MALI : Quel avenir pour la force antiterroriste Takuba ?
Après le départ du contingent danois,
annoncé jeudi 27 janvier, sur instance des autorités maliennes de
transition, et après l’escalade verbale de ces derniers jours entre les
dirigeants maliens, français et européens, quel avenir pour cette force
antiterroriste Takuba ?
Une
réunion a eu lieu vendredi matin rassemblant par visioconférence les
ministres de la Défense et des Armées des pays contributeurs de Takuba.
L’ordre du jour peut se résumer par cette simple question : comment
continuer dans ces conditions ?
Alors
aucune annonce, pas même de communiqué, à l’issue de cette réunion,
mais selon un conseiller de la ministre française des Armées, Florence
Parly, il s’agissait de poursuivre le cycle de concertation initié ces
derniers jours. Une dizaine d’échanges téléphoniques bilatéraux puis
cette réunion donc, qui a rassemblé la quinzaine de pays qui participent
à cette force européenne : la France, qui en est le leader, le
Danemark, qui vient de rapatrier ses soldats, mais aussi l’Estonie, la
République tchèque, l’Italie, la Belgique et d’autres.
La
force Takuba, ce sont environ 800 hommes, à ce jour, essentiellement
des forces spéciales envoyées par ces pays européens dans la zone des
trois frontières, Mali-Burkina-Niger, où sévissent notamment le Groupe
État islamique et le GSIM lié à al-Qaïda.
Un contexte qui se tendÀ
ce stade, le ministère des Armées explique que la position commune est
de poursuivre la lutte antiterroriste au Sahel. Mais sous quelle forme ?
Le dispositif actuel, articulé autour de la force française Barkhane,
peut-il être maintenu ? C’est la réflexion en cours et l’idée était ce
matin de recueillir les positions de chaque pays contributeur en vue
d’une décision collective.
Ces
derniers jours, un niveau de tension jamais égalé a été atteint. Cela
fait déjà des mois que les dirigeants français et maliens s’échangent
des amabilités, mais à présent d’autres pays sont impliqués. Le Mali
veut revoir ses accords de coopération militaire avec la France, des
propositions d’amendements ont été soumis au Quai d’Orsay, le 31
décembre.
À
présent, c’est avec l’ensemble des pays impliqués dans Takuba que le
Mali veut passer de nouveaux accords bilatéraux. C’est d’ailleurs le
nœud de l’épisode du contingent danois. Lundi, les autorités maliennes
de transition ont affirmé que les forces spéciales danoises avaient
débarqué à Ménaka, dans le nord du Mali, sans leur consentement. Il en a
découlé un jeu de communiqués successifs, du Mali, du Danemark, de
l’ensemble des pays contributeurs de Takuba : la conclusion, c’est que
l’invitation initiale du gouvernement malien ne suffit plus, que le
statut des forces déployées au sein de Takuba, le même que celui de la
force Barkhane, ne suffit plus non plus.
Une escalade verbale qui continue
L’objectif
de Bamako est en fait de reprendre la main sur la présence militaire
étrangère sur son sol, de mieux contrôler « qui fait quoi ». C’est une
question de souveraineté nationale. Un principe que les alliés
militaires du Mali ne contestent pas, mais l’épisode en question est
vécu comme une provocation et même comme une humiliation : le ministre
des Affaires étrangères du Danemark a dit « nous ne sommes pas les
bienvenus au Mali, nous ne l’acceptons pas ».
Et
il a décidé de faire rentrer au pays des soldats qui venaient à peine
d’arriver, et qui devaient contribuer à la lutte contre les groupes
terroristes. La veille, le Premier ministre malien Choguel Maïga avait
posé la question, dans les médias maliens : « ne sont-ils pas là pour
préparer quelque chose dans notre pays » ? Après quoi le chef de la
diplomatie danoise a dénoncé « le jeu sale » des autorités maliennes…
Il
y a aussi eu, bien sûr, les propos de Jean-Yves le Drian sur « la fuite
en avant d’une junte illégitime qui refuse le suffrage universel ». Et
la réponse de son homologue malien Abdoulaye Diop, qui dénonce des
propos « inacceptables […] emprunts de mépris », et demande que la
France « respecte le Mali en tant que pays ». Donc l’escalade verbale se
poursuit.
Les autorités nient toujours la présence du groupe Wagner
Le
Mali est aussi engagé dans un bras de fer avec les pays ouest-africains
de la Cédéao sur l’organisation de ses élections. Tout cela sur fond de
polémique autour de la présence de mercenaires russes du groupe Wagner
au Mali. Les pays occidentaux affirment qu’ils sont plusieurs centaines
déjà déployés au Mali. Bamako dément catégoriquement et dénonce une
campagne de dénigrement du Mali.
Officiellement,
que ce soit les Maliens, les Français, les Européens, tout le monde
assure vouloir maintenir le dialogue et la coopération, notamment en
matière de lutte antiterroriste. Mais tout le monde s’invective, et
finalement, c’est un peu à qui se sent le plus offensé par l’autre.
Dans
ces conditions, une réadaptation des dispositifs, pour le dire
pudiquement, semble inéluctable. Mais laquelle, et dans quelles
conditions, c’est tout ce qui est en train de se jouer en ce moment.