Le Sénat français se prononce largement contre les « thérapies de conversion » des personnes LGBT
Pratiques “barbares”,
“d’un autre âge”, “indignes”: le Sénat à majorité de droite s’est
prononcé très largement mardi en faveur de l’interdiction des pseudo
“thérapies de conversion”, pratiques visant à imposer l’hétérosexualité
aux personnes lesbiennes, gays, bi et trans (LGBT).
La
Haute assemblée a adopté en première lecture, après l’Assemblée
nationale, avec quelques modifications, une proposition de loi de la
députée LREM Laurence Vanceunebrock, soutenue par le gouvernement, qui
prévoit un délit spécifique contre les soi-disant “thérapeutes” ou
religieux qui prétendent “guérir” les homosexuels.305
sénateurs se sont prononcés en faveur de la proposition de loi, 28
contre, tous du groupe Les Républicains, dont leur chef de file Bruno
Retailleau. À l’Assemblée, elle avait été adoptée à l’unanimité.
Députés
et sénateurs vont maintenant tenter de s’accorder sur une version
commune du texte en commission mixte paritaire. En cas d’échec,
l’Assemblée nationale aurait le dernier mot.
Selon
la proposition de loi, “les pratiques, les comportements ou les propos
répétés visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou
l’identité de genre vraie ou supposée d’une personne, et ayant pour
effet une altération de sa santé physique ou mentale, sont punis de deux
ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende”.
La
sanction est portée à trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros
d’amende en cas de circonstances aggravantes, notamment lorsque la
victime est mineure, dépendante ou que l’auteur est un ascendant.
De
tels actes peuvent déjà tomber sous le coup de la loi, via les
violences volontaires, l’abus de faiblesse, l’exercice illégal de la
médecine, le harcèlement ou la discrimination. Mais il s’agit, selon la
ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de “mieux
identifier ce délit, mieux protéger les victimes et favoriser la
parole”.
“Nommer
le délit, c’est poser une interdiction franche et c’est reconnaître le
mal qui a été fait”, a renchéri la rapporteure centriste Dominique
Vérien.
“Combat d’arrière-garde”Contre
l’avis du gouvernement, les sénateurs ont précisé que ne doivent pas
être incriminées les personnes tenant des propos répétés visant à
inciter à la prudence avant d’engager un parcours médical de changement
de sexe. Pour la rapporteure, il s’agit de répondre aux “inquiétudes” de
parents et d’associations.
Mme
Moreno a jugé cette modification “inutile”. “Les conseils prodigués de
manière bienveillante et adaptée” ne sont pas concernés par le texte,
a-t-elle assuré.
Comme
en commission, le Sénat a rejeté les amendements portés par Jacqueline
Eustache-Brinio (LR) visant à supprimer du texte “l’identité de genre”,
jugée mal définie par la sénatrice.
Le
débat s’est quelque peu envenimé sur le sujet. “On n’a pas de leçon à
recevoir (…) on a le droit d’avoir des différences sur les analyses
sans être mis au ban”, s’est défendue la sénatrice du Val-d’Oise, sous
les critiques de la gauche de l’hémicycle.
La
socialiste Marie-Pierre de La Gontrie s’est “interrogée sur
l’obstination de la droite à vouloir mener un combat d’arrière garde”.
“Les postures idéologiques n’ont pas leur place dans un tel débat. Il
est question ici d’humains”, a affirmé la présidente du groupe CRCE à
majorité communiste Eliane Assassi.La
rapporteure comme la ministre ont fait valoir que la notion était
établie et déjà présente dans le code pénal. Mme Moreno a cité “Douna,
Louna, Nicolas, Tristan et Sacha”, “toutes des personnes transgenres”
qui se sont suicidées ces derniers mois “parce qu’elles ne supportaient
plus le rejet, la discrimination et le harcèlement”.
Il
n’existe pas en France d’enquête nationale permettant d’évaluer
l’ampleur du phénomène des “thérapies de conversion” qui peuvent prendre
une grande variété de formes.
Lors
d’une mission parlementaire de 2019, Laurence Vanceunebrock et
l’Insoumis Bastien Lachaud ont évoqué une “centaine de cas récents”,
s’alarmant de “l’augmentation des signalements”.
Ils
décrivent des traitements par “hypnose”, “hormones” voire
“électrochocs”, des dérives “religieuses” entre “appels à l’abstinence”
et séances “d’exorcisme” ou le recours aux “mariages forcés”
hétérosexuels.
D’autres
pays les ont déjà interdites explicitement: en Europe, Malte et
l’Allemagne, et plusieurs provinces en Espagne. Au Canada, un projet de
loi les interdisant a été adopté le 1er décembre par la chambre basse du
Parlement. Il doit désormais être approuvé par le Sénat canadien.