Surproduction, mévente : 8 milliards de FCfa de perte dans la filière carotte
S’il y a un secteur qui
agonise, c’est bien celui de l’horticulture, notamment la filière
carotte. La moisson est bonne mais les acheteurs aux abonnés absents.
C’est du moins la révélation faite à Seneweb, par les acteurs établis à
Fass Boye dans la zone des Niayes. Les producteurs imputent les
difficultés à l’Etat qui semble faire la sourde oreille face au cri de
cœur des paysans de la zone des Niayes qui peinent à stocker et vendre
les productions.
«
Nous avions vécu une campagne de carotte très difficile parce qu’on on
pouvait même parler de surproduction, parce que nous attendions 30 à 35
mille tonnes mais nous avions obtenu 45 mille tonnes de carotte. Ce qui
fait que vraiment le prix a beaucoup baissé; finalement les producteurs
avaient des problèmes pour vendre le produit. C’est un échec de la part
de nos autorités, parce que si on avait des infrastructures adéquates
comme des chambres froides, des magasins de stockages ou bien même des
centres de transformation, on pourrait au moins conserver ce surplus et
essayer de le revendre sur le marché et au moins éliminer définitivement
les importations », confient les producteurs.
«
Le surplus est estimé à 15 mille tonnes parce que la consommation
mensuelle du Sénégal c’est 2500 tonnes et l’interprofession a fait 45
mille tonnes l’année dernière », explique Maodo Samb, secrétaire général
de l’Association des producteurs maraîchers de Fass Boye et président
de la commission commercialisation au niveau de l’Interprofession
carotte du Sénégal (Ipac)
Des déboires avec les institutions financières
Les
professionnels de la culture de la carotte sont exposés à des
poursuites judiciaires. Beaucoup d’entre eux ont contracté des prêts
auprès des banques. Le remboursement des crédits est quasiment
impossible à cause de la mévente des productions. « Nous avons des
difficultés pour rembourser nos crédits et finalement toutes les
institutions financières ne font plus confiance aux producteurs de
carottes. Aucune institution financière n’a accepté d’octroyer un crédit
aux producteurs de carottes parce que, si toutefois tu produis de la
carotte en quantité et en qualité, mais tu ne peux vraiment pas écouler,
la suite coule de source ».
Les
producteurs vendent à 90 francs mais sur le marché, le prix est à 250
francs Cfa. Pourquoi? » s’interroge Maodo Samb qui indexe les
intermédiaires qui pourrissent la chaîne. « Ce sont les intermédiaires
qui sont à l’intérieur. J’ai parlé tout à l’heure du processus de la
commercialisation. D’abord ce sont les champs, après ce sont les
Bana-bana au niveau du marché local. Après ce sont les distributeurs au
niveau national ensuite les semi-distributeurs puis les tabliers. Donc
toute cette chaîne là est très longue et chacun veut mettre un prix pour
en bénéficier », constate-t-il.
«
Nous avons dénoncé l’importation parce que l’objectif du Sénégal et la
vision du président Macky Sall dans le cadre du plan Sénégal émergent
c’est l’autosuffisance du Sénégal en carottes, en légumes etc. Mais
nous, de notre côté, c’est la carotte. Nous pouvons alimenter le marché
national en quantité suffisante, en qualité irréprochable à un prix
abordable 12 mois sur 12 parce que nous produisons 9 mois sur 12. Et le
surplus, si on avait des chambres froides, des unités de conservation,
on pourrait conserver notre production pour une durée de trois mois
après le reverser dans le marché et cela va au profit de la population
sénégalaise » martèle le président de l’Ipac .
« L’Etat ne tient pas ces promesses »
Il
poursuit : « Si toutefois vous remarquez qu’après la production locale,
si l’importation est libre sur le marché, le kg de carottes quitte 150
francs Cfa jusqu’à 500 voire 700 frais Cfa et c’est sur le dos des
consommateurs. Nous sommes tous des Sénégalais, il faut qu’on nous aide
pour qu’on puisse vraiment assurer l’approvisionnement correcte du
marché 12 mois sur 12 et ainsi éliminer l’émigration clandestine parce
que la terre est là ; donc il faut que vraiment nos autorités étatiques
fassent quelque chose pour nous aider afin qu’on puisse vraiment gagner
notre vie dans le maraichage », lance-t-il.
Il
rappelle que ces problèmes ne sont pas une nouveauté. « L’année
dernière, les producteurs avaient même organisé des marches un peu
partout au niveau du littoral. Finalement c’est le ministre du Commerce
qui avait fait le déplacement pour faire des promesses. Ce que nous
demandons à nos autorités c’est de respecter leurs promesses et
d’encadrer les producteurs. Normalement, avec cette production, on
devrait gagner 12 à 13 milliards de franc Cfa mais finalement on s’est
retrouvé avec 4 milliards de franc Cfa, parce que le prix varie entre
250 et 90 francs le Kg », regrettent les acteurs de l’Ipac.