Céréales : ce que l’on sait de l’accord signé entre l’Ukraine et la Russie
L’Ukraine et la Russie ont fini vendredi par
signer, avec la Turquie et l’Onu, l’accord sur l’exportation des
céréales ukrainiennes en mer Noire, lors d’une cérémonie inédite entre
pays en guerre, le vendredi 22 juillet à 15 h 30 (heure de Paris). Voilà
ce que l’on sait sur cet accord.
L’issue
de cette séquence diplomatique était incertaine. Mais vendredi 22
juillet, l’Ukraine et la Russie ont signé, à Istanbul, un accord
permettant d’exporter les céréales ukrainiennes bloquées dans les ports
de la mer Noire par la guerre, et qui font cruellement défaut aux
marchés mondiaux. Vingt millions de tonnes de blé sont bloquées en
Ukraine, soit 1 % de la consommation mondiale, selon Les Échos. Ce
blocage menace le monde, et l’Afrique en particulier, d’une lourde crise
alimentaire.
Kiev
et Moscou ont signé deux textes identiques mais séparés, à la demande
de l’Ukraine qui refusait de parapher tout document avec la Russie.
Les
quatre délégations se sont retrouvées dans l’enceinte du palais de
Dolmabahçe, sur le Bosphore à Istanbul, en présence du secrétaire
général des Nations unies Antonio Guterres, du président turc Recep
Tayyip Erdogan ainsi que des ministres turc et russe de la Défense et du
ministre ukrainien des Infrastructures, Oleksandr Kubrakov.
Voici
ce que l’on sait du contenu de cet accord, âprement négocié depuis deux
mois, quelques minutes après la cérémonie de signature tenue à 13 h 30
GMT (15 h 30, heure de Paris) au palais des sultans de Dolmabahçe, à
Istanbul.
Cet
accord, négocié avec Kiev et Moscou et encouragé par Antonio Guterres,
arrivé en urgence à Istanbul jeudi soir, doit permettre de soulager les
marchés mondiaux, les deux belligérants pesant à eux seuls 30 % du
commerce mondial de blé.
Des inspections au départ et à l’arrivée en Turquie
Des
couloirs sécurisés permettront le trafic des navires marchands en mer
Noire, dont Moscou et Kiev s’engagent à respecter la stricte
neutralité.
Kiev
estime que ses exportations pourraient commencer depuis trois ports –
Odessa, Pivdenny et Tchornomorsk –et espère pouvoir étendre leur nombre à
l’avenir.
L’inspection
des navires transportant les céréales constituait une exigence de
Moscou qui voulait s’assurer qu’ils ne délivreraient pas simultanément
des armes à l’Ukraine.
Ces
inspections n’auront pas lieu en mer, comme envisagé un temps pour des
raisons pratiques, mais se feront en Turquie, vraisemblablement à
Istanbul, qui dispose de deux importants ports de commerce, l’un à
l’entrée du Bosphore (à Haydarpasa, sur la rive asiatique d’Istanbul) et
l’autre sur la mer de Marmara (à Ambarli).
Conduites par des représentants des quatre parties, ces inspections auront lieu au départ et à l’arrivée des navires.
Des couloirs de navigation sécurisés
Les
négociateurs ont toutefois renoncé à débarrasser la mer Noire des mines
– principalement posées par Kiev pour protéger ses côtes –, faute de
temps. Mais les chargements seront escortés par des bâtiments ukrainiens
jusqu’à la sortie des eaux territoriales.
En vertu de l’accord, si un déminage est requis, il devra être réalisé par un « pays tiers » – autre que les trois impliqués.
Au
départ d’Ukraine, les navires seront escortés par des bâtiments
ukrainiens (probablement militaires), ouvrant la voie jusqu’à la sortie
des eaux territoriales ukrainiennes.
L’accord
est signé pour quatre mois et automatiquement reconduit. Si 20 à 25
millions de tonnes de céréales sont actuellement en souffrance dans les
silos des ports ukrainiens, et à raison de huit millions de tonnes
évacuées par mois, cette durée de quatre mois devrait suffire à écouler
les stocks.
Une contrepartie pour les céréales et engrais russes
Un
mémorandum accompagne cet accord, signé par les Nations unies et la
Russie, garantissant que les sanctions occidentales contre Moscou ne
concerneront pas les céréales ni les engrais, de manière directe ou
indirecte.
Il s’agissait là d’une exigence de la Russie qui en faisait une condition sine qua non à la signature de l’accord.
Un
premier round de négociations entre experts militaires des trois pays
concernés et de l’ONU avait eu lieu le 13 juillet à Istanbul, d’où avait
percé un certain optimisme. Mais il a laissé place à l’incertitude
après des exigences formulées en début de semaine par Moscou à l’issue
du sommet tripartite Iran-Russie-Turquie à Téhéran.
La
Russie a obtenu la garantie que les sanctions occidentales ne
s’appliqueraient pas, ni directement ni indirectement, à ses propres
exportations de produits agricoles et d’engrais.
« Même
si les produits [agricoles] russes ne sont pas concernés par les
sanctions, il y a des blocages concernant le transport maritime, les
assurances et le système bancaire », faisait valoir jeudi le ministre
turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu.
« Renforcer l’espoir »
Par
ailleurs, selon un diplomate à New York, les États-Unis ont offert des
garanties afin que des navires de gros tonnage soient fournis à la
Russie pour faciliter l’exportation de ses céréales et engrais.
Les
États-Unis avaient salué jeudi cet accord et exhorté Moscou à le mettre
en œuvre, prévenant qu’il revenait à la Russie, en responsabilité, de
le mettre en œuvre.
Le
patron de l’Onu a remercié la Russie et l’Ukraine qui ont « surmonté
leurs divergences pour faire place à une initiative au service de tous ».
Maintenant, l’accord « doit être pleinement mis en œuvre », a-t-il
plaidé.
Le
président Erdogan a reconnu qu’il n’avait « pas été facile » d’en arriver
là, et espéré que la signature de cet accord, qui intervient près de
cinq mois après le début du conflit, allait « renforcer l’espoir de
mettre fin à cette guerre ».
Selon
le Programme alimentaire mondial (PAM), 47 millions de personnes
supplémentaires sont exposées à « une faim aiguë » depuis le début de la
guerre.