Cas de noyade à Rufisque : »Le maire m’a demandé de ne pas porter plainte contre… » (père du défunt)
Il y a un an, un
adolescent se noie dans une excavation inondée à Rufisque-Est. Les
parents affirment que le trou dans lequel est mort leur fils est l’œuvre
de la société Eiffage, ils décident de porter plainte. Le groupe
français quant à lui nie toute responsabilité dans ce drame. Un an plus
tard, Seneweb est parti à la rencontre de cette famille.
Les
larmes ont séché mais la douleur est encore présente. Voici en résumé
la situation dans laquelle se trouvent les parents du jeune Mame Saliou
Faye mort à la fleur de l’âge l’année dernière alors qu’il s’apprêtait à
passer le Bfem. Le 17 août 2020, alors que les pluies et la chaleur
battent leur plein, Mame Saliou prend la décision d’aller se rafraîchir
et dit au revoir à sa famille… Pour la dernière fois. Le jeune homme
de 16 ans quitte son village de Keur Daouda (Rufisque Nord) et se rend
accompagné de ses amis à Diorga Montagne dans un point de stagnation
d’eaux de pluie qui leur fait office de lac où ils y vont souvent pour
piquer une tête. Ce point d’eau est le résultat d’une fosse creusée dans
le but de recueillir les eaux de pluies. L’enfant y plonge et se noie.
Son corps sera repêché quelques heures plus tard. Alerté de la mort d’un
enfant mais ignorant qu’il s’agissait du sien, Diapaly Faye se rend sur
les lieux. Sur place, il découvre le corps inerte de son fils de 16
ans.
La société Eiffage pointée du doigt
La
tristesse du père de Mame Saliou Faye se transforme aussitôt en colère.
Une colère envers le groupe français. « C’est Eiffage qui a creusé cette
excavation pour y drainer les eaux de pluies afin de mener à bien leurs
travaux. Ce qui a même entraîné des inondations dans les maisons aux
alentours. Les habitants ont alerté à maintes reprises le maire et le
préfet en vain » argue le père du défunt. Diapaly Faye décide alors
d’aller en guerre contre Eiffage. Il faut dire que dans cette zone, tous
les habitants sont du même avis que le père du défunt. Déterminé et sûr
de lui, il fait part au maire de Rufisque Nord de sa volonté de traîner
en justice la société de construction : »Il m’a convoqué dans son
bureau et m’a demandé de laisser tomber l’affaire, qu’il allait essayer
de parler avec Eiffage. Aussitôt, il a appelé l’un des représentants de
l’entreprise au téléphone et lui a signifié ma présence. Il leur a
demandé par la suite de se constituer en délégation et de venir me
présenter leurs condoléances. Chose qu’Eiffage n’a pas fait jusqu’à
présent » se désole-t-il. Bien décidé à mener le combat jusqu’au bout
malgré la dissuasion du maire, Diapaly Faye engage un avocat.
Eiffage s’en lave les mains
Mais
quelques temps après avoir consulté le dossier, l’avocat se dessaisit
de l’affaire, une attitude suspecte pour le père de Mame Saliou Faye : »
Je crois que mon avocat a été soudoyé. Car, il est venu me dire un jour
qu’Eiffage a déclaré n’y être pour rien », raconte Diapaly Faye.
L’entreprise française a, en effet, réagi suite à l’éclatement
médiatique de cette affaire et a rejeté toute responsabilité dans ce
drame. La société s’est fendue d’un communiqué pour se défendre et
apporter des précisions : »La confusion viendrait du fait que certains
habitants, ayant vu des équipes d’Eiffage Sénégal intervenir la nuit du
14 au 15 août 2020 sur la bretelle pour les besoins des travaux
nocturnes d’éclairage, en avaient conclu que des manœuvres avait été
volontairement initiées par nos équipes pour renvoyer les eaux pluviales
stagnantes dans leurs concessions » dit le communiqué. Aussi, Eiffage a
déclaré avoir fait une descente sur le terrain en compagnie des
autorités municipales pour prouver son innocence.Des
arguments qui ne convainquent pas Diapaly Faye, qui, faute de soutien, a
dû jeter l’éponge mais se dit prêt à reprendre cette bataille au moment
opportun : »Si je suis épaulé, soutenu, je reprendrais le combat contre
Eiffage. Mais actuellement tel n’est pas le cas » confie le père de
Mame Saliou avec des sanglots dans la voix. Une chose est sûre,
l’affaire est loin d’être classée pour le père meurtri.