DELTA au dessus de Dalal Jamm : L’appel des cheffes de services de Réa et du Cte
En plus de l’explosion des cas
positifs et de décès, la troisième vague de Covid-19 a été exacerbée par
des problèmes d’oxygène et de lits. Au Cte de l’hôpital Dalaal Jamm, le
personnel médical est sur le grill pour maintenir en vie des patients
sous assistance respiratoire et d’autres dans le coma en réanimation. Il
y a des destins… en suspens en quête de second souffle.
La
troisième vague, provoquée par le variant Delta, a déferlé sur le pays
avec son lot de cas positifs et de décès. Elle a évidemment secoué
l’infrastructure sanitaire jusque dans ses fondations avec un déficit
d’oxygène, de lits avec la saturation des Centres de traitement des
épidémies (Cte). A l’hôpital Dalaal Jamm, installé dans le ventre mou de
la banlieue, à Golf, l’un des plus grands et premiers Cte de la région
de Dakar, le temps est figé dans l’évolution de la pandémie. Depuis le
début de la maladie, l’hôpital a enregistré plus de 240 décès et reçu
plus de 80 patients en difficulté respiratoire. Néanmoins, la structure
dispose d’un plateau médical pour assister les patients internés à la
«Zone rouge» réservée aux patients en formes graves. Comment vivent-ils
aujourd’hui dans cette structure hospitalière ? Est-ce qu’ils sont pris
en charge correctement par la structure ? Comment se fait l’assistance
au sein du Cte ? Est-ce que la structure est prête à faire face à cet
afflux de cas positifs qui ne tarit pas ?
Jeudi
5 août. Il est 12h… Pr Louise Fortez, responsable du Cte, ouvre les
portes de la structure, tend les Equipements de protection individuelle
(Epi) pour offrir un système de défense maximale au visiteur. Dans la
«Zone rouge», appelée aussi «Périmètre de tous les dangers», le bruit
des machines est assourdissant. Au bout d’un long couloir très bien
éclairé se nichent les chambres où sont internés les malades sous
traitement. Certains sous oxygène continuent de recevoir l’air
artificiel pour s’agripper au fil de la vie. Il flotte un sentiment de
tristesse et d’impuissance.
R.
Diop, âgée de 66 ans, restée pendant plusieurs jours, sous assistance
respiratoire, se projette déjà sur les retrouvailles avec sa famille.
Elle se remet progressivement après des jours de lutte contre le virus.
Elle revient de loin : «On m’a transportée en urgence à Dalaal Jamm.
J’étais dans un état assez compliqué, je ne pouvais pas contrôler cette
toux. Au-delà de cette maladie, j’avais pensé surtout à ma famille. Je
me pose toujours la question, et pendant toute cette période je suis
restée chez moi. Je ne sais pas où est-ce que j’ai pu choper cette
chose. Mais je sais que c’est effroyable. Si ma mémoire est bonne, c’est
une semaine avant la fête de la Tabaski. J’étais avec ma famille, elle a
commencé par des toux persistantes, alors là j’ai compris que j’ai
chopé la chose. C’est ainsi qu’on m’a mis en rapport avec un docteur.»
Après avoir appris qu’elle était positive au Covid-19, elle a senti le
monde se dérober sous ses pieds. Mais, elle a été rassurée par le
traitement mené par l’équipe du Pr Fortez. Il y a une nette amélioration
de sa santé dégradante il y a quelques semaines.
Agé
de 70 ans, un homme s’accroche à la vie grâce à un masque d’oxygène.
Mine froissée, tendue, son épouse raconte : «Il était parti en voyage au
village. Et lorsqu’il est rentré, il avait une petite fièvre et
toussait beaucoup surtout, avec son âge ce n’était pas facile.
Heureusement que nous l’avons très vite évacué à l’hôpital. C’est ainsi
qu’après les tests, les résultats ont été positifs. Et sous l’assistance
du personnel, d’ailleurs très dynamique, aujourd’hui bien vrai qu’il
est sous respiratoire oxygène, il va mieux. C’est propre et on
désinfecte tout le bâtiment de jour comme de nuit.» Au Service de réa,
une dame, qui a subi une césarienne, reprend des forces avec son masque à
oxygène. Sur place, l’équipe d’urgentistes reste au front pour garder
ses patients encore sur terre.
Aujourd’hui,
les malades sont nombreux dans ce Cte, pris dans un maelström de
sentiments. Fatalistes, mais déterminés, apeurés, mais résilients, ils
se battent pour vaincre le coronavirus. Pour certains, c’est une
souffrance quotidienne : ils ont du mal à se retourner sur leur lit,
n’arrivent pas à prononcer des mots audibles et implorent le Ciel pour
recouvrer la santé et quitter cette «Zone rouge»…. Où rode la mort.
Au
service de la morgue, les deux équipes de garde sont harassées par ces
mois de pandémie. Chef de service, Victor Mendy vient de noter sur son
registre bien tenu, deux cas de décès dans cet après-midi du vendredi 6
août. Patron de ce service depuis le 7 juillet 2020, il n’a jamais vu
«autant de morts». Ainsi va la vie imposée par le Covid-19.