L’Ukraine peut-elle vraiment reconquérir la Crimée? “Cela risque de finir en bain de sang”

L’Ukraine peut-elle vraiment reconquérir la Crimée? “Cela risque de finir en bain de sang”

Vladimir Poutine avait l’intention de conquérir l’Ukraine en dix jours. Neuf mois plus tard, l’armée russe peine à conserver les territoires ukrainiens qu’elle a envahis. Forte de ses succès militaires, l’Ukraine, elle, a l’intention de reconquérir toutes les terres occupées, y compris le Donbass et la Crimée. Mais est-ce vraiment possible? Quelles sont les options qui se présentent aux troupes de Volodymyr Zelensky, mais surtout, quels sont les risques? Selon le journal The Economist, une telle offensive pourrait se terminer en “bain de sang”. Dans une interview publiée le 24 novembre, Volodymyr Zelensky a réitéré son ambition de reconquérir la Crimée. Si le président ukrainien est largement soutenu par son peuple, les pays occidentaux, eux, se montrent plus prudents. La péninsule, annexée par la Russie en 2014, est si stratégique et symbolique pour Moscou que les alliés de l’Ukraine craignent une escalade militaire du conflit, avec peut-être même l’utilisation d’armes nucléaires.

Une opération en préparation

Après deux contre-offensives réussies, à Kharkiv au nord-est et à Kherson au sud, l’armée ukrainienne entend continuer la reconquête de ses territoires jusqu’au bout. Mais l’Ukraine ne veut pas trop en dire sur ses futures attaques contre les troupes russes. “Si nous avions annoncé nos plans via les médias ou les réseaux sociaux, nous n’aurions rien réussi du tout”, explique notamment Mychajlo Sabodskyj, qui, en tant qu’ancien commandant des forces aériennes ukrainiennes, reste étroitement impliqué dans la définition de la stratégie militaire.

Mychajlo Sabodskyj souligne également qu’une opération de reconquête de la Crimée est non seulement possible, mais qu’elle est en préparation pour 2023. Quand exactement? Aucune information à ce sujet n’a été confirmée. Avant de se lancer dans une offensive pour reprendre la Crimée, les forces ukrainiennes doivent encore gagner beaucoup d’autres batailles, rappelle The Economist. Toutefois, l’Histoire montre qu’il est “toujours difficile pour une puissance occupante de tenir la Crimée”. Les opérations militaires sur la péninsule font généralement des milliers de victimes. Rien qu’au cours du siècle dernier, des centaines de milliers de personnes ont perdu la vie dans des combats pour le contrôle de la Crimée.

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Image d'archive: des soldats russes en Crimée, en 2014.

Image d’archive: des soldats russes en Crimée, en 2014. © getty

Risque de “bain de sang”

Andrei Ryzhenko, ancien commandant de la marine ukrainienne, né en Crimée, estime qu’un certain nombre de conditions sont nécessaires au succès de l’opération. “Il y a un vrai risque que les événements se terminent par un bain de sang. C’est une opération qui peut tourner à la catastrophe pour l’Ukraine.” Le lieutenant Sabrodskyj, quant à lui, est convaincu que l’armée ukrainienne a mis au point une tactique efficace. “L’Ukraine n’a pas l’intention de mener une attaque frontale insensée contre la Crimée”, affirme-t-il fermement. Il existe d’autres possibilités “intéressantes” d’offensives combinées avec des forces terrestres, des débarquements par la mer et des frappes aériennes. “Nous allons les surprendre, encore et encore”, ajoute Sabrodskyj.

La Crimée se prépare

En Crimée, pendant ce temps, les autorités russes se préparent à une attaque terrestre, notamment en construisant de nouvelles tranchées. Dans plusieurs parties de la péninsule, l’état d’urgence a été déclaré. De plus en plus de Russes tentent également de fuir la péninsule. Mais pour l’Ukraine, la priorité absolue reste la destruction complète du pont terrestre reliant la Russie continentale à la Crimée.

Les alliés occidentaux, eux, réagissent avec prudence, en veillant à ne pas bafouer publiquement les ambitions militaires des Ukrainiens. Mais des ruptures dans la rhétorique semblent se dessiner. Par exemple, le général américain Mark Milley a récemment déclaré qu’une “victoire ukrainienne en Crimée est peu probable dans un avenir proche”. Rappelons également que l’Ukraine compte sur les États-Unis et leurs armes pour une éventuelle offensive en Crimée.

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Le président russe Vladimir Poutine visite le pont reliant la Russie à la péninsule de Crimée, le 5 décembre 2022.

Le président russe Vladimir Poutine visite le pont reliant la Russie à la péninsule de Crimée, le 5 décembre 2022. © via REUTERS

Résistance pro-russe

À Kiev, certains dirigeants politiques reconnaissent discrètement que la reconquête du Donbass et de la Crimée est beaucoup plus complexe qu’ils ne le laissent entendre publiquement. Lors des opérations militaires à Kharkiv et Kherson, l’Ukraine a pu compter sur un réseau d’informateurs. Mais le Donbass et la Crimée abritent de nombreux partisans pro-russes. Une opération de reconquête se heurterait probablement à la résistance des partisans du régime de Vladimir Poutine.

Selon Mykola Bielieskov, analyste à l’Institut national ukrainien d’études stratégiques, le président Zelensky est désormais lié par sa promesse de reprendre la Crimée. Avant même le succès des contre-offensives à Kharkiv et Kherson, les sondages montraient que plus de 84 % des Ukrainiens s’opposaient à toute concession territoriale à la Russie dans le cadre d’éventuelles négociations – des chiffres qui sont sans doute plus élevés aujourd’hui.

Souare Mansour

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