Violences dans les stades : Thierno Bocoum disserte sur «la violence encouragée…»
Quelques heures
après la sortie du chef de l’Etat, Macky Sall, lors du Conseil des
ministres dénonçant avec fermeté les violences dans les stades et
invitant ses ministres à prendre leurs responsabilités face à cette
situation, Thierno Bocoum a, quant à lui, pris sa plume pour dénoncer ce
qu’il qualifie de «violence encouragée».
Seneweb
vous livre en intégralité la réflexion du président du mouvement Agir
sur ce fléau qui tend à dégrader l’image du pays de la Téranga.
Une violence encouragée, une violence contagieuse, une violence dangereuse
En
condamnant «avec fermeté les violences notées ces derniers jours au
niveau de l’Arène nationale et lors des compétitions navetanes,
notamment à Rufisque et à Dahra Djolof», à l’occasion du Conseil des
ministres de ce mercredi 8 décembre 2021, le président Macky Sall semble
oublier que la violence est très souvent encouragée.
«La
preuve sociale» est un principe de psychologie sociale selon lequel un
individu ne sachant quoi faire ou quoi penser, aura tendance à adopter
le comportement ou le point de vue d’autres personnes.
Quand
la violence et son apologie sont banalisées dans un pays où l’oisiveté
gangrène les masses, il faut s’attendre à ce que cela soit adopté comme
une mode par les plus jeunes. Ceux qui en usent s’y enfoncent, ceux qui
la découvrent s’en délectent.
L’impunité
est le lit de la violence et elle reste la règle dans le camp du
président Macky Sall. S’occuper avec véhémence de la sanction contre la
violence perpétrée par les autres est une excellente chose, mais
éteindre la violence dans son propre camp est encore mieux. C’est ce
qu’on appelle donner l’exemple. Dissuader les recruteurs de nervis,
traduire en justice les présumés pilleurs de deniers publics, accélérer
les enquêtes sur les trafics de toutes sortes, sur la corruption… des
mesures urgentes et salvatrices à prendre.
Il
est difficile de sanctionner les siens, mais c’est la voie
incontournable pour distribuer de l’espoir dans la résolution des
conflits et la prévention de la violence.
Cette
responsabilité du chef de l’Exécutif doit cohabiter avec celle de tout
un citoyen pour que la violence sous toutes ses formes soit combattue.
Se
positionnant en renfort à des chapelles politiques, des apprentis
dictateurs de la pensée unique, de tous bords, exercent de la violence
autrement. Ils s’organisent sur les réseaux sociaux. Ils exercent une
violence inouïe sur d’honnêtes citoyens en se concurrençant dans
l’injure cynique, le mensonge tenace, la calomnie, la diffamation, la
délation… ils s’adossent sur une force de frappe virtuelle n’épargnant
ni guides religieux ni opposants.
Le
culte de la personnalité et de la pensée unique sont leur credo. Ils
sont encouragés et le plus souvent organisés par des états-majors
politiques qui suppléent l’argument technique et d’éthique à celui de
l’injure et de la calomnie.
De
même, les matchs de Navetane et les combats de lutte sont des occasions
de vendetta et de déploiement de petits chefs de guerre. Des corridors
sont tracés dans des zones conquises et des populations dépouillées de
leurs biens en toute aisance par la force du nombre et la quasi-évidence
de l’impunité. Le rôle des parents dans l’éducation est de plus en plus
délaissé. La présence de l’État comme gage de protection à travers ses
forces de sécurité est quasi-inexistante ou inefficace.
Au
Sénégal, de plus en plus, on apprend aux jeunes à s’adapter aux
langages orduriers, aux slogans de guerre. On ne condamne presque plus
la violence, on la justifie de mille manières. C’est le fait de leaders
d’opinion ayant accès aux médias qui pointent le curseur sur les
éléments de vulgarisation du mal chauffant les nerfs et suscitant
l’envie d’imiter. Le tout légitimé par un regain d’intérêt certain qui
fera le buzz, cette finalité vicieuse.
On préfère, le plus souvent, attiser le feu que d’arroser les germes de la paix.
Nous
perdons beaucoup de nos valeurs et laissons nos esprits s’abreuver de
haine et de mélancolie. Les cousinages à plaisanterie se meurent, la
sacralité des relations de voisinage s’efface, nos symboles détruits à
coups de hache verbale et de comportements regrettables …on se regarde
en chiens de faïence guettant la moindre occasion pour se rentrer
dedans.
Ah
cette paix que nous toisons ! Ils sont nombreux à avoir regretté de
l’avoir perdue un seul instant de leur vie. Cette grande richesse est
aujourd’hui bazardée et titillée par une bave débordante sans aucune
consistance éthique.
Nous
avons besoin de paix et de stabilité dans notre pays. Si nous devons
aller en guerre c’est pour maintenir la paix et la discipline sans quoi
rien de durable ne pourra être construit.
Les
multiples appels, à peine voilés, à la violence, galvanisant certains
innocents compatriotes sans cultures démocratiques, sans maîtrise des
enjeux, sans éducation, sans formation par la faute d’un État défaillant
et qui ne sont guidés que par le ventre et le paraître risquent
d’installer notre pays dans un cycle de violence infernale, sans aucun
contrôle. Nous aurions réussi à combattre l’injustice à travers le
chaos. Quelle incrédulité !
Il est temps de se ressaisir !
Le
Sénégal ne mérite que la paix. Nous devons la sauvegarder. Le reste
viendra à force de dissuasion, de persuasion et de combats démocratiques
adossés sur un large engagement citoyen.
Rien
ne se fera sans l’implication citoyenne des populations et rien ne peut
s’accomplir contre cette implication. Il faudra y travailler sans
relâche.
Suer dans la construction et oublier le simplisme de la destruction, devraient être notre leitmotiv.
Le
sens de la responsabilité devrait nous guider dans toutes les actions
que nous entreprenons au nom et pour le compte de notre pays.
Thierno Bocoum
Président du mouvement Agir