En Equateur, des affrontements dans une prison font au moins 116 morts
Alors que les violences meurtrières se multiplient depuis des
mois, le président Guillermo Lasso a décrété « l’état d’exception » dans
toutes les prisons du pays.
Le
président de l’Equateur, Guillermo Lasso, a décrété, mercredi 29
septembre, l’état d’exception dans toutes les prisons, au lendemain d’un
nouveau massacre entre gangs rivaux dans un centre pénitentiaire du
sud-ouest du pays, qui a fait plus d’une centaine de morts.«
Les bilans nous disent qu’il y a 116 morts et près de 80 blessés. Tous
sont des détenus », a déclaré le président équatorien lors d’une
conférence de presse à Guayaquil. Un précédent bilan émanant des
services pénitentiaires (SNAI) faisait état de plus de 100 morts et 52
blessés. Ces derniers affrontements, les plus meurtriers cette année,
ont eu lieu dans le vaste complexe carcéral de Guayas, à Guayaquil,
ville portuaire et carrefour commercial.
Après
l’annonce de ce nouveau bilan, le président Lasso a déclaré avoir «
décrété l’état d’exception dans tout le système carcéral au niveau
national », alors que les prisons équatoriennes sont depuis des mois le
théâtre de violences récurrentes entre groupes criminels liés au trafic
de drogue. « A Guayaquil, je présiderai le comité de crise chargé de
coordonner les actions nécessaires pour contrôler l’urgence, en
garantissant les droits de l’homme de toutes les personnes impliquées »,
a déclaré M. Lasso.
En juillet, le chef de
l’Etat avait déjà décrété l’état d’urgence dans les prisons, après la
mort d’une vingtaine de détenus dans un nouvel accès de violences. Il
avait alors promis « un processus de restructuration total du système
carcéral », remplaçant le directeur de l’administration pénitentiaire
par un militaire. L’état d’exception marque une étape supplémentaire
dans l’action des autorités et une prise en main directe du sujet par le
chef de l’Etat.
Des dizaines de familles dans l’attente
La
police a annoncé être de nouveau prête à intervenir dans la prison « en
raison d’une alerte sur de possibles nouveaux affrontements entre
bandes criminelles ». Selon le général Fausto Buenano, qui a dirigé les
opérations pour reprendre le contrôle des bâtiments, les victimes
portaient des « impacts de projectiles d’armes à feu et d’éclats de
grenades », tandis qu’au moins six des prisonniers ont été décapités.
Mercredi,
policiers à cheval et militaires surveillaient l’extérieur du complexe,
où des dizaines de personnes cherchaient des informations sur leurs
proches emprisonnés. « Nous voulons des informations parce que nous ne
savons rien de nos familles, de nos enfants. J’ai mon fils ici », a
déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) une femme qui n’a pas révélé son
identité.
Cette nouvelle émeute vient rappeler
que la crise carcérale perdure en Equateur, conséquence des rivalités
meurtrières entre gangs de narcotrafiquants liés aux redoutables cartels
mexicains de Sinaloa et de Jalisco Nueva Generacion, expliquent les
experts.
Deux des gangs qui soutiennent ces
cartels comptent environ 20 000 membres en Equateur, estime la police.
La violence est devenue quasi-permanente dans les prisons de ce pays de
17,7 millions d’habitants, situé entre la Colombie et le Pérou, les
principaux producteurs mondiaux de cocaïne, et utilisé comme une zone de
transit pour l’expédition vers les Etats-Unis et l’Europe.
Saisies record de drogue
«
Quelque 3,5 milliards de dollars [3 milliards d’euros] par an sont
blanchis en Equateur », où « les institutions publiques sont gangrenées
par la corruption », rappelle à l’AFP Fernando Carrion, expert en
sécurité. Près de 116 tonnes de drogues, principalement de la cocaïne,
ont été saisies entre janvier et août 2021, contre un record de 128
tonnes en 2020.
« Il y a une crise carcérale
depuis 2010, avec une moyenne de vingt-cinq homicides par an, mais elle
s’est considérablement accélérée depuis 2017 jusqu’au pic de cette année
», estime M. Carrion. Un tiers des détenus « provient d’organisations
criminelles liées au trafic international de drogue », précise cet
expert.Lire aussi En Equateur, des détenus rendent leurs armes et s’engagent pour la paix dans une prisonAvant
les violences de mardi, le nombre de prisonniers qui s’étaient
entretués derrière les barreaux en Equateur depuis le début de l’année
s’élevait à 123, selon la Commission interaméricaine des droits de
l’homme (CIDH), qui s’appuie sur les chiffres officiels équatoriens.
A
la mi-septembre, l’un des bâtiments du pénitencier de Guayas avait été
la cible d’une attaque de drones chargés d’explosifs depuis l’extérieur
de l’établissement, qui n’avait pas fait de victime mais illustrait la «
guerre entre cartels internationaux », selon les autorités. Le système
pénitentiaire équatorien compte près de soixante-cinq prisons et quelque
39 000 détenus, pour une capacité d’environ 30 000 places, soit une
surpopulation de 30 %.