L’Europe propose un tribunal spécial pour juger le “crime d’agression” de la Russie en Ukraine
L’Union européenne a proposé mercredi la constitution d’un tribunal spécial, soutenu par l’ONU, pour juger spécifiquement du “crime d’agression” de la Russie contre l’Ukraine, et exposé ses pistes pour exploiter financièrement les avoirs russes bloqués ou gelés afin de dédommager les victimes.
« Nous proposons de créer un tribunal spécial, soutenu par les Nations unies, pour enquêter et poursuivre le crime d’agression de la Russie », a annoncé la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, dans un communiqué, en réponse à une demande de l’Ukraine. « On peut penser que beaucoup de choses seront déjà faites au niveau de la Cour pénale internationale (CPI) pour poursuivre les crimes de guerre et contre l’humanité », explique une source européenne. La CPI peut d’ailleurs elle-même juger du crime d’agression.
La Russie ne reconnaît pas la CPI
Mais pour qu’une juridiction pénale internationale soit en mesure de poursuivre des individus sur base d’un crime d’agression, le pays d’origine de ces personnes doit avoir accepté la juridiction de la CPI, ce qui n’est pas le cas de la Russie. « Il doit être possible d’envisager un tribunal spécialisé sur ce crime d’agression. Il faudra pour cela un accord international », selon cette source. La Commission envisage soit un tribunal ad hoc, soit un tribunal hybride (juges nationaux et internationaux).
Projet de résolution soumis à l’ONU
Un projet de résolution en ce sens serait soumis au Conseil de sécurité de l’ONU, qui probablement le rejetterait vu le veto russe. Il serait ensuite soumis à l’Assemblée générale. « Nous espérons convaincre, avec le temps », selon cette source. L’idée est donc bien d’ouvrir le débat au niveau international.
Exploitation des avoirs russes?
Dans son communiqué, Ursula von der Leyen assure la CPI de son soutien. La haute juridiction siégeant à La Haye enquête déjà sur les crimes de la guerre russe, en vue notamment de dédommager les victimes. À cet égard, la Commission propose d’utiliser les avoirs russes qui ont été bloqués ou gelés, à travers un mécanisme d’investissement. « Nous avons bloqué 300 milliards d’euros des réserves de la Banque centrale russe (BCR) et gelé 19 milliards d’euros de l’argent des oligarques russes. À court terme, nous pourrions créer, avec nos partenaires, une structure pour gérer ces fonds et les investir. Nous utiliserions ensuite les recettes pour l’Ukraine », a exposé Mme Von der Leyen.
Utiliser les bénéfices pour aider l’Ukraine
La question est particulièrement sensible pour les réserves de la BCR, qui bénéficient de l’immunité des États, explique une source européenne. Si dans un premier temps, une gestion active des réserves bloquées permettrait d’utiliser les bénéfices pour aider l’Ukraine, à plus long terme, vu le caractère temporaire des sanctions, il devrait être possible de lier à un accord de paix la restitution des actifs à la Russie – qui est une obligation légale – pour s’assurer que l’Ukraine obtiendra bien la compensation pleine et entière des dommages subis, selon cette source.
D’autres difficultés persistent
En pratique, d’autres difficultés persistent. Sur les 300 milliards de la BCR bloqués au niveau du G7 et de l’UE, cette dernière peine à identifier où se trouve cet argent, car certains États membres ne le notifient pas, ou insuffisamment, à la Commission. Quant aux 19 milliards d’euros d’actifs gelés aux oligarques ou à des entités privées, ils ne peuvent être confisqués sans avoir été rattachés à un délit, raison pour laquelle l’UE a instauré un délit pour violation des sanctions. « Pour l’heure, il est extrêmement difficile de calculer le produit de la confiscation qui sera possible », reconnaît une source européenne.