Oumrah 2022, un pèlerinage hors de prix : les inquiétudes des voyagistes privés
Fortement touchés par la crise sanitaire, les voyagistes privés font face à la hausse des prix d’hôtels en Arabie Saoudite, des prix des billets…qui rendent cher le petit Pèlerinage 2022. Une équation pour les agences privées et les pèlerins.
Ils se sentent, à tort ou à raison, comme les plus grosses victimes de la crise sanitaire du Covid-19. Les voyagistes privés ont presque été privés d’activités. Certaines agences ont toujours la tête sous l’eau. Alors qu’elles avaient placé tout leur espoir dans l’organisation du petit Pèlerinage communément appelé ‘’Oumra’’, pour relancer leur business, elles sont loin d’entrevoir le bout du tunnel, avec une hausse de presque tous les services en Arabie Saoudite. Une situation qui impacte directement le prix des packages proposés aux pèlerins. Le petit pèlerinage 2022 est-il hors de prix ? Présidente de l’Agence Machallah Pèlerinage, Khourèye Thiam Preira reconnaît qu’effectivement, le prix des packages est en hausse, surtout en cette période de grand rush, avec le début du ramadan prévu en quelques jours.
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«Les billets sont excessivement chers et les hôtels sont passés du simple au double»
Moment
propice pour fructifier leurs affaires, le mois de Ramadan de cette
année pourrait ne pas être le même pour les voyagistes privés, qui
voient leurs clients leur signifier que leurs tarifs sont hors de prix.
Khourèye Thiam Preira: «Il y a une petite reprise qui s’est sentie.
Depuis pratiquement 7 à 8 mois, les agences qui font la Oumra avaient
repris leurs activités. Le mois de Ramadan était le moment pour faire le
plein parce qu’il y a beaucoup plus de monde. Mais actuellement, les
hôtels en Arabie Saoudite sont passés du simple au triple.» Le principal
problème, est selon Mme Preira, l’absence de vol Dakar-Arabie-Saoudite.
«En Côte d’Ivoire, il y a Emirates et Qatar Airways qui partent ainsi
que la Ram. Air Sénégal n’y va pas. La compagnie Emirates est pleine
depuis longtemps, mais les billets coûtent excessivement chers.
Ethiopian a repris récemment mais leurs billets sont excessivement chers
et il n’y a pas beaucoup de places. Malgré la cherté de ces billets, il
faut les prendre parce qu’il faut bien organiser, mais même avec ça, il
n’y a pas suffisamment de places. Le principal problème auquel on fait
face aujourd’hui, c’est l’absence de Turkish Airlines sur le marché et
Air Sénégal ne propose pas quelque chose. Nous aurions voulu que la
compagnie propose un vol spécial. Nous aurions aimé que la convention
signée avec Saudi Arabia avant la pandémie par le ministre des
Transports soit remise sur la table», explique en détails, Khourèye
Thiam Preira. Awa Kane Sourang, propriétaire de Eva Voyage, a les mêmes
préoccupations que Khourèye Thiam. Elle déplore : «Les prix d’hôtel
augmentent chaque jour. Les prix ont considérablement doublé. C’est dû à
une forte demande de la communauté internationale musulmane. Même pour
avoir la disponibilité au niveau des hôtels, c’est très difficile. C’est
un casse-tête terrible. Les Saoudiens font dans la surenchère. Nous
avons aussi un problème avec le transport aérien. Il n’y a que Emirates
qui part. Pour la Ram, c’est difficile d’avoir de la place parce qu’il
faut passer par Casablanca pour relier Médine ou la Mecque. C’est la
croix et la bannière pour avoir la place au niveau des compagnies.
Turkish Airlines est toujours black listée. Ethiopan ne fait pas Médine,
elle fait Jeddah. Aussi, le monsieur qui s’occupait des groupes est
décédé brutalement il y a deux semaines. Un coup terrible pour les
agences qui travaillent avec Ethiopian. Il nous reste Emirates et les
tarifs sont très chers. Il y a des problèmes pour avoir la disponibilité
souhaitée et demandée. Emirates nous impose des dates et ces dates
imposés aussi sont très chères. Dès fois les dates ne conviennent pas
aux hôteliers qui sont en Arabie Saoudite. Les prix montent chaque
jour.»
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«Des packages de 1,8 million à 7 millions FCfa»
Une flambée des
prix qui fait qu’il faut casquer fort si on veut faire une Oumra Vip.
Khourèye Thiam : «Il y a un grand rush, une forte demande internationale
et les prix ont flambé. Les packages tournent autour de 2,8 millions
FCfa à 5 millions FCfa et même 7 millions FCfa. Ce sont des packages de
15 jours en hôtel 5 étoiles, une pension complète et pour la Mecque et
il y a le billet inclus. Il y a toutes les charges et les taxes qui sont
inclus.» Mme Sourang de Eva Voyage, elle, propose trois packages. «Le
premier est à 1,850 million FCfa dans des hôtels 3 étoiles. C’est le bas
de gamme et ce sont les gens qui veulent aller à la Mecque juste pour
le côté spirituel. Le deuxième est de 2, 8 millions FCfa un hôtel 5
étoiles qui est derrière la Kaaba. Le troisième package qui est en face
de la Kaaba est à 3,8 millions FCfa. L’année dernière, nous avons fait
pour la Oumra ce package à 3,5 millions FCfa. En 2019 aussi, ce package
était à 3 millions FCfa. En business class avec Emirates, c’est du
simple au double. On peut avoir une différence tarifaire de 4 à 6
millions FCfa», détaille-t-elle, impuissante. Une impuissance ressentie
aussi au sein de l’Agence Abdoul Aziz voyage Tours, de Imam Abdoul Aziz
Ndoye. «Les taxes sont très élevées regrette-t-il. Au niveau de
l’avionneur, nous qui avons contacté Emirates, le premier prix était de
1,9 million FCfa, mais quand on s’est concerté, on a revu les prix. Il y
a 3 prix : 2, 8 millions FCfa, 2,6 millions FCfa et 2,1 millions FCfa.
On a essayé de s’adapter par rapport aux changements qui ne sont pas de
notre volonté. Pour l’hôtel Mariott, par exemple, qui est presque dans
l’enceinte de la Kaaba, il faut casquer au minimum 4 millions FCfa ou 6
millions FCfa, alors que pour le Pèlerinage, nous demandons 3 à 3,5
millions FCfa. Si aujourd’hui on se retrouve pour la Oumra avec des prix
très exorbitants avec 2,8 millions FCfa ou 3,2 millions FCfa, c’est que
c’est compliqué. Pour la Ziarra à Fès au Maroc, c’est 750 mille FCfa
par pèlerin, nous sommes obligés de revoir le prix à la hausse et c’est
maintenant 800 mille FCfa. Pour une semaine, le billet est de 346 mille
FCfa.»
Même dans le cadre du Renophus qui regroupe les voyagistes
privés, les problèmes persistent. Imam Ndoye : «On s’est accroché dans
le cadre d’un regroupement appelé Renophus, même s’il y a par ci et par
là quelques agences qui organisent elles -mêmes de manière isolée. Quand
on reste deux ans successifs sans organiser le pèlerinage et qu’on est
obligé de payer nos locaux, nos permanents, l’assistanat, le
secrétariat, l’électricité, l’eau et tout pendant deux ans, c’est une
lourde perte. Toute agence sérieuse qui se respecte ne pouvait pas
attendre jusqu’au mois de mars sans faire une réservation au niveau de
l’hébergement et à Médine, et la Mecque et à Mouna. Pour les blocs
siège, nous autres qui avions payé avec Emirates, faute d’avoir bloqué
les sièges, nous n’aurons pas de siège. Toutes les agences sérieuses
avaient déjà fait beaucoup de dépenses. Nous avons été sur les lieux et
nous avons vu que tout a augmenté surtout au niveau des taxes pour tout
achat de 5 à 10%. Les Tva, c’était de 5% et 10% maintenant. Eux aussi
ont souffert. La Mecque a beaucoup souffert du Covid. C’est une manière
pour eux de se relancer et ça a une incidence négative sur nos
services.» Avec ces prix jugés exorbitants, plusieurs pèlerins disent
selon Imam Ndoye préférer attendre le grand Pèlerinage. «Ils préfèrent
payer 4 millions FCfa pour le grand Pèlerinage que de payer 3,5 millions
FCfa pour la Oumra.» Ses propos sont confortés par Mme Sourang. «Les
gens appellent, mais sur 10 appels, seuls deux confirment. C’est un
problème économique. Les prix sont chers. Ils nous disent qu’ils
préfèrent attendre le grand Pèlerinage que de faire la Oumra avec plus
de 3 millions FCfa. C’est très difficile.» Un grand Pèlerinage prévu
dans quelques mois, mais les voyagistes privés n’ont pas encore reçu la
moindre information. «On nous a dit qu’il y aura le grand Pèlerinage
mais le Sénégal n’a toujours pas reçu son quota et nous sommes à 3 jours
du Ramadan. Notre agence bouclait sa liste à cette période, mais là on
ne peut pas avancer.»