond pour l’Afrique et
avec l’Afrique”, a-t-il déclaré le 15 décembre lors du sommet
États-Unis-Afrique. « L’Afrique doit être à la table dans chaque salle –
dans chaque salle où l’on discute des défis mondiaux – et dans toutes
les institutions », a encore souligné Joe Biden en citant expressément le
Conseil de sécurité de l’ONU et le G20 – qui regroupe les principales
puissances économiques du monde.
Emmanuel Macron, également, a accueilli favorablement les appels du pied de Macky Sall. « Je soutiens l’intégration pleine et entière de l’Union africaine au G20, a-t-il déclaré le 16 juin à Bali. « Nous ne pouvons pas demander à ces pays de soutenir le multilatéralisme, si celui-ci n’est pas en capacité de répondre à leurs urgences vitales ».
Autre
soutien de poids, celui du président chinois, Xi Jinping : “Avoir une
vie heureuse est l’aspiration commune de tous les pays et la
modernisation n’est pas le privilège d’un seul pays. Les pays en avance
doivent aider sincèrement les autres à se développer et fournir plus de
biens publics mondiaux. Les grands pays doivent assumer les
responsabilités qui leur incombent et donner le meilleur d’eux-mêmes
pour la cause du développement mondial”.
Difficultés intérieures
Des
succès relatifs qui contrastent avec une situation intérieure
compliquée, symbolisée notamment par un climat politico-social tendu (3
morts lors de manifestations le 17 juin) et deux élections, les locales
puis les législatives, lors desquelles son camp a laissé beaucoup de
plumes.
Pour
reprendre un peu la main, le chef de l’État a nommé un gouvernement, le
17 octobre, pour amorcer le dernier virage vers 2024. Principale
décision, le retour dans l’architecture institutionnelle d’un Premier
ministre, en l’occurrence Amadou Ba. Dans un discours prononcé la veille
de l’officialisation de cette nomination, Macky Sall indique les
grandes orientations de ce gouvernement : «
Les mesures d’allègement du coût de la vie et le soutien à l’emploi et à
l’entrepreneuriat des jeunes, la lutte contre les inondations, la
cherté du loyer resteront pour moi la priorité des priorités.De larges
concertations sont prévues avec toutes les parties prenantes, notamment
les associations de consommateurs et les commerçants .
Cela
s’est concrétisé, quelques mois plus tard, par des mesures de baisse
relatives notamment au logement, au riz, à l’huile, au sucre et aux
fournitures scolaires.
La
baisse est de 5% pour les loyers de plus de 500.000 FCFA , de 10% pour
ceux allant de 300.000 FCFA à 500.000 FCFA et de 20% pour ceux
inférieurs ou égaux à 300.000 FCFA.
Face
aux récalcitrants, les autorités ont annoncé le recrutement de jeunes
pour faire respecter les prix alors que des consommateurs ont exprimé
leur doutes sur l’effectivité de ces nouvelles mesures du fait des
réticences des commerçants.
Toujours
est-il que ce virage social devrait s’accentuer en 2023, et le chef de
l’État sera beaucoup plus présent dans les affaires intérieures. L’année
sera moins internationale pour Macky Sall d’autant que son mandat comme
Président de l’Union africaine s’achève en février prochain.