Tourisme / Gorée: Une reprise qui fait des heureux
La Covid-19 a
durement touché l’économie sénégalaise dans sa généralité. Elle a été
encore plus difficile à vivre pour ces personnes ayant des activités
économiques au sein de l’île de Gorée qui vit principalement des
ressources générées par le tourisme. Ils poussent un ouf de soulagement
depuis que l’île à rouvert ses portes. Seneweb est allé à leur
rencontre.
Une
vingtaine de minutes, c’est le temps qu’il faut pour rejoindre Gorée à
bord d’une chaloupe. Fermé depuis mi-mars aux non résidents, à cause de
la Covid-19, l’île revit depuis sa réouverture totale. En témoigne les
nombreuses personnes descendant de l’embarcation en provenance de Dakar.
Entre les baigneurs et ceux qui profitent des mets proposés dans les
restaurants aux alentours, l’ambiance est au beau fixe. Trouvée assise à
une table du restaurant chez Polo, Aissatou Sow, gérante des lieux,
bien que réjouie de la venue des touristes, affirme que ce n’est pas
encore le grand rush. « En général, les touristes occidentaux célèbrent
les fêtes de fin d’année en famille. C’est après le 25 décembre qu’ils
commencent à venir », dit-elle plein d’espoir. Pour tenter d’apporter
une belle expérience de l’île à ses visiteurs, des guides touristiques
louent leurs services. Kenza Sall est l’une d’entre eux; elle se
présente d’ailleurs comme la seule femme effectuant cette activité sur
l’île. Tous les jours, elle quitte Keur Massar pour Gorée et elle est
bien contente de reprendre son travail. « C’est une bonne chose que
l’île soit rouverte aux touristes. C’était dur, très dur quand l’île
était fermée car l’activité principale de ce lieu est le tourisme »,
dit-elle.
Cap
à présent sur le lieu qui fait la réputation de Gorée dans le monde, la
tristement célèbre Maison des esclaves. Cet incontournable de l’île
voit plusieurs visiteurs franchir le seuil de sa porte chaque jour. Là
aussi, c’est une activité économique qui redémarre. L’endroit était
resté fermé quelques temps en plus malgré la réouverture de l’île le 10
octobre 2021. Outre l’acquittement de frais d’entrée, un service visite
guidée est proposé aux personnes désireuses d’avoir amples informations
sur l’histoire de ce lieu. Et c’est l’affaire de ces hommes et femmes
postés à l’entrée de la maison moyennant une somme bien définie.
Un retour timide
Ne
souhaitant pas témoigner sans l’aval de leurs supérieurs,
l’enthousiasme se lit tout de même sur leurs visages en les voyant faire
leur travail avec passion. L’endroit appel au recueillement. Comme
Roger Kalulu, étudiant congolais, méditant devant la porte du voyage
sans retour. « C’est la première fois que je viens ici. On ressent toute
la souffrance de nos ancêtres, c’est une expérience à vivre »,
raconte-t-il. Non loin de là, la tristesse de cette maison est vite
oubliée grâce à une musique de type zouk résonnant dans la ruelle. En
suivant la mélodie, on retrouve le maître des lieux, Pierre Senghor dit
Napo, assis autour d’une table avec ses amis sirotant leurs boissons. Il
a fermé ses portes pendant un an et demi, revoir les touristes le
réconforte. « Les affaires marchent tout doucement mais on rend grâce à
Dieu. Il vaut mieux être ouvert que fermé, la fermeture est quelque
chose de glauque, de nombreuses personnes ne s’y retrouvent pas », pense
le gérant. En empruntant les sentiers de l’île, faits de ciment et de
galets, on retrouve dans chaque rue des artisans posés sur les
trottoirs. De fabricants de colliers aux vendeurs d’instruments de
musique en passant par les artistes peintres, les touristes ont
l’embarras du choix pour l’achat d’un souvenir de l’île. Sur l’allée qui
mène à la colline le Castel, célèbre pour ses canons, des artistes
peintres y exposent leurs œuvres.
Le sourire retrouvé des commerçants et des visiteurs
C’est
le cas de Modou, qui se frotte les mains depuis la réouverture de l’île
aux touristes occidentaux. Pendant sa longue période d’inactivité,
l’homme a pu joindre les deux bouts grâce à l’altruisme d’un de ses amis
expatrié. « Quand le Corona venait d’arriver, j’avais énormément peur,
je ne sortais pas de chez moi. J’ai un ami qui vit en Europe et qui
m’envoyait beaucoup d’argent durant cette période », raconte-t-il avec
gratitude. En montant cette Coline, on retrouve à mi-chemin des stands
de ventes d’objets artisanaux. À côté de l’un de ces stands, posée sur
une chaise, Nafissatou Diouf, commerçante et habitante de Gorée revient
sur la période sombre vécue sur l’île : « c’était comme un cimetière, tu
pouvais parcourir plusieurs kilomètres sans rencontrer une personne. À
présent, le fait de revoir du monde nous redonne goût à la vie même si
on ne vend pas comme avant. » Pour sa part, elle affirme avoir tenu bon
grâce durant tout ce temps grâce à ses économies. Même sur la colline,
les activités économiques s’y déroulent. Ibrahima Barry habite dans sa
maison avec vue sur l’île depuis plusieurs années, il est artiste
peintre. Pour lui aussi, le business ne tourne plus comme avant d’autant
plus qu’il éprouve des difficultés à écouler son stock d’œuvres datant
de plusieurs années déjà. « Les tableaux que vous voyez exposés ont été
faits avant le Corona, il y en a même qui ont deux ans. Certains
avaient passé des commandes, malheureusement, la pandémie est apparue et
a stoppé la démarche. Si on les vend, on pourra acheter de nouveaux
matériels et en refaire de nouveaux », évoque l’artiste.
Le
soleil se couche, les non-résidents forment des rangs sur le quai pour
attendre la chaloupe devant les ramener à Dakar. Dans cette file, Omar
partage sa joie « J’ai trouvé les lieux fantastiques. C’est la deuxième
fois que je reviens depuis 2012. L’émotion est palpable sur cette île
surtout à la Maison des esclaves ». Après 30 minutes d’attente, la
chaloupe arrive. Suite à l’embarquement, nombreux sont ceux qui jettent
un dernier regard sur Gorée avant de profiter du vent marin frais sur le
trajet du retour à Dakar.
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