Migration circulaire : Trame de fond d’une autre forme d’immigration
Les
barques de l’immigration clandestine font plusieurs morts dans la
Méditerranée. Cela, malgré les campagnes de sensibilisation des États et
d’autres structures. L’Europe, encore considérée comme l’Eldorado, fait
rêver certains jeunes de la région Afrique en quête de mieux-être.
Pourtant, une autre forme d’immigration est possible.
En
effet, l’immigration circulaire instaurée par les États du Sénégal et
de l’Espagne porte ses fruits depuis 2019. Des preuves vivantes existent
et pourraient même être exhibées comme des trophées de réussite de
cette stratégie, avec comme trame de fond des contrats saisonniers dans
le domaine de l’agriculture.
Malick
Mbaye est le porte-parole de l’Association des saisonniers sénégalais.
Il a bénéficié d’un premier voyage en 2019 et est revenu trois mois
après au Sénégal. Retenu par la pandémie de Covid, il ne pourra
retourner en Espagne qu’en 2022 pour un autre contrat de trois mois. Il
n’était pas seul, mais avec des camarades au nombre de quinze. Ils ont
été sélectionnés dans les règles de l’art par l’ANPEJ et ont passé un
examen puis une formation de 15 jours pour procéder correctement dans
les champs et gagner une rémunération qu’ils jugent tous satisfaisante.
«Une
autre forme d’immigration est possible. Ce n’est plus une utopie. Nous
en sommes à deux voyages qui ont duré chacun trois mois et chaque fois
nous sommes revenus. Je suis satisfait en tant que sénégalais, autant
pour ce qui est de la rémunération que sur les conditions de vie. Nous
avons bénéficié de tout ce que les Espagnols ont. Par exemple, la
sécurité sociale, la prise en charge médicale, entre autres privilèges
de travailleurs», narre-t-il.
Pendant
leur séjour, comme pour signifier que le gouvernement sénégalais les a
accompagnés, il dira : «Une délégation de l’ambassade du Sénégal est
venue chez nous, dans la maison où on vivait, pour s’enquérir de nos
conditions de vie. C’est une preuve suffisante que le gouvernement ne
nous a pas lâchés. Quand on est revenu, quelques-uns d’entre nous ont
reçu un appui pour leur projet.»
Il
note, par ricochet, qu’ils sont tous des porteurs de projet. «Nous
travaillons dans le milieu rural. Je suis de la Casamance, prêt de
Diembering et j’ai un grand verger. Cette année, j’ai cultivé 30 ha
d’arachide. On peut travailler quels que soient les moyens. L’essentiel
est de faire vivre des projets porteurs de revenus».
Dans
la même dynamique, Cheikh Mané, Président de l’Association des
saisonniers du Sénégal, se veut être un modèle pour la jeunesse. «Nous
voulons renforcer et sécuriser le partenariat entre le Sénégal et
l’Espagne. Nous demandons l’augmentation du temps de travail qui n’est
que de trois mois, l’accompagnement dans le financement de projets
innovants, la mise en place d’un système d’apprentissage de la langue
espagnole facilitant les échanges et les rapports de travail».
La lancinante épreuve du retour en famille
Le
retour en famille était beaucoup plus dur pendant le premier voyage,
surtout que ces jeunes ont été retenus par la Covid pendant longtemps.
C’était très difficile. Il fallait survivre. Le Sénégalais ne peut pas
comprendre qu’un homme se rende en Espagne, fasse trois mois et
revienne pour ne rien faire parfois
«Mais
en 2022, quand on devait repartir, ils ont commencé à relativiser. Ils
ont compris ainsi que nous travaillons dans un projet solide qui va
perdurer et qui peut d’ailleurs servir à plusieurs jeunes Sénégalais»,
raconte un autre Cheikh aussi membre de cette cohorte qui a voyagé pour
la seconde fois.
«Il
n’y a rien de tel que vivre en Espagne avec les papiers requis, voyager
dans les règles de l’art. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons un vaste
projet de sensibilisation contre l’immigration clandestine. On avait
dit qu’il fallait revenir pour montrer qu’on est des responsables et que
nous portons le drapeau Sénégal. C’est l’honneur de notre pays qui
était en jeu», raconte-t-il.
Selon
le conseiller de travail en immigration et sécurité sociale de
l’ambassade d’Espagne, ce qui est intéressant dans cette affaire, c’est
que l’expérience de la migration circulaire est racontée par ses
acteurs, les migrants. Tout ceci est possible grâce aux gouvernements
espagnols et sénégalais.
Il
faut donc continuer avec le travail déjà amorcé et aller de l’avant. Et
pour cela, il faut l’appui de tous les partenaires, parce que «nous
sommes tous fils et fruits de migration. Nous ne devons jamais oublier
cette perspective dans notre travail».
L’ambassadrice
de l’Espagne au Sénégal adhère à cette thèse. Le projet d’immigration
circulaire commence à être une réalité, dit-elle. Cette année 17
travailleurs sénégalais se sont rendus en Espagne et sont tous revenus.
Ceci démontre, de l’avis d’Olga Cabarga Gomez, qu’une autre façon
d’émigrer est possible. Il y a donc une alternative à la migration
régulière et clandestine.
Depuis
2006 l’Espagne et le Sénégal ont conclu des accords sur le flux de
migrants. En plus en 2021, profitant de la visite du gouvernement
espagnol, des nouveaux accords ont été signés dans le cadre de
réglementer davantage les bases des flux migratoires légaux. L’idée
étant de régler les problèmes détectés. Un mémorandum d’entente dans le
domaine de la gestion et la gouvernance migratoire prévoit une
coopération avec l’établissement des mécanismes. Un protocole d’accord
est aussi signé sur le mouvement migratoire ordonné et régulier. Il
prévoit la mise en place d’un flux de migration qui va créer une
synergie entre les deux pays avec des partenariats stratégiques et
durables.
«Ces
jeunes qui ont respecté les accords sont à encourager et à montrer en
exemple pour les autres jeunes. Ils sont la preuve vivante qu’une autre
façon d’immigration est possible», a estimé l’ambassadrice.