[Retro-2021] Affaire Sweet beauté, émeutes sanglantes : Le Sénégal a frôlé le pire en 2021 !
La paix et la
stabilité ont menacé de quitter le Sénégal au mois de mars dernier. Le
pays a vacillé suite à l’arrestation de Ousmane Sonko dans la cadre de
l’affaire Sweet Beauté qui a été le déclencheur d’une révolte sanglante.
Bilan : 14 morts, 600 blessés et des centaines d’arrestations. Seneweb
jette un coup d’œil dans le rétroviseur des émeutes sanglantes de mars
2021.
La
République a chancelé au mois de mars 2021. Le Sénégal, perçu comme un
oasis de paix dans un océan de terreur, n’a jamais été aussi proche de
l’abîme d’une révolte populaire dont l’étincelle est partie d’une banale
histoire privée ayant des répercussions nationales et internationales à
cause d’une politisation outrancière. Accusé de viols répétés sur une
masseuse de 20 ans (Adji Sarr) dans un salon dakarois (Sweet Beauté), un
soir de couvre-feu, le leader de Pastef, Ousmane Sonko, -opposant
gênant, depuis longtemps dans la ligne de mire du régime en place qui ne
cherchait que l’occasion rêvée pour en finir avec lui-, a été arrêté
sur le chemin du tribunal de Dakar alors qu’il déférait à la convocation
du juge du 8e cabinet.
Dans
cette affaire aux relents invraisemblables pour nombre de sénégalais,
l’implication de personnes proches du pouvoir (Me Dior Diagne, Me Papa
Samba So et Sidy Ahmet Mbaye), la précipitation dans laquelle ce dossier
a été diligenté aussi bien par le parquet que le juge d’instruction et
l’Assemblée nationale, ainsi que la puissance étatique mise au service
de la plaignante, semblaient créditer dès le début la thèse du complot
politique. Et la sortie du capitaine Seydina Oumar Touré (celui qui a
mené l’enquête) ainsi que le désistement spectaculaire du juge Mamadou
Seck, qui a lâché l’affaire en pleine instruction au défunt doyen des
juges Samba Sall, sont venus renforcer le doute chez de nombreux
Sénégalais.
Le
pays de la Téranga, longtemps chanté pour sa stabilité légendaire,
vacille ce mercredi 3 mars 2021. Arrêté et acheminé manu militari à la
caserne Samba Diéry Diallo où il est gardé à vue sur instruction du
désormais ex-procureur de la République, Serigne Bassirou Guèye,
tout-puissant maître des poursuites, Sonko devra aussi répondre du chef
de trouble à l’ordre public. C’est la goutte d’eau qui fit déborder le
vase. Des manifestations violentes s’ensuivent sur l’étendue du
territoire national. La mort par balle d’un jeune manifestant à Bignona
(Cheikh Ibrahima Coly), le lendemain 4 mars 2021, a mis de l’huile sur
les braises et les choses ont dégénéré sur l’étendue du territoire. Le
communiqué d’apaisement du gouvernement du 4 mars et les appels au calme
de l’armée n’arriveront pas faire baisser le thermomètre social qui a
complètement explosé.
Les domiciles des autorités pris pour cible
Cibles
des manifestants, les domiciles des autorités de l’Etat sont violemment
attaqués notamment la maison familiale de la première dame à
Saint-Louis, celle du ministre de l’Intérieur Antoine Diome à Khombole,
celle d’Aliou Sall à Guédiawaye, celle de Me El Hadji Diouf avocat
d’Adji Sarr, même le domicile du mégaphone du pouvoir Birima Ndiaye n’a
pas été épargnée par les vagues de Sénégalais en furie qui ont déferlé
sur les rues du pays. Plusieurs autorités de la République se sont
bunkerisés avec leur famille dans des hôtels et des maisons secondaires
pour sauver leur vie.
Les
jours passent mais la tension se ravive à chaque annonce de mort d’un
manifestant. La rue gronde de colère. L’économie est paralysée. La
sécurité et la stabilité du pays sont plus que jamais menacées par des
hordes de manifestants déchaînés que les forces publiques (police et
gendarmerie) n’arrivent plus à contenir. Lâché par les religieux
visiblement courroucés par son entêtement, le président Macky Sall n’a
jamais été aussi seul. Et son silence assourdissant cachait mal une très
grosse peur.
Attaque contre les magasins Auchan, paroxysme du sentiment anti-français
Cette
révolte politico-sociale exprimait, en toile de fond, une profonde
exaspération née de la crise de la Covid-19 et les nombreuses
restrictions et pertes d’emplois qu’elle a engendrées. Ce qui explique,
en partie, les attaques perpétrées contre des magasins Auchan, le géant
français de la grande distribution. Dans de nombreuses villes, ses
magasins sont totalement pillés et incendiés.
Des
faits qui traduisent également la montée en puissance, en Afrique de
l’ouest, d’un sentiment anti-français qui inquiète davantage l’ancienne
puissance coloniale dont l’omniprésence et sa mainmise dans de nombreux
secteurs de l’économie de la sous-région, font grincer des dents.
14 morts, 600 blessés et aucune poursuite
Au
bout de 5 jours de tensions sanglantes qui ont fait 14 morts, 600
blessés et des centaines d’arrestations, suite à une médiatisation de
religieux et de personnalités de la société civile, Ousmane Sonko sera
placé sous contrôle judiciaire par le doyen des juges, le défunt Samba
Sall qui a hérité du dossier après le désistement du juge du 8e cabinet.
Sorti ragaillardi de cet épisode, Sonko met en garde le pouvoir contre
une « deuxième vague plus dévastatrice ».
Pour
sa part, le président Macky Sall, visiblement soulagé du desserrement
de l’étau, sert un discours d’apaisement le 8 mars. « Je vous ai écoutés
et je vous ai entendus », lâche-t-il à l’attention du peuple. S’ensuit
une batterie de mesures notamment le lancement du programme d’urgence
pour l’emploi des jeunes (Xeyu ndaw gni) doté d’un budget de 450
milliards CFA sur la période de 2021-2023 avec à la clé le recrutement
prochain de 65 000 jeunes dont 5000 dans l’enseignement, 6000 à la
police et la gendarmerie, entre autres.
S’agissant
du dossier Sweet Beauté, il est toujours au point mort depuis le décès,
le 8 avril 2021, du doyen des juges Samba Sall. Un poste resté vacant
jusqu’à la dernière réunion du Conseil supérieur de la magistrature, en
novembre dernier. Reste à savoir si son successeur, le magistrat Maham
Diallo, agitera le sulfureux dossier.
Pour
les 14 morts et 600 blessés des derniers évènements, aucune poursuite
n’est encore enclenchée. Depuis que le gouvernement, via son ministre
des Forces armées, Sidiki Kaba, a annoncé, le 8 avril dernier, la
création d’une commission d’enquête indépendante, aucune action n’est
pour le moment entreprise. Cette commission, dont l’agenda n’est
toujours pas précisé, devra faire la lumière sur la présence ou non de
forces occultes parmi les manifestants ainsi que la présence de nervis
armés aux ordres de l’exécutif et situer les responsabilités. A signaler
que tous les manifestants arrêtés ont été relâchés conformément aux
exigences de l’opposition dans le cadre de la médiation.
Le
pire est à craindre en cas de réactivation du dossier. Même si le
président de la République jure que « ces évènements ne se reproduiront
plus ».