Seras de Pikine : Insalubrité, pollution sonore, le calvaire des populations de la cité Darou Salam
Situé à quelques
encablures du marché central au poisson de Pikine, le foirail de
Dalifort (encore appelé Seras) est reconnu pour la vente de bovidés.
Béliers, bœufs, cabris autant d’espèces animales à des prix à la portée
de tous. Mais la présence de cette activité commerciale est
problématique pour les habitations aux alentours. Du fait des odeurs
insupportables provoquées par les excréments de ces animaux et le
vacarme incessant des bergers et consorts, les résidents peinent à
trouver la quiétude. Seneweb a fait un tour dans ce lieu de commerce
insalubre devenu une hantise pour les riverains.
Entre
les animaux mouillés, recouverts de boues et les flaques d’eau, les
traces de la dernière pluie sont encore présentes au Seras. L’indicateur
le plus révélateur du passage de cette averse est sans aucun doute le
pétrichor nauséabond, qui intensifie la puanteur issue du mélange de
fèces et d’urine de ces bovidés. Ces derniers sont entassés dans des
enclos. Ils se tiennent debout sur une surface qui s’apparente à de la
terre mais qui est en réalité l’accumulation de plusieurs années de
matières fécales animales.
Leurs
propriétaires s’activent plus dans la vente que dans leur entretien. Si
bien qu’en sillonnant cet endroit, on peut très souvent tomber sur des
charognes de mouton en plein milieu de troupeaux. Au centre de cette
foire, une sorte de fosse où l’on rejoint le bas en empruntant des
escaliers a été construite. La cavité est remplie d’immondices. Les
bergers l’utilisent pour leurs différents besoins naturels faute de
toilettes publiques à disposition. Non loin, dans un abris de fortune,
des bouchers proposent un service »dépeçage » pour les clients
désireux. Une activité qui accentue l’odeur pestilentielle de l’endroit.
Il faut avoir les tripes biens accrochées pour circuler ici.En
parlant d’estomac, il y a une activité qui a mis le Seras en lumière:
la vente de viandes grillées communément appelées »Dibiteries ». Et ce
n’est pas l’aromate d’urine et d’excréments qui vont décourager ces
amateurs de viandes grillées. Ils sont nombreux à s’y rendre chaque jour
pour raffoler de ce mets, dès fois sur place.
Les victimes silencieuses
Juste
à côté de ce foirail, se trouve la cité Darou Salam. Les citadins ne
partagent pas la gaieté de leur voisinage. C’est le cas pour cet homme
qui a emménagé il y a quelques semaines au troisième étage d’un immeuble
faisant face au Foirail. Il témoigne sous couvert d’anonymat : »Le
bâtiment dans le lequel nous vivons est tout le temps détérioré. À
chaque fois qu’une personne entre dans l’immeuble, elle apporte
involontairement de la boue. Ce qui nous pousse à nettoyer tout le
temps. Mais à force de le faire, on s’épuise. J’ai même dit à ma femme
qu’il y a de fortes chances que l’on déménage dans les prochains
jours ». Leur cadre de vie subit la loi de leurs voisins. Les odeurs
émanant du bétail et de leurs excréments ne sont pas en reste.
»Imaginez que vous nettoyez votre intérieur de fond en comble et qu’une
odeur venant de l’extérieur s’invite dans votre demeure. Il n’y a rien
de plus douloureux » nous confie Marie Jom, voisine du premier
intervenant.
Un
autre mal vient s’ajouter à ce lot de désagrément. La pollution sonore.
Elle est causée non seulement par le bêlement des ruminants et le monde
qui s’active autour d’eux mais surtout par les camions apportant les
nouvelles bêtes. Ce vacarme incessant irrite Jibril Ndong domicilié à la
cité Darou Salam : »Les camions sont tout le temps présents. Dès fois
ils sont là à partir de 4 h du matin. Je peux même dire qu’il y a au
moins 15 camions qui viennent ici par jour. On ne dort plus. Quand ils
déchargent les moutons, c’est dans le bruit le plus total. Les manœuvres
crient et tapent sur les camions pour orienter les chauffeurs ». Ces
citadins, souhaitent que ces points de vente soient cloisonnés afin que
les odeurs puissent être contenus. Par ailleurs, ils disent craindre
aussi pour leur sécurité avec la forte affluence que connaît le Seras
chaque jour. La mairie de Dalifort Foirail appelée à la rescousse
Bien
loin de ce vacarme ambiant se trouve la mairie de la commune de
Dalifort Foirail. Mamadou Mbengue, l’actuel maire avoue que le Seras est
un chantier colossal. »C’est un problème que j’ai hérité. Je suis en
train de réfléchir sur les moyens de mettre un terme à cette situation.
C’est un véritable problème environnemental et sanitaire. Et même pour
la clientèle, le milieu nécessite d’être aménagé » confie le maire. La
commune a essayé à son échelle de mettre en place des projets pour
tenter de lutter contre cette pollution environnementale. »On a recruté
une soixantaine de jeunes. Ils nettoient les artères de la commune dont
le Seras. Mais c’est insuffisant, car, l’endroit est un domaine privé.
Donc, il nous faut beaucoup de moyens pour venir à bout de ce problème.
Et nous sommes actuellement en train de chercher des financements. Et
concernant la pollution sonore provoquée par les camions, on ne peut pas
faire grand chose. Vu que ce sont ces engins qui approvisionnent le
marché », évoque le maire qui prévoit par ailleurs de construire un
marché de viande au niveau de Sogas. Les moyens de la mairie étant
limités, le salut pourrait venir de l’État. Dans le cadre du projet Ter
(Train Express Régional) des aménagements ont été effectués au niveau du
Daral (Petits ruminants) avec la construction d’un réseau
d’assainissement pour permettre aux eaux de pluie de circuler et le
renforcement de l’éclairage public. D’après le maire, un projet
d’envergure, commandité par le gouvernement pourrait mettre un terme au
calvaire des populations. En effet, l’État prévoirait de délocaliser le
Foirail de Pikine à Diamniadio.