« S’ils nous trouvent, ils nous tuent » : un ex-interprète de l’armée française, à Kaboul
Des dizaines d’anciens auxiliaires de l’armée française qui
vivent encore en Afghanistan vivent dans l’angoisse alors que les
talibans s’installent au pouvoir à Kaboul. L’un d’eux s’est confié à
France Inter. « Nous sommes en danger », dit-il. Voici son témoignage
exclusif.
Mohammed Ajan l’admet, son
français est aujourd’hui un peu rouillé. Il se présente comme un ancien
interprète qui a travaillé pour les soldats français pendant un an,
entre 2011 et 2012, dans la région de Kandahar. Âgé de 38 ans, il vit
aujourd’hui chez lui à Kaboul, dans l’angoisse, avec sa femme et ses
deux garçons âgés de 4 ans et 4 mois. Ses cinq demandes de visa, la
dernière formulée il y a quelques semaines, n’ont jamais abouti.
« Pour les talibans, nous sommes des espions »
« Nous
sommes en danger », dit-il. « Pour les talibans, nous étions des espions.
Pour eux, un homme qui a travaillé pour les étrangers, c’est comme un
soldat français. S’ils nous trouvent, ils nous tuent », lache-t-il.
Mohammed
fait partie des quelques 70 à 80 personnes, un temps rémunérées par la
France, qui n’ont toujours pas obtenu de visa, selon l’Association des
anciens auxiliaires de l’armée française. Ils étaient traducteurs,
cuisiniers, chauffeurs, tous réunis sous l’acronyme PCRL, personnel
civil de recrutement local. Au total, on estime leur nombre à 800. Une
grande partie d’entre eux a pu être évacuée par les autorités françaises
ces derniers mois, mais ils seraient donc encore plusieurs dizaines
piégés en Afghanistan.
Mohammed
Ajan implore Emmanuel Macron d’intervenir pour qu’il obtienne les
documents nécessaires à son exfiltration vers la France : « Aujourd’hui
l’aéroport est contrôlé par les Américains et je n’ai pas les documents
qui me permettent d’y accéder et de prendre l’avion. J’ai besoin d’un
papier délivré par la République française ».
« Les talibans ne feront aucun sentiment »
Il
demande au président français de lui « sauver la vie » : « Les talibans
sont très dangereux, ils ne feront aucun sentiment avec nous ».
Emmanuel
Macron qui a justement déclaré lundi soir, lors d’une allocation à 20h,
que le « devoir et la dignité » de la France était de « protéger » les
Afghans qui l’ont aidée et qui sont menacés par l’arrivée des talibans
au pouvoir. « C’est notre devoir et notre dignité de protéger ceux qui
nous aident : interprètes, chauffeurs, cuisiniers et tant d’autres. Près
de 800 personnes sont d’ores et déjà sur le sol Français. Plusieurs
dizaines de personnes sont encore sur place (…) pour lesquelles nous
restons pleinement mobilisés », a déclaré le chef de l’État.
Les
talibans ont demandé à tous les Afghans ayant travaillé pour les forces
internationales de « se repentir » après le départ des troupes étrangères
d’Afghanistan. Les invitent toutefois à rester dans le pays en assurant
qu’ils ne courent aucun danger. Mais « c’est un mensonge », dit à France
Inter Adel Abdul Raziq, président de l’Association des anciens
auxiliaires de l’armée française.
Il rappelle
qu’en juin, Abdul Basir, un ancien cuisinier de l’armée française, a été
retrouvé mort par balles dans la province du Wardak près de Kaboul
après avoir été manifestement roué de coups. Il était marié et père de
cinq enfants.