“Jamais loin de la voiture…” : Ce reporter en Ukraine nous raconte son travail en pleine guerre
Le journaliste, présent depuis quelques jours dans la
région du Donbass, épicentre du conflit, a récemment été la cible de
trois tirs d’obus.
UKRAINE – La
situation ne cesse de s’aggraver. Trois jours après avoir reconnu
l’indépendance des territoires séparatistes prorusses de l’est de
l’Ukraine, le président russe Vladimir Poutine a annoncé ce jeudi 24
février une “opération militaire”, décrite comme une “invasion de grande
ampleur” par le ministre des Affaires étrangères ukrainien Dmytro
Kuleba.
De nombreux bombardements ont d’ores
et déjà été entendus à l’aube dans plusieurs villes du pays, dont Kiev,
Odessa ou encore Lviv.
Thibault Lefèvre,
journaliste chez France Inter, est présent sur place depuis quelques
jours. Joint par Le HuffPost, celui-ci rappelle que “ce conflit qui
oppose l’Ukraine et la Russie ne date pas d’hier”. “Le Donbass est en
guerre larvée depuis huit ans maintenant”, explique-t-il. “Il y a des
tranchées, des tirs de mortier réguliers sur différentes localités comme
Marinka ou Majorsk”, décrit-il.
Et à la
question de savoir si la prise de parole de Vladimir Poutine a pu
exacerber les tensions depuis lundi, il n’en est rien. “Vu d’ici sur le
terrain, les 2 millions de civils vivent avec la guerre depuis plusieurs
années maintenant”, livre-t-il. Même s’il y a peu de pertes humaines,
les gens font face à la menace permanente de subir des obus qui tombent
sur leur voiture, leur jardin ou encore leur maison. Donc finalement ce
discours de Vladimir Poutine est une péripétie supplémentaire”. Le
journaliste de Radio France n’en reste pas moins conscient des risques
qu’il prend. “On se retrouve parfois à 300 ou 400 mètres de la ligne
tenue par les séparatistes prorusses”, confie-t-il au HuffPost. “Là
évidemment c’est très risqué. Mais beaucoup moins lorsqu’on s’en éloigne
de quelques kilomètres”.
Pour tourner leurs
reportages, Thibault Lefèvre et son équipe font donc des
d’allers-retours rapides, “en évitant les heures les plus compliquées”.
“On tourne de manière plus efficace qu’un sujet qu’on réaliserait dans
une zone pacifiée”, détaille-t-il. Il développe: “On ne reste jamais
très loin de la voiture. Il faut qu’à chaque moment tu aies ta solution
de repli donc tu ne passes pas une demi-heure à interroger quelqu’un”.
Cible de trois tirs d’obus
Se
tenir à proximité de son véhicule, c’est d’ailleurs ce qui lui a
peut-être sauvé la vie ce lundi 21 février, alors qu’il venait d’arriver
à Novonativka, une petite ville proche de Donetsk. Le journaliste et
ses collègues ont été la cible de trois tirs d’obus, une mésaventure
qu’il a partagée sur son compte Twitter comme vous pouvez le voir
ci-dessous. “On était entre les séparatistes et
l’armée ukrainienne. En général, c’est quelque chose que tu évites de
faire mais là on cherchait spécifiquement des maisons qui avaient été
détruites depuis jeudi dernier”, nous raconte-t-il. Il développe: “On
avait fait trois heures et demie de route et on est arrivé un peu trop
tard. La nuit commençait à tomber et c’est à ce moment-là que les
combats redoublent d’intensité”.
D’après lui,
ces trois tirs d’obus, “tirés depuis la position de l’armée ukrainienne”
ont servi “d’intimidation”, afin qu’ils quittent la zone. “Le premier
tir te cible mais n’est jamais très précis, le second touche un peu plus
loin et le troisième est lui beaucoup plus proche”, relate-t-il. “Il
n’y a eu aucun projectile lorsqu’ils ont explosé. On en a déduit qu’ils
souhaitaient dégager le terrain en vue d’une offensive”.
Cependant,
impossible d’avoir le fin mot de l’histoire. “On a interrogé les
représentants de l’armée ukrainienne dans cette zone, ils ont nié avoir
tiré et ont chargé le camp d’en face car le village dans lequel nous
étions appartenait à l’Ukraine”.
L’armée
russe, qui vient de pénétrer ce jeudi sur le territoire ukrainien, dit
viser les sites militaires avec des “armes de haute précision”. Elle a
affirmé avoir détruit les systèmes de défense anti-aérienne et mis “hors
service” les bases aériennes de l’Ukraine. “Cette opération a pour but
de détruire l’État ukrainien, s’emparer de son territoire par la force
et établir une occupation”, a de son côté dénoncé le ministère des
affaires étrangères ukrainien.