« Á nos magistrats, Forces de Sécurité et de Défense et chefs religieux ! » (Par Mody Niang)
J’ai beaucoup réfléchi
avant de donner un titre à ce texte. J’ai, en particulier, supprimé le
premier projet qui laissait l’impression d’une interpellation. Ce serait
très osé, prétentieux et peut-être même risqué de ma part d’interpeller
les compatriotes à qui il est destiné. Je peux par contre, je crois,
m’adresser à eux pour leur exprimer la vive inquiétude du citoyen, à eux
sans qui rien ne peut se faire dans ce pays, en matière de gouvernance
du pays tout au moins. Nous vivons une situation de plus en plus lourde
de dangers. Les événements de mars 2021 comme ceux de la journée du
mercredi dernier ont été des signaux forts, malheureusement lus à sa
manière par l’homme qui nous gouverne depuis le 2 avril 2012. Il est
responsable, pour l’essentiel, par ses actes et propos de tous les
jours, des lourdes menaces qui pèsent sur la stabilité de notre pays. Je
précise bien, pour l’essentiel, car l’opposition pourrait y avoir sa
part de responsabilité.
Oui,
pour l’essentiel, cet homme est la cause de tous nos malheurs. Nous ne
connaîtrions sûrement jamais les événements qui menacent aujourd’hui
notre stabilité et notre démocratie, s’il avait respecté les engagements
pour lesquels 65% de nos compatriotes lui avaient donné avec
enthousiasme leurs suffrages le 25 mars 2012. Il serait alors un
président de la République respecté pratiquement de tous et de toutes,
même par l’opposition qui n’aurait pas le choix. Au contraire, il a
tout, tout renié vraiment et nous laisse de plus en plus l’image d’un
président indigne de la fonction et, partant, peu respectable et de
moins en moins respecté. Qui peut respecter ce président-là, s’il
confronte ses engagements et actes d’hier à ceux aujourd’hui ? Puisque
dans notre pays on est prompt à oublier, rappelons quelques-uns de ces
engagements !
Commençons
par son discours du 3 avril 2012 ! Il y déclarait notamment ceci,
s’adressant à ses pauvres compatriotes qui comptaient vraiment sur ce
jeune né après les indépendances : « Gouverner autrement, c’est bannir
les passe-droits, le favoritisme et le trafic d’influence ; c’est mettre
l’intérêt public au-dessus de toute autre considération et traiter tous
les citoyens avec la même dignité et le même respect. En outre, l’État
et ses démembrements réduiront leur train de vie tout en restant
performants. Ainsi, afin de rationaliser nos dépenses budgétaires,
éviter la dispersion de nos faibles moyens et revenir à l’orthodoxie
administrative, j’ai décidé de ramener au strict minimum nécessaire la
pléthore des agences nationales. Et, s’agissant des missions à
l’étranger, le Premier Ministre veillera avec soin à leur opportunité, à
la taille et à la durée de séjour des délégations. J’ai également donné
des indications précises pour la rationalisation de notre carte
diplomatique. »
Nous
ne nous attarderons pas ici. Nous laissons le soin à nos compatriotes
de la diaspora d’apprécier, eux qui vivent avec nos ambassades et
consulats. Les différents fonctionnaires du Ministère des Affaires
étrangères apprécieront eux aussi, en fonction de ce qu’ils vivent tous
les jours. Pour ce qui est de la taille, de l’opportunité et de la durée
de séjour des délégations, son tonitruant voyage à Dubaï et l’actuel à
Paris avec Abdoulaye Mbaye « Peex » à ses côtés nous dispensent de nous y
attarder.
Notre
président-politicien – c’est ce qu’il est devenu ou qu’il était même
avant – poursuit son adresse à ses pauvres compatriotes :
«
S’agissant de la gouvernance économique, je serai toujours guidé par le
souci de transparence et de responsabilité dans la gestion vertueuse
des affaires publiques. Je mets à ma charge l’obligation de dresser les
comptes de la Nation et d’éclairer l’opinion sur l’état des lieux. Je
compte restituer aux organes de vérification et de contrôle de l’État la
plénitude de leurs attributions ». Ëskëy !
Arrêtons-nous
un peu ici ! Nos magistrats, nos policiers et nos gendarmes (à un
certain niveau de responsabilités) à qui je m’adresse ici, savent
parfaitement qu’il nous a raconté des histoires sur toute la ligne. Il a
plutôt mis en hibernation tous les corps de contrôle comme l’Inspection
générale d’État, la Cour des Comptes et l’Autorité de Régulation des
Marchés publics, dont des rapports gisent, lourdement écrasés sous son
terrible coude, symbole visible, parmi de nombreux autres, de sa
gouvernance meurtrie. Nombre de ces rapports mettent gravement en cause
des hommes et des femmes qui gravitent en toute tranquillité autour de
lui. De nombreux autres de l’OFNAC, plus de trente, s’accumulent sur la
table du Procureur de la République, sans qu’aucun d’eux n’ait jamais
été traité, en tout cas pas à la connaissance du commun des mortels.
Revenons
à l’adresse du président-politicien à ses pauvres compatriotes ! Il
ajoute, donnant l’impression d’être vraiment sérieux dans ses
déclarations : « Dans le même sens, l’assainissement de l’environnement
des affaires et la lutte contre la corruption et la concussion me
tiennent particulièrement à cœur. À tous ceux qui assument une part de
responsabilité dans la gestion des deniers publics, je tiens à préciser
que je ne protégerai personne. Je dis bien personne.» Ëskëy !
Comment
cet homme-là a-t-il le courage de nous regarder les yeux dans les yeux,
bientôt dix bonnes années après cet engagement « solennel » ? Je me
pose vraiment cette question. « Je ne protègerai personne, je dis bien
personne ». Des balivernes, encore des balivernes, comme à son habitude.
Il a pris publiquement la défense de Cheikh Oumar Hanne, ancien
Directeur général du COUD, qui traîne un lourd dossier de l’OFNAC.
C’était, on s’en souvient bien, le 31 décembre 2018, après son adresse à
la Nation. Ce jour-là, non seulement il a défendu énergiquement celui
qui a acheté un kilogramme de niébé à 4500 francs, mais est allé jusqu’à
mettre en doute les prérogatives de l’OFNAC. Il n’a pas en tout cas
protégé Khalifa Ababacar Sall, accusé d’avoir mal géré la caisse
d’avance de la Mairie de Dakar, mis en prison après un procès
fast-track.A-t-il détourné, oui ou non, un milliard huit cent millions
de francs ? Je n’en sais rien. En tout cas, même s’il était coupable, je
comparerais son délit à un poulet, alors que ceux« présumés » de Cheikh
Hanne et de nombreux autres « présumés » délinquants autour du
président-politicien, ont au moins la taille d’un éléphant. Cela, les
juges, les gendarmes et les policiers le savent parfaitement.
Donc,
quand il prétend que « la lutte contre la corruption et la concussion
(le) tient particulièrement à cœur », il se moque encore de nous. En
réalité, pendant toute sa gouvernance meurtrie de neuf longues années
déjà, il s’est plutôt érigé en père nourricier de ces deux maux et de
nombreux autres, qui plombent terriblement le développement de notre
pays.
Nous
n’en terminerons pas avec le discours du 3 avril 2012, sans rappeler
ces autres engagements : « Au Gouvernement, je donne mission de traduire
en actes la forte aspiration au changement massivement exprimée le 25
mars. Cette occasion historique constitue pour nous tous, un nouveau
départ pour une nouvelle ère de ruptures en profondeur dans la manière
de gérer l’État au plan institutionnel et économique. C’est pourquoi, je
tiens à ce que toutes les femmes et tous les hommes qui m’accompagnent
dans l’exécution du contrat de confiance qui me lie au peuple,
comprennent et acceptent que cette mission ne crée pas une catégorie de
citoyens privilégiés, au-dessus des autres et de la loi.Au
contraire, cette charge se décline en un sacerdoce sans ambiguïté : il
est question de servir et non de se servir. Déjà, comme vous le savez,
j’ai décidé de ramener à cinq ans le mandat de sept ans pour lequel je
suis élu sous l’empire de l’actuelle constitution. »
Ces
engagements méritent-ils vraiment qu’on s’y attarde ? Je ne le crois
pas. Je laisse seulement le soin à nos lecteurs et d’abord à nos
magistrats, policiers et gendarmes d’apprécier. Je n’oublie pas nos
chefs religieux qui s’attacheront, s’il y a lieu, les services de
talibés-traducteurs.
Je
ne me limiterai pas à l’adresse du 3 avril, même si ce texte est déjà
long. Il s’agit de rappeler à mes compatriotes, et avant eux à nos
magistrats, gendarmes, policiers et chefs religieux (si toutefois ils
ont oublié) qui est réellement cet homme qui nous gouverne depuis le 2
avril 2012. Des déclarations qui rassurent, il en a fait et refait.
Ainsi, le 14 juin 2012, il a accordé une longue interview à Béchir Ben
Yahmed, alors Directeur général de l’hebdomadaire Jeune Afrique. C’était
lors du deuxième Conseil des Ministres décentralisé à Kaolack. Á
l’occasion, il s’était laissé aller sans retenue à son jeu favori. Aux
questions qui lui étaient posées, il avait notamment répondu :
«
…) La rupture n’est pas qu’un slogan. C’est un comportement, celui que
les dirigeants de ce pays doivent adopter. Humilité, sobriété et rigueur
doivent régir notre action politique. Je vous assure qu’il s’agit bien
là d’une rupture, profonde, avec les pratiques en vigueur sous mon
prédécesseur… AVEC MOI, TOUT VA CHANGER. J’AI RENONCÉ À DEUX ANS DE
POUVOIR, en ramenant le mandat présidentiel de sept à cinq ans et en
m’appliquant immédiatement cette mesure, comme je m’y étais engagé. J’ai
tenu, pour la première fois dans l’histoire de ce pays, à déclarer
publiquement mon patrimoine, malgré les polémiques entretenues à dessein
par mes adversaires. Visiblement, il vaut mieux ne rien publier et
cacher son patrimoine, cela attire moins de problèmes. À la fin de mon
mandat, je ferai le même exercice, et l’on pourra comparer. »
Je
passe sur les autres engagements pour ne m’arrêter qu’à celui-ci : «
J’ai tenu, pour la première fois dans l’histoire de ce pays, à déclarer
publiquement mon patrimoine (et), à la fin de mon mandat, je ferai le
même exercice, et l’on pourra comparer. » Il est réélu depuis le 27
février 2019 et nous attendons qu’il se prête au même exercice pour nous
permettre de comparer. Il raconte encore des histoires. Il sait
parfaitement qu’il n’ose pas s’y prêter. On n’a vraiment pas besoin
d’être dans le secret des dieux pour savoir que son actuel patrimoine
n’a rien à voir avec le premier.
Notre président-politicien dont la parole ne vaut plus un kopeck fera aussi cette réponse :
«
Les Sénégalais ont réclamé une gouvernance plus vertueuse, plus
éthique. Nous avons L’OBLIGATION DE RENDRE DES COMPTES, de RÉDUIRE LE
TRAIN DE VIE et les dépenses naguère somptuaires de l’État. J’ai, par
exemple, pris la décision de vendre le second avion de la présidence.
J’AI AUSSI TROUVÉ UN GOUVERNEMENT COMPOSÉ DE 38 MINISTRES EN ARRIVANT,
ET JE L’AI RAMENÉ À 25. C’est désormais l’un des plus réduits d’Afrique,
et je vous assure qu’il aurait été plus simple pour moi de distribuer
plus largement les maroquins. Enfin, j’ai décidé de mettre fin à un
certain nombre de projets qui n’ont que très peu d’incidence sur le
développement du pays et illustrent un gaspillage de nos ressources dont
les Sénégalais ne veulent plus. »
Je
ne commente pas, je n’apprécie pas. J’en laisse le soin à mes
compatriotes et, en particulier, à nos magistrats, gendarmes et
policiers qui en ont vraiment les moyens, eux qui n’ignorent presque
rien de ce qui se passe dans ce pauvre pays.
Pour
confondre davantage ce politicien pur et dur qui préside
malheureusement aux destinées de notre pays depuis de longues, de très
longues années, je rappelle quelques autres déclarations, les mêmes sans
conviction qu’il a faites lors d’un voyage au Burkina Faso en juillet
2013([1]). Il recevait alors la communauté sénégalaise dans ce pays. Il
déclarera ainsi :
«
Il faut que les gens comprennent que désormais, ceux qui ont des
responsabilités doivent s’attendre à en rendre compte demain, à
commencer par le président de la République lui-même. Les ministres, les
directeurs généraux, chacun, selon son niveau de responsabilité, doit
s’attendre à rendre compte des moyens qui sont mis à sa disposition et
de ce qu’il en a fait. »
Je
ne rêve pas, c’est bien lui qui a fait cette fameuse déclaration. Ce ne
sera pas tout d’ailleurs : à une question d’un journaliste sur la
réalisation de « ses » infrastructures, il répondra :
«
Ma première mission n’est pas de construire des routes, autoroutes et
ponts, mais de reconstruire l’Etat de droit. Or l’Etat de droit, on va
l’apprécier de façon immatérielle. L’Etat de droit, ce sont des valeurs,
des principes. ; c’est l’égalité des citoyens devant la loi, la lutte
farouche contre la corruption. »
État
de droit, valeurs, principes, égalité des citoyens devant la loi, lutte
farouche contre la corruption ! Cet homme-là a-t-il vraiment le courage
d’en parler ? Je me garde de répondre à cette question et en laisse le
soin à d’autres, en particulier à mes éminents compatriotes. Oui,
toujours à eux.
Voilà
pour les engagements sans lendemain de notre président-politicien,
choisis parmi de très nombreux autres ! Aucun Sénégalais, aucune
Sénégalaise ne doute de ce qu’ils sont devenus, mes éminents
compatriotes encore moins. C’est ce président-là, je ne peux pas
l’appeler autrement, qui a été à Paris ces jours derniers, à bord de
notre avion et qui va dépenser notre argent pendant son certainement
coûteux séjour ; c’est ce président-là qui a choisi de s’adresser à une
catégorie de Sénégalais, pour en menacer une autre, flanqué d’un
Abdoulaye Mbaye « Peex ». C’est ce chef de l’Alliance pour la république
(APR) et de la coalition Bennoo Bokk Yaakaar qui se bombe le torse et
veut nous convaincre qu’on ne le menace pas. Nous le connaissons quand
même assez. N’est-ce pas lui qui pleurait devant le Khalife général des
Mourides de l’époque, Serigne Bara Mbacké, craignant d’être mis en
prison par le vieux président-politicien qui l’accusait de blanchiment
d’argent ? Il se vante, avec sa coalition, d’avoir fait « efficacement »
face aux manifestants de mercredi dernier. Ils n’ont aucun mérite. À
eux seuls, et sans les forces du Général Moussa Fall et de l’Inspecteur
général Seydou Bocar Yague à la fidélité desquels ils comptent, ils
auraient fui comme des lapins.
Il
reste à cet homme moins de trois ans pour boucler son deuxième et
(normalement) dernier mandat. Cependant, tout indique qu’il va se
hasarder à solliciter un troisième mandat, convaincu qu’il peut compter
sur une justice plus ou moins compréhensive, une police et une
gendarmerie bien équipées, un conseil constitutionnel qui ne lui fera
pas défaut, une administration territoriale toujours prête à jouer le
jeu, et des chefs religieux dont on connaît la « fidélité » aux régimes
en place. S’il sait, malgré tous ces « atouts », qu’un troisième mandat
n’est pas possible, il va travailler à réunir ce qu’on appelle la
famille libérale d’où sortira un candidat susceptible de gagner
l’élection présidentielle de février-mars 2024 et de lui « assurer les
arrières », à lui comme à sa famille. Ils en auront vraiment besoin.
Macky
Sall réélu ou, si ce n’est pas possible, Idrissa Seck, Karim Wade ou
quelqu’un d’autre de la famille du vieux président-politicien élu en
février-mars 2024 ! Ce scénario-catastrophe ne devrait être en aucun cas
encouragé par les personnes et les institutions que j’ai citées un peu
plus haut et qu’il considère à tort ou à raison comme ses soutiens
indéfectibles. Cette famille dite libérale, composée de délinquants et
de délinquants « présumés », aura gouverné notre pauvre pays pendant
vingt-quatre longues années en février 2024. Ce sera déjà trop et il
est, il devrait être impensable qu’ils aillent au-delà. Ils devraient,
au contraire, débarrasser le plancher jusqu’au dernier, jusqu’à la
dernière.
Dans
ma contribution qui a pour titre « Vingt-quatre ans, ce sera déjà trop
pour eux et elles en 2024 », je me suis employé à démontrer que, si nous
vivions dans une démocratie avancée, avec des institutions solides et
bien au-dessus des gouvernants, nombre d’hommes et de femmes de cette
famille pourraient se retrouver en prison. Je renvoie le lecteur
intéressé, et peut-être mes éminents compatriotes, à cette contribution,
publiée par WalfQuotidien du 26 février et l’Exclusif du 1er mars 2021,
ainsi que par au moins quatre sites, et dont j’assume totalement le
contenu. Je peux l’envoyer à qui me la demande, et à l’adresse qu’il
m’aura indiquée.
Nous
courons derrière la bonne gouvernance depuis le 1er mars 1962. N’est-il
pas enfin temps que notre pays y accède ? Notre justice, nos Forces de
Défense et de Sécurité comme l’ensemble de nos autres institutions n’ont
pas le droit de nous en empêcher, en suivant le président-politicien et
ses acolytes dans leur rêve fou qui pourrait brûler tout notre pays.
Dieu nous en garde !