Présidentielle en Gambie: alliance entre le parti au pouvoir et celui de l’ex-dictateur Jammeh
En Gambie, deux anciens ennemis se rapprochent. Le parti au pouvoir du président Adama Barrow a signé une alliance, dimanche 5 septembre, avec celui de l’ancien dictateur Yahya Jammeh. C’est ce qu’a confirmé un proche de l’ancien président. Cette alliance intervient à trois mois du scrutin présidentiel de décembre et jette un doute sur la volonté de poursuivre l’ex-dirigeant pour des violations présumées des droits de l’homme.
Parmi les points d’accord figure
le retour de Yahya Jammeh à Banjul. C’est l’une des conditions évoquées,
dimanche, par le parti de l’ancien président pour garantir son soutien à
la formation politique d’Adama Barrow lors de la présidentielle du 4
décembre prochain.
Tous les détails de cet
accord ne sont pas encore connus, mais pour Fabakary Tombong Jatta,
secrétaire général du parti APRC de Yahya Jammeh, l’objectif est
d’assurer que l’ex-chef de l’État « revienne dans le pays de manière
pacifique et dans la dignité ».
Cette alliance a
toutefois créé une onde de choc parmi les Gambiens. « C’est une
déception, voire une trahison », ont tout de suite réagi les
associations de défense des droits de l’homme. Pour elles, Yahya Jammeh
est celui qui a fait régner un climat de terreur en Gambie pendant 22
ans.
D’après les sondages, 73 % de la
population réclame des poursuites judiciaires contre les auteurs de
crimes commis sous son règne. Les Gambiens attendent, avec impatience,
les conclusions d’une commission d’enquête, déjà repoussées à plusieurs
reprises, pour poursuivre l’ex-chef de l’État. La crainte, c’est que
cette nouvelle alliance entre le parti APRC et le Parti national des
peuples (NPP) d’Adama Barrow, risque d’enterrer les travaux de la
commission sine die.
En Gambie, on a aussi du
mal à comprendre pourquoi Adama Barrow se lie au parti de son ancien
ennemi qu’il a chassé du pouvoir en 2017. Pour les observateurs, la
réponse serait à chercher dans le scrutin du 4 décembre prochain, que
Barrow entend bien remporter.
Pour Fatou Jagne
Senghore, directrice sortante de l’ONG Article 21, l’alliance entre les
deux anciens ennemis n’est qu’une manœuvre politique: « Le Président
Barrow n’a pas de base politique… Pour avoir l’alliance avec le parti
de Jammeh, il faut faire des compromissions et c’est ce qu’il a essayé
de faire. Cela veut dire que pour qu’il le soutienne, il a fallu lui
aussi qu’il fasse des promesses, mais le président ne peut pas promettre
l’impunité. »
Si la nouvelle alliance
politique risque de changer la donne, Reed Brody, de la Commission
internationale de juristes estime qu’il reste d’autres recours: « Le
peuple gambien veut la justice. Maintenant, si le gouvernement gambien
n’entame pas les poursuites, il y a d’autres possibilités. Il ne faut
pas oublier qu’il y a 44 Ghanéens qui auraient été tués sous les ordres
de Yahya Jammeh, qu’il y a des Nigérians, il y a des Sénégalais et que
ces pays là aussi pourraient exiger qu’il y ait justice. »
La commission d’enquête devrait rendre son rapport d’ici la fin du mois.