À la rencontre des nonuplés maliens, trois mois après leur naissance au Maroc
Le 4 mai dernier, une
jeune Malienne, Halima Cissé, a accouché par césarienne de neuf bébés,
tous vivants, sans passer par une fécondation in vitro. Une première
mondiale. Une grossesse risquée pour la vie de la mère et des bébés nés
prématurément. RFI est allée les rencontrer à Casablanca.Jamais
le couple n’aurait pu imaginer vivre une telle histoire. Halima Cissé,
26 ans, étudiante, et Abdelkader Arby, adjudant de l’armée malienne,
menaient à Tombouctou « une vie ordinaire, simple et heureuse » avec
leur fille aînée de deux ans et demi.
Sobres
et élégants, ils nous accueillent dans la chambre de la clinique privée
Aïn Borja de Casablanca où Halima Cissé est prise en charge depuis fin
mars. Elle était alors à 25 semaines de grossesse, sa vie et celle de
ses bébés étaient en jeu.« Une dame courageuse et confiante »Son
époux, deux téléphones à la main, entre gestion logistique et nouvelles
régulières à donner à la famille restée à Tombouctou, n’a pu rejoindre
sa femme et ses neuf nouveaux-nés qu’en juillet, deux mois après la
naissance car il a dû attendre d’être autorisé à voyager par le Maroc
dans le contexte de la pandémie de Covid-19.
Souriante
mais réservée face aux journalistes, Halima Cissé assure « aller bien »
et s’être remise de cette grossesse hors normes et de cet accouchement
par césarienne éprouvant.
Une
fois par jour, elle monte les quatre étages qui la séparent du service
de réanimation néonatale où se trouvent ses bébés. Son mari l’accompagne
dans ses visites quotidiennes depuis qu’il est arrivé à Casablanca.
Chasuble,
charlotte et surchaussures enfilées, on entre dans une salle très
éclairée. Au mur, des personnages de Walt Disney sont peints. Et dans un
bruit incessant de monitoring, une équipe d’infirmières se relaient
nuit et jour auprès des bébés.
Halima
Cissé s’approche de l’une des couveuses. Elle salue tendrement sans le
toucher son fils aîné, baptisé Mohammed VI en hommage au roi du Maroc.«
Quand je les vois maintenant et que je pense au premier jour, ils
étaient si petits », dit-elle pudiquement.
Depuis
leur naissance, il y a presque trois mois, les « nonuplés maliens » ont
fait du chemin.« Des bébés très costauds », dit le pédiatre le Dr
Khalid Mseif, « on a tout eu avec eux, ils ont survécu à toutes les
complications de la grande prématurité. » Pesant entre 500 g et 1 100 g
chacun à la naissance, les bébés ont presque tous dépassé les 2,5 kg,
tètent seuls leurs biberons et n’ont besoin d’aucun médicament. Reste la
petite Hawa, la dernière, qui n’atteint pas encore les 2 kg et qui a
besoin d’oxygène et d’une sonde pour ne pas s’épuiser en s’alimentant.Face
à ce bouleversement, Halima Cissé et Abdelkader Arby, tous deux très
croyants, affichent calme et mesure. « Depuis son arrivée à 25 semaines
de grossesse et jusqu’à présent, elle a été exemplaire, dit le Dr Mseif.
Une dame courageuse, avec un calme extraordinaire et confiante. Loin de
son pays si longtemps, ce n’est pas évident. Le fait qu’elle soit
restée calme, je pense que ça a aidé pour que cela se passe bien pour
les bébés. »
«
Oui mon pays natal, ma fille aînée, ma famille et mes amis me manquent,
reconnaît Halima Cissé. Mais seul le temps dira quand nous pourrons
rentrer en fonction de l’évolution de l’état de santé des enfants. »
Pas de date de sortie prévueDe
Tombouctou à Casablanca en passant par Bamako, le couple a toujours
préservé une grande discrétion autour de leur aventure inédite. C’est le
ministère malien de la Naissance qui a annoncé la naissance début mai.
Et ce n’est que depuis quelques jours que le couple répond aux
sollicitations, très nombreuses, de journalistes du monde entier. « Nous
sommes conscients que cette histoire nous dépasse, dit Abdelkader Arby,
je veux aussi remercier tous ceux qui nous ont aidés et nous aident
encore. »
Les
frais de prise en charge à la clinique privée Aïn Borja de Casablanca
sont payés par l’État malien depuis mars. Plusieurs comptes en banque
ont été ouverts au Mali pour aider le couple. La fondation Orange a déjà
fait une donation.
Aucune
date de sortie de la clinique n’est annoncée pour le moment pour les
nonuplés. Un défi logistique. À quoi va ressembler la vie avec dix
enfants dont neuf nés en même temps, prématurément et fragiles ? « C’est
une responsabilité énorme, un poids que nous mesurons en termes
d’attention, de soins, d’éducation, déclare posément Abdelkader Arby.
Élever un bébé n’est pas du tout facile, à plus forte raison neuf… »