Sondages de l’Elysée: prison ferme requise contre Claude Guéant
Au procès des sondages
de l’Elysée, l’accusation a requis mardi un an de prison dont six mois
ferme contre l’ancien secrétaire général de la présidence Claude Guéant,
ainsi que des peines allant de l’amende à un an ferme pour quatre
autres anciens proches de Nicolas Sarkozy.
Depuis
le 18 octobre, cinq ex-membres du cercle rapproché de l’ancien chef de
l’Etat doivent s’expliquer à la barre du tribunal de Paris sur des
millions d’euros dépensés en conseil politique et en sondages pour la
présidence entre 2007 et 2012.
Au
cours d’un réquisitoire de près de trois heures, le parquet national
financier (PNF) a fait valoir que ces contrats, attribués sans publicité
ni appel d’offres, devaient être sanctionnés comme du favoritisme au
plus haut sommet de l’Etat. “Le code des marchés publics doit
s’appliquer sur l’ensemble du territoire français, y compris au 55 rue
du Faubourg Saint-Honoré”, l’adresse du “Château”, a souligné le
procureur financier François-Xavier Dulin.
“Rôle central”Bras
droit du président et “grand manitou de l’Élysée”, Claude Guéant a eu
un “rôle central dans les infractions”, a estimé le PNF, requérant sa
condamnation pour favoritisme et détournement de fonds publics par
négligence, avec en plus 10.000 euros d’amende.
L’accusation
a aussi pointé la “disposition toute particulière” de ce “grand commis
de l’Etat” à “dire tout et son contraire” au cours des investigations,
“une vraie disposition de délinquant chevronné”.
Le
ministère public a par ailleurs requis deux ans d’emprisonnement dont
un an ferme et 100.000 euros d’amende contre l’ex-conseiller Patrick
Buisson, ainsi que 550.000 euros d’amende contre ses deux sociétés,
Publifact et Publi-Opinion. Le politologue, qui murmurait alors à
l’oreille de Nicolas Sarkozy, a “généré des profits en s’affranchissant
de la règlementation en vigueur, ou pire, en détournant des fonds
publics”, ont estimé les magistrats.
En
tant que “conseiller extérieur”, il a été rémunéré environ 32.000 euros
par mois, soit “plus que le président de la République” payé 19.000
euros, selon les calculs du PNF, qui a estimé que le contrat signé en
2007 par sa société Publifact était un “stratagème” pour “accaparer les
fonds publics”.
Pour
le PNF, entre 2007 et 2009, Patrick Buisson a acheté 235 sondages à des
instituts, ensuite revendus à l’Elysée avec des marges “indues” et
“exorbitantes” allant de 65 à 71%.
L’ancien
patron du journal Minute, absent au procès pour des raisons de santé,
faisait en sus une “confusion totale” entre son patrimoine et celui de
ses sociétés, ont ajouté les procureurs, demandant qu’il soit aussi
reconnu coupable d’abus de biens sociaux pour avoir fait supporter à ses
deux sociétés environ 180.000 euros de frais personnels sur six ans.
“Dossier emblématique”Pour
le ministère public, l’autre conseiller Pierre Giacometti, qui a fondé
en 2008 sa société de conseil après avoir quitté Ipsos, “s’est servi de
l’Elysée pour lancer son entreprise”. Il doit être condamné à six mois
d’emprisonnement avec sursis et 70.000 euros d’amende et sa société,
rebaptisée No Com, à une amende de 250.000 euros, selon le PNF.
Le
ministère public a en outre requis 500.000 euros d’amende pour recel de
favoritisme contre l’institut de sondages Ipsos, principal bénéficiaire
des commandes réalisées directement par le cabinet de l’Elysée, sans
aucun contrat, entre 2007 et 2009.
“Comportement délinquant”L’accusation
a en revanche été plus clémente pour celle qui fut directrice de
cabinet de l’Elysée, Emmanuelle Mignon, qui a eu un “comportement
délinquant” mais aussi une “ambition réformatrice qui ne peut être
contestée”: une peine de 10.000 euros d’amende a été demandée.
Enfin,
5.000 euros d’amende ont été requis contre l’ex-conseiller technique
“opinion” Julien Vaulpré, simple “cheville ouvrière de l’infraction de
favoritisme”. Plus tôt dans l’après-midi, l’avocat de l’Agent judiciaire
de l’État, Renaud Le Gunehec, a demandé que Patrick Buisson et ses
sociétés soient condamnés à payer “à minima” 1,4 million d’euros de
dommages et intérêts, le montant des sommes retenues par l’accusation au
titre des soupçons de détournement de fonds publics.
L’avocat
d’Anticor a sollicité 100.000 euros pour l’association, qui a “porté le
fer juridique et judiciaire” pendant “dix ans”, dans un dossier
“emblématique”, qui “parle de démocratie, d’éthique, de probité”. Le
procès s’achève mercredi, avec les plaidoiries de la défense. La
décision devrait être mise en délibéré.