Accès aux ressources économiques : Le calvaire continu pour les femmes
Lors d’une table ronde
organisée hier, par le Think Tank Wathi, les panélistes ont mis à nu les
obstacles qui se dressent devant l’accès des femmes aux ressources
économiques.
L’accès
des femmes aux ressources économiques est un véritable casse-tête, au
Sénégal. Dans les villages, souligne le Dr Chérif Samsedine Sarr, il y a
de réels problèmes pour les femmes d’accéder au foncier. «Dans la
vallée du fleuve Sénégal, par exemple, un rapport de l’IPARS montre que
les femmes ne détiennent que 10 % des ressources foncières. Comparée au
taux de représentativité des femmes dans les travaux champêtres, compte
tenu de toutes leurs potentialités, cette part est vraiment très
insignifiante. Et elle reflète bien les difficultés auxquelles font face
les femmes dans ce domaine».
Revenant
sur les raisons de cette mise à l’écart, l’expert croit que c’est
surtout d’ordre sociologique et historique. Fondateur du Réseau des
volontaires pour l’autonomisation économique des femmes par
l’autofinancement, il donne un cas pratique rencontré dans le cadre de
ses activités.
«Nous
avons rencontré, dit-il, le cas d’un village où les femmes ont un
périmètre qu’elles exploitent effectivement. Il y a un partenaire qui
était venu les accompagner avec un financement de l’ordre de 50 millions
F CFA. Il a alors demandé des papiers qui prouvent que les terres
appartiennent effectivement aux femmes. La famille qui leur avait prêté
les terres a dit non ; il n’était pas question de propriété. C’était un
prêt. C’est ainsi que les femmes ont perdu cette opportunité. Cela
montre que nous avons effectivement un problème».
En
fait, explique l’expert, dans la conscience de certaines sociétés, la
femme, puisqu’elle est appelée à se marier, si on lui donne une terre,
cela quitte le patrimoine de sa famille d’origine pour enrichir celui du
mari. «C’est pourquoi on préfère mettre à sa disposition des terres,
mais qui ne lui appartiennent pas. Parce que ce serait une perte pour la
famille d’origine», a indiqué l’expert lors d’une rencontre organisée
par la Wathi.
Dans
la même veine, les participants ont dénoncé les difficultés des femmes à
accéder aux mécanismes publics de financement des acteurs économiques à
cause de leur caractère ‘’élitiste’’ et ‘’partisan’’.
D’après
les dernières statistiques parcourues par le Dr Sarr, il n’y aurait pas
moins 300 systèmes financiers décentralisés dans le pays. «Dans toutes
les localités, on a ces SFD qui s’implantent soi-disant pour accompagner
les femmes. Or, les offres ne répondent pas du tout aux besoins des
femmes qui sont au bas de la pyramide et qui n’ont pas beaucoup de
moyens. Elles n’ont même pas besoin de gros financements. Elles
demandent juste entre 100 000 et 150 000 F CFA. Elles sont obligées de
recourir à ces SFD, parce que n’ayant pas d’alternative. Il y a un réel
problème d’adéquation entre les offres des SFD et les besoins des
femmes».
Pour
sa part, la présidente de l’Union des femmes cheffes d’entreprise,
Nicole Gakou, a estimé que ces outils de la microfinance œuvrent plus à
la paupérisation des femmes qu’à leur procurer des solutions. «Je ne
suis pas de ceux qui encouragent les femmes à aller chercher des
financements dans le système des microfinances. C’est la paupérisation
des femmes. C’est un cercle vicieux qui a perdu beaucoup de femmes. Tant
qu’on ne réfléchit pas d’une manière plus globale, il est difficile de
sortir de ces difficultés d’accès au financement», a-t-elle plaidé.