Mali : La France menace de se retirer si des mercenaires russes du groupe privé Wagner sont déployés
À la demande de la junte au pouvoir, les paramilitaires russes du groupe privé Wagner sont sur le point d’intervenir au Mali. Un déploiement qui ne plaît pas du tout à la France. Paris menace en retour de retirer ses forces du pays.
Officiellement, Wagner
n’existe pas. Le fonctionnement de cette société privée russe, son
financement, tout est opaque. Wagner, c’est plusieurs milliers de
paramilitaires, on ne sait pas combien. À l’origine, des anciens de
l’armée ou des services de sécurité russes, aujourd’hui de toutes les
nationalités. Des soldats de l’ombre, très bien payés pour former des
armées officielles mais aussi pour se battre, et parfois mourir, dans
les conflits où la Russie est engagée, sans toujours l’avouer.
On
les voit pour la première fois en 2014 dans l’est de Ukraine, au côté
des séparatistes russes, alors que Moscou dément toute implication
militaire. On parle d’eux en Syrie, en 2015, quand Vladimir Poutine
soutient Bachar el-Assad : ils sont de toutes les grandes batailles
symboliques comme la reprise de Palmyre. Là encore, le Kremlin fait
semblant de ne rien savoir.
Wagner
serait pilotée par un oligarque proche de Vladimir Poutine, Evgueni
Prigojine. Un milliardaire de Saint-Pétersbourg au passé de gangster,
qui a fait fortune dans la restauration de luxe avant de se diversifier
dans l’exploitation minière, gazière et pétrolière en Afrique et au
Moyen-Orient. Un homme sulfureux qui s’est aussi lancé dans les
batailles d’influence numérique : sa Research Agency est une immense
usine à troll régulièrement accusée de campagnes de déstabilisation
numérique en occident, notamment lors de l’élection de Donald Trump aux
États-Unis.
L’Afrique, nouvelle terre d’influence russe
Depuis,
leur terrain d’action s’est étendu, notamment sur le continent
africain, là où la Russie place ses pions : Soudan, Mozambique, Libye,
Centrafrique… À chaque fois des soupçons, des témoignages, quelques
scandales mais jamais de confirmation officielle. Aujourd’hui, leur
lobbying vise le Mali. Rien n’est encore signé mais la junte au pouvoir
discute d’un potentiel contrat : 1 000 hommes de Wagner pour former
l’armée et assurer la protection des dirigeants. Juteux : dix millions
de dollars par mois.
Nous
souhaitons désormais « diversifier nos relations », explique le ministre
de la défense à Bamako. Comprenez : prendre nos distances avec la
présence française.
Présences russe et française « incompatibles »
Et
cela ne plaît vraiment pas aux autorités françaises : il ne peut pas y
avoir au même endroit des militaires français et des mercenaires russes.
c’est « incompatible » dit l’Elysée.
Il
y a au moins quatre raisons à cela. La première : la France compte
encore 5 000 soldats au Sahel. Certes, elle commencé à réduire son
dispositif mais elle compte bien poursuivre ses opérations de
contre-terrorisme et son appui à l’armée. La deuxième : l’arrivée des
mercenaires russes risque de ruiner tous les efforts de paix… alors que
Paris et la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) tentent
de convaincre la junte d’organiser des élections pour rendre le pouvoir
aux civils.
Ensuite,
Paris sait tout ce que la France a à perdre quand la Russie s’implante
dans un pays africain. Début 2018, en Centrafrique, l’arrivée de
dizaines de « conseillers militaires » russes s’était accompagné d’une
violente campagne de désinformation anti-française. Paris avait cessé
toute collaboration militaire avec Bangui. Et enfin, si les Russes
débarquent au Mali, les États-Unis arrêteraient tout, privant la France
de moyens cruciaux, d’autant que dans la foulée certains pays européens
pourraient aussi décider de se désengager.
Ça
ne sera pas aussi facile de partir du Mali. Paris s’active en coulisses
pour qu’aucun mercenaire de Wagner ne pose le pied sur le sol malien.