Mali: soulagement à Bamako après la levée des sanctions de la CEDEAO
Je compte partir demain
mardi à Abidjan faire des achats ! » Commerçante à Bamako, Kadiatou
Coulibaly ne cache pas sa satisfaction de pouvoir retourner en Côte
d’Ivoire voisine après six mois, au lendemain de la levée de l’embargo
ouest-africain contre le Mali, puni après deux coups d’Etats.
Depuis
plusieurs mois, « ce sont les mêmes articles (dans les étals). Je suis
très contente pour la fin de l’embargo », affirme cette vendeuse de
pagnes et autres articles féminins, la quarantaine, aux Halles de
Bamako, un des plus grands marchés de la capitale malienne.
« C’est
un grand soulagement pour le secteur des transports. Tous les
chauffeurs ont repris après l’annonce de la levée des sanctions »,
renchérit Youssouf Traoré, président du Conseil malien des transporteurs
routiers (CMTR), dans ce pays enclavé et essentiellement dépendant des
échanges routiers avec ses voisins ouest-africains pour son
approvisionnement.
Les
dirigeants ouest-africains ont levé dimanche à Accra les sanctions
commerciales et financières décidées en janvier contre le Mali, au cœur
du Sahel, théâtre de deux coups d’Etat militaires en août 2020 et en mai
2021.
La
crise politique dans ce pays va de pair avec une grave crise
sécuritaire depuis 2012 et le déclenchement d’insurrections
indépendantiste et jihadiste dans le nord.
Les
colonels au pouvoir ont cédé à des exigences de la Communauté
économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) en publiant récemment
une nouvelle loi électorale et un calendrier prévoyant notamment une
élection présidentielle en février 2024, lors d’une transition limitée à
deux ans.
Les
sanctions individuelles et la suspension du Mali des organes de la
Cédéao restent cependant maintenues jusqu’au retour à l’ordre
constitutionnel.
La
levée de l’embargo était lundi le principal point de discussions au
grand marché de Bamako. Outre Abidjan, des commerçants affirment
envisager aller faire des achats à Dakar dont le port accueille une
partie des marchandises à destination du Mali voisin.
A une semaine de l’Aïd La
fin du blocus a lieu à moins d’une semaine de la fête musulmane de
l’Aïd al-Adha, prévue le 9 juillet au Mali où elle est appelée Tabaski,
traditionnellement une occasion de nombreuses dépenses.
La
commerçante Kadiatou Coulibaly envisage aller à Abidjan pour des achats
et « revenir les vendre pour la fête. Les femmes n’aiment que les
nouveautés ».
« Il
faut qu’on vende nos moutons à nos frères sénégalais et ivoiriens
avant! », déclarait récemment à l’AFP devant ses bêtes à Bamako un
vendeur de bétails, anonymement.
Le
Mali, fort d’un large cheptel et d’une importante population pastorale,
est un des premiers pourvoyeurs de bétail pour la sous-région.
Les
membres et responsables du Conseil malien des chargeurs se sont rués
lundi au siège de cette organisation dans le centre de Bamako.
« Nous
pensons qu’avec la levée de l’embargo, les activités économiques et de
transport vont » reprendre vers les pays ouest-africains, affirme M.
Traoré du CMTR.
« Nous
sortons d’une situation qui a fragilisé beaucoup d’entreprises »,
souligne Youssouf Bathily, président de la chambre de commerce et
d’industrie du Mali.
L’instabilité
et les sanctions ont entraîné « une révision à la baisse des estimations
de croissance du produit intérieur brut de 5,3% à 3,4% » pour 2022 « et
une détérioration des conditions de vie » au Mali, dont les importations
proviennent à environ 42% » des pays ouest-africains, souligne un récent
rapport de l’ONU.
A
cause des sanctions, des institutions comme la Banque mondiale et la
Banque africaine de développement avaient suspendu les décaissements
pour le Mali, également en défaut de paiement notamment sur le marché
financier ouest-africain.
« Pendant
l’embargo on a trouvé des solutions alternatives. Nous sommes passés
par (les ports de Nouakchott) et Conakry », pour contourner Dakar et
Abidjan. « Nos activités étaient arrêtées à 70%. Nous attendons
maintenant l’accompagnement de l’Etat dans la fiscalité pour bien
démarrer », ajoute M. Touré du CMTR.